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Intervention en Assemblée

Vers une stratégie globale pour la biodiversité en PACA

10 décembre 2011 – Annabelle Jaeger

 

Monsieur le Président, Chères et chers collègues,

La biodiversité, c’est l’homme et la nature réunis, c’est le tissu vivant de la planète. Les intérêts que nous avons à sa préservation sont vitaux. Nous respirons, mangeons, buvons, consommons, créons et innovons grâce à la biodiversité. Elle garantit notre capacité à vivre aujourd’hui et demain à travers les services qu’elle rend, services liés à la qualité de la ressource (eau, air, sol, énergie etc.).

En 2 mots, elle est notre assurance-vie.

A l’occasion de la conférence internationale sur la biodiversité à Nagoya au Japon, en octobre dernier, la biodiversité a été reconnue internationalement comme support nécessaire au fonctionnement de notre planète, de notre économie et de l’humanité. 193 pays signataires de la Convention sur la diversité biologique ont reconnu les liens étroits entre l’état de la biodiversité et les grands enjeux internationaux : pauvreté, santé et dérèglement climatique.

La communauté internationale a adopté un plan stratégique en 20 points visant à enrayer l’érosion de la biodiversité et à partager de façon plus équitable les bénéfices tirés des ressources génétiques des Pays du Sud. Le protocole tant attendu sur l’accès aux ressources génétiques et le partage des avantages tirés de leur exploitation (APA) a ainsi été signé.

A Nagoya a par ailleurs été reconnu le rôle essentiel des villes et des collectivités territoriales pour décliner la mise en œuvre de ces 20 points.

- D’ici 2020, il s’agira notamment de supprimer les subventions néfastes pour la biodiversité, de pratiquer une pêche durablement gérée et d’éviter la surpêche. Pour fournir un cadre légal plus contraignant à la protection de la biodiversité, et en assurer la pérennité, les aires protégées ont été étendues. De 13 % actuellement pour les zones terrestres et 1 % pour les zones marines, les surfaces protégées devront représenter, d’ici 2020, 17 % des superficies terrestres et 10 % des zones marines. Enfin, 15 % des écosystèmes dégradés devront être restaurés « contribuant ainsi à l’atténuation des changements climatiques ainsi qu’à la lutte contre la désertification ». -

A Nagoya toujours, a été reconnu le lien étroit entre biodiversité et économie : le rapport TEEB de l’économiste Pavan Sukhdev réalisée en 2010 sous l'égide de l'ONU et présenté lors du sommet de Nagoya, équivalent du rapport Stern sur le dérèglement climatique, nous éclaire sur le coût des services gratuits rendus par les écosystèmes et le coût de l’inaction dans ce domaine. Alors que 40% de l’économie repose sur les services rendus par les écosystèmes, 60% de ces services sont compromis par nos modes de production et de consommation. Le coût de l’érosion de la biodiversité est estimé à 3 100 milliards de dollars par an, soit 7% du PIB. A l'inverse, selon cette étude, 1 euro investi aujourd'hui dans la biodiversité, c'est un bénéfice de 100 euros au bout de dix ans.

Elément clef de la qualité et du cadre de vie, la biodiversité est un atout pour le développement économique et social de cette région. Agriculture, pêche, forêt, tourisme… en dépendent directement. Alimentation, santé, bien être, loisirs également. Qui me contredira pour dire que la biodiversité est le Premier Employeur dans notre pays ?

Des métiers nouveaux émergent, qu’il s’agit également d’accompagner : génie écologique, reconversion des friches industrielles par exemple. Un nouveau regard sur la biodiversité multiplie les opportunités d’innovation, qui peuvent mobiliser les acteurs publics, la recherche, les entreprises et l’ensemble des acteurs du territoire.

Selon la directrice chargée du dossier RSE en PACA chez Pôle Emploi interrogée sur les métiers verts qui recrutent : « Les 5 familles qui recrutent le plus sont l’entretien des espaces verts (23,8%), l’installation d’équipements sanitaires et thermiques (15,3%) le nettoyage des espaces urbains (8,3%) l’entretien des espaces naturels (8 ,3%) Nice Matin 22/11/2010

J'insiste sciemment sur le rôle économique de la biodiversité car je souhaite comme le rapport Stern l'a fait sur l'enjeu climatique vous convaincre que la biodiversité est un atout en terme de développement.

Cet argument n'est certes pas le seul et j'en appellerai à la question morale et éthique qui doit aujourd'hui nous guider. Le développement durable tel que défini dans le rapport Brundtland (1987) se définie de la sorte " un mode de développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs."

Et pourtant… Aujourd'hui, le rythme d'extinction s'est accéléré de 1 000 à 10 000 fois, entraînant un appauvrissement du vivant. L'univers du vivant en danger. Aujourd'hui, l'impact des activités humaines est tel qu'il préfigure une nouvelle vague d'extinction des espèces. La nature évolue à un rythme beaucoup trop lent pour s'adapter à ces changements brutaux et rapides. Destruction des habitats et modification des milieux (en France, la surface couverte par les aménagements routiers est supérieure à celle des espaces protégés), Prélèvement excessif et surexploitation des ressources , Introduction d'espèces exotiques invasives et  Réchauffement climatique global (modification des aires de répartition des espèces,–certaines envahissent de nouvelles régions, d’autres disparaissent-, des virus, etc) sont les principales causes de cette érosion.

Réduire la biodiversité, c’est ainsi et encore une fois se priver de l’indispensable. Il en va de notre avenir comme de celui des générations futures.

La préserver, c'est exprimer 3 solidarités essentielles :

-          avec l’ensemble du vivant,

-          des territoires entre eux, ici et ailleurs - des pays du Nord avec ceux du Sud-,

-          avec les générations futures.

A l’aune de l’année 2010 dédiée à la biodiversité, je suis heureuse de vous présenter la délibération cadre ouvrant la voie d’une stratégie globale pour la biodiversité en Provence Alpes Côte d’Azur qui témoigne de la volonté et de la détermination de notre région de prendre toute sa part pour faire face à cet enjeu majeur dont les réponses sont tout autant globales que locales.

La Région Provence Alpes Côte d’Azur n'a certes pas attendu de nommer une élue déléguée à la Biodiversité (ce qui en soit doit être noté, car je suis la seule à porter cette thématique en France). Permettez moi de saluer tout ce qui a déjà été fait en la matière et de rappeler les atouts dont notre région dispose :

- Ainsi, avec cinq Parcs naturels régionaux : Camargue, Luberon, Queyras, Verdon et Alpilles, et cinq en projets : Préalpes d’Azur, Baronnies Provençales, Mont Ventoux, Sainte-Baume et Massif des Maures, la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur apparaît aujourd’hui comme une des régions les mieux dotées de France en la matière.

- Elle a également engagé une politique en faveur de la création de Réserves Naturelles Régionales avec déjà le renouvellement ou le classement de quatre Réserves.

- Parallèlement, la Région a mis en place une politique partenariale avec de nombreux grands opérateurs de la gestion de la biodiversité en Provence-Alpes-Côte d’Azur, notamment sur la base de conventions avec les trois Parcs nationaux, le Conservatoire du littoral et des rivages lacustres, les Conservatoires botaniques nationaux, le Conservatoire des écosystèmes et études de Provence, les trois plus grandes Réserves nationales de la région, le Syndicat mixte du Grand Site Sainte Victoire, le Parc marin de la Côte bleue.

- Les associations de protection de la nature assurent également un rôle important dans la protection de la biodiversité, en contribuant à la prise de décision, en agissant sur le terrain et en accroissant la prise de conscience de l'opinion publique.

- Dans le domaine de la gestion de l’eau et des milieux aquatiques, la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur a développé des partenariats contractuels dans le cadre des 30 contrats de rivières et de milieux et des 7 schémas d’aménagement et de gestion de l’eau (SAGE) en cours d’élaboration ou de mise en œuvre sur son territoire, ainsi que des partenariats conventionnels avec les Fédérations départementales de Pêche, l’Association Migrateurs Rhône Méditerranée, la Maison Régionale de l’Eau et la Tour du Valat.

- De plus, il existe en région l’Agence régionale pour l’environnement (ARPE), créée à l’initiative de la Région, qui anime de nombreux réseaux d’acteurs notamment dans le domaine de la gestion des espaces naturels, des milieux aquatiques et du développement durable et qui accompagne les collectivités dans l’élaboration de leurs politiques publiques.

Cette délibération vous propose aujourd'hui d’aller plus loin et d’ouvrir la voie d'une stratégie globale pour la biodiversité à l'échelle de notre territoire.

Globale dans le sens retenu à Nagoya d'intégrer la biodiversité dans l'ensemble de nos politiques régionales.

Dans les politiques directement concernées par la biodiversité que sont celles de l’eau, de la forêt, de l’agriculture, du foncier, de la mer, du tourisme, de l’éducation à l’environnement, mais les autres également :

- La Trame verte et bleue que nous élaborerons avec l'Etat, les départements, les communes et groupements de commune est clairement une question d'aménagement du territoire.

- Les voies de transports sont parties intégrantes de cette trame et doivent considérer la biodiversité pour ne pas interrompre des continuités.

- Le logement a sa place à l’heure ou l’architecture et le HQE s’ouvrent à la prise en compte de la biodiversité…

- Le développement économique, notre stratégie d'innovation doivent savoir s'appuyer sur le potentiel qu'offre la biodiversité. Renforcement et développement de filières bois, isolants, des variétés locales, etc.

- la formation doit accompagner les métiers émergeants :

- la recherche explorer tous les potentiels portées par la biodiversité, comme le bio-mimétisme par exemple.

Avec l'ensemble des parties prenantes, dans un esprit de concertation et de partenariat (concertations déjà entamées en amont de ce texte avec les élus, tête de réseaux, acteurs régionaux dont l’Etat et les départements), nous vous proposons de lancer un vaste chantier de rencontres, d'échanges, d'explorations et nous l'espérons de prises de décision pour faire face collectivement aux enjeux de l'érosion de la biodiversité.

C'est pourquoi ce texte affirme :

- que la biodiversité est un moteur de la qualité de vie et de l’attractivité sociale, culturelle et économique du territoire régional ;

- que la Région entend prendre une part active dans la préservation et le développement de cet atout essentiel ;

- qu’elle souhaite mettre la biodiversité au cœur de ses politiques générales et sectorielles en l’intégrant dans tous les domaines socioéconomiques et culturels ;

 - qu’une telle démarche doit se conduire dans une relation de concertation, de partenariat et de collaboration avec l’ensemble des acteurs du territoire dans le cadre d’une gouvernance partagée.

Ensemble, faisons le pari de la biodiversité !

Mobilisons, comme le propose la délibération, tous les moyens et services dont la Région dispose, pour le lancement de cette Stratégie;

Appuyons nous sur les Parcs naturels régionaux existants et à venir, par leur capacité d’expertise, d’innovation et d’expérimentation ainsi que sur les Réserves naturelles régionales ;

Mais aussi sur l’Agence régionale pour l’environnement, notamment pour l’animation des réseaux et l’accompagnement des collectivités ; et pour porter un observatoire régional de la biodiversité.

Organisons dès le printemps 2011 des Assises régionales au afin de lancer le processus d’élaboration avec tous les acteurs du territoire.

Ainsi, la Région affichera une stratégie cohérente et innovante, en l’articulant avec les stratégies et les schémas régionaux réalisés ou à venir, notamment dans le cadre le mieux adapté, à savoir celui du Schéma régional d’Aménagement et de Développement du Territoire (SRADT), en cours de révision. Ce schéma n’est donc pas déconnecté des autres politiques régionales, mais constitue un lien entre elles en en priorisant le développement de l’emploi et l’amélioration des conditions de vie pour les habitants de la Région.

 

Notre région possède la plus grande biodiversité de toutes les régions métropolitaines, elle a donc tous les atouts pour faire le pari de la biodiversité. L’objectif est alors de concilier aménagement du territoire, développement économique, valorisation du cadre de vie et préservation de la diversité des ressources. C’est l’esprit de cette délibération vers une stratégie régionale en faveur de la biodiversité en Provence-Alpes-Côte d’Azur.

J'espère qu'elle sera votée à l'unanimité.