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ITER - Retards, instabilité du dispositif nucléaire, financements…

Marseille, le 14 avril 2015

 

ITER - Retards, instabilité du dispositif nucléaire, financements…

Lettre ouverte à Bernard BIGOT, Directeur général d’ITER

Depuis plusieurs mois, des informations, provenant de la presse nationale et internationale et des propres services d'information et de communication d’ « ITER-Organization », font état de retards et de problèmes dans la réalisation du programme international de fusion nucléaire ITER. Son utilité, sa dangerosité et ses effets sur l'environnement font l'objet de controverses.

Des engagements financiers importants ont été pris par l’Union européenne, le Gouvernement français et les collectivités locales de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. C’est pourquoi, à l’initiative du groupe écologiste du Conseil régional PACA, plusieurs élus (députés européens, député national, conseillers régionaux et départementaux) ont signé il y a quelques jours une lettre ouverte à Monsieur Bernard BIGOT, nouveau Directeur général d’ITER, en l’interrogeant sur 5 aspects essentiels du projet.

Ci-dessous, voici la lettre ouverte à Monsieur Bernard BIGOT, Directeur général d’ITER

 

Contact Presse :

Thomas DJIAN

Coordinateur du Groupe Europe Ecologie, Les Verts, Partit Occitan

Conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur

04 88 73 62 83 / 06 03 52 61 09 - tdjian@regionpaca.fr

 

 

 Lettre ouverte à

 

 

Monsieur Bernard BIGOT

Directeur Général du projet international ITER

ITER Organization Headquarters

Route de Vinon-sur-Verdon

CS 90 046

13067 St. Paul-lez-Durance Cedex France

 

 

Le 8 avril 2015

 

Monsieur le Directeur Général,

 

 

Depuis quelques mois, des informations d'origines diverses, provenant aussi bien de la presse nationale et internationale que de vos propres services d'information et de communication, font état de retards et de problèmes dans la réalisation du programme ITER.

 

Dans la mesure où des engagements importants ont été pris vis-à-vis non seulement des nombreux partenaires du projet mais aussi de la Communauté européenne, du Gouvernement français et des collectivités locales de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, il nous semble nécessaire aujourd'hui de faire le point avec vous sur ce qui semble problématique dans l'avancement de la totalité de ce grand projet si prometteur.

 

Vous avez été chargé en novembre 2014 par le Conseil International ITER de proposer dans quelques mois le nouveau planning de réalisation de ce projet. Dès maintenant, nous vous demandons de bien vouloir répondre à nos interrogations, sur notamment cinq aspects essentiels d’ITER :

 

1. Les retards dans la réalisation du projet

 

Dans le projet initial de 2005, le premier plasma était prévu en 2019.

Aujourd'hui, il semble  qu'il sera obtenu en 2025. En particulier, des difficultés annoncées par ITER-Organization sont apparues dans l'assemblage du « puzzle » de plusieurs millions de pièces que constitue ITER, dont un grand nombre sont fabriquées dans des pays étrangers : pouvez-vous nous tenir informés précisément de ces retards et de leurs impacts probables sur le timing d'avancement scientifique du projet ?

 

2. Le gaz radioactif tritium

 

Il s'agit de l'un des "carburants" nucléaires nécessaires à ITER : il est indispensable à l'accomplissement du projet. Extrêmement rare sur notre planète, il disparaît naturellement en permanence par désintégration radioactive rapide (5% par an). Des physiciens américains ont établi il y a plus de dix ans, c'est-à-dire avant la mise en œuvre du projet ITER, qu'un programme de recherche grand consommateur de ce gaz devrait nécessairement être finalisé avant 2035, sauf à construire de nouveaux programmes nucléaires producteurs de tritium, ou à prolonger l'exploitation des centrales nucléaires, essentiellement canadiennes, qui le produisent.

Le retard actuel du projet nous interroge sur la possibilité de finaliser le programme, en particulier pour la mise au point des cellules tritigènes, partie du programme de recherche nécessitant la consommation d'une grande quantité de tritium.

Ce point fondamental n'a jamais été mentionné par ITER-Organization.

Pouvez-vous nous rassurer sur la disponibilité d'une quantité suffisante de tritium en 2035 ?

 

3. L'instabilité du dispositif nucléaire

 

Le très fort courant nécessaire circulant dans la machine peut en une fraction de seconde produire de très graves dégâts : on parle alors d'une disruption majeure. Ce point était totalement absent des documents mis à la disposition des citoyens en 2011 lors de l'enquête d'utilité publique. Aujourd'hui, des recherches sont menées pour contrôler ces disruptions, mais aucun dispositif n'a encore prouvé son efficacité dans une enceinte de la taille de ITER.

Quelles certitudes scientifiques et technologiques pouvez-vous nous proposer concernant ce point essentiel pour votre projet ?

 

4. La stabilité des bobines supraconductrices

 

Les critiques, et notamment celles de Pierre-Gilles De Gennes, Prix Nobel de physique, concernant la fragilité des bobines supraconductrices soumises à un flux de neutrons très énergétiques, sont-elles encore aujourd'hui  pertinentes?

 

5. Le financement

 

Quelles vont être les conséquences de ces retards officiellement annoncés sur les financements prévus, qu'ils soient internationaux, européens, français ou régionaux ?

Le budget de l’Union européenne participe à hauteur de 45% du budget d’ITER. C’est 2,9 milliards sur la période 2014-2020. Soit autant pour une seule entreprise que le soutien de l’UE pour la recherche et l’innovation pour toutes les PME en Europe.

Le rapport de la Cour des Comptes de l’UE nous indique également :

- « En novembre 2013, l’entreprise commune (ITER) a évalué le déficit (« imprévu négatif ») d’ici l’achèvement de la phase de construction du projet à 209 millions d’euros »

- « Au moment de l’audit (avril 2014), l’entreprise commune (ITER) estimait que le phase de construction serait retardée d’au moins 30 ans ».

De plus, le 23 mars 2015, la Commission du contrôle budgétaire a refusé d’octroyer sa décharge pour la ligne du budget européen destinée au financement du projet de fusion nucléaire ITER. Dans leur rapport, les parlementaires s’inquiètent du dépassement des coûts, du retard et de la mauvaise gestion concernant ce projet. Ce vote devra être confirmé en plénière du Parlement européen le 15 avril 2015.

 

Le coût du projet d'ITER va-t-il augmenter encore d'une manière significative, alors que, comme vous le savez, tous les pays du monde traversent aujourd'hui une grave crise économique?

 

 

Les 5 points évoqués ci-dessus vous paraissent-ils les seuls qui pourraient modifier l'avenir du projet ITER ?

 

 

Au regard de ce contexte de difficultés multiples, nous pensons qu’il serait opportun que vous organisiez une table-ronde d’état des lieux avec des représentants de l’Union Européenne, du Gouvernement français et des collectivités locales concernées.

 

Nous demandons également que l'Académie des Sciences de Paris actualise son rapport sur l'Energie de Fusion publié en 2006 et que parallèlement, l'Académie des Technologies soit consultée à la fois sur la problématique du tritium, sur celle de la fiabilité des supraconducteurs et sur les conséquences des retards annoncés dans la réalisation du programme international ITER de fusion nucléaire contrôlée.

 

 

Vous remerciant par avance de vos réponses, nous vous prions de croire, Monsieur le Directeur Général, en l’expression de nos sentiments les meilleurs.

 

 

Signataires :

 

Alain NICOLAS, Christian DESPLATS, Annick DELHAYE, Sophie CAMARD, Conseillers régionaux Provence-Alpes-Côte d’Azur

 

Michèle RIVASI, José BOVE, Députés européens

 

François Michel LAMBERT, Député des Bouches-du-Rhône

 

Michèle RUBIROLA-BLANC, Rosy INAUDI, Conseillères départementales des Bouches-du-Rhône