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Intervention Laurence Vichnievsky

Discours contre l’adhésion et la participation de la Région au GIP « Comité International du Forum Mondial de l’EAU »

28 juin 2010 – Laurence Vichnievsky au nom du groupe EELV

 

Monsieur le Président, chers collègues,

Je tiens, à l’occasion de la présentation de cette délibération, rappeler quelques chiffres qui doivent nous faire réfléchir

            -1 milliard de personnes n’ont pas accès à l’eau potable dans le monde

            -15000 personnes dont 6000 enfants meurent chaque jour de maladies liées au manque d’eau potable

L’EAU EST UNE RESSOURCE NATURELLE PRECIEUSE ET VITALE ET COMME L’AIR, ELLE NE PEUT ETRE CONSIDEREE COMME UNE MARCHANDISE.

OR, L’EAU EST EN DANGER ET NOUS DEVONS REPENSER SA GESTION

Si jusqu’à la fin du 20ème, l’enjeu principal était de démocratiser le raccordement à l’eau, tel n’est plus le cas : les pollutions de toute nature, notamment celles résultant de l’utilisation massive des engrais et pesticides par l’agriculture intensive, l’épuisement des nappes phréatiques et le gaspillage de la ressource nous contraignent à l’action.

 

Le rapport du Conseil d’Etat intitulé « l’eau et le droit » de 2010 indique que l’impact du réchauffement climatique sur la disponibilité et la qualité de l’eau est sous estimé, que les phénomènes de sècheresse et d’inondations vont s’accroître

Nous venons de voter une délibération pour aider les victimes des inondations du Var. Ai-je besoin d’insister... ?

S’agissant de la gestion de l’eau, la situation française est une exception mondiale :

            - en France, 77% de la distribution de l’eau est assurée par des entreprises privées, principalement deux multinationales : SUEZ et VEOLIA

            - pour 90% de l’humanité, la gestion de l’eau est publique

Les forums mondiaux organisés par le Conseil mondial de l’eau basé à Marseille nous paraissent relever beaucoup plus d’un espace de communication destiné à exporter notre modèle de gestion de l’eau que d’un échange ouvert et pluraliste sur les enjeux vitaux de l’accès à l’eau.

Dois-je rappeler, à un moment où la confusion des genres fait des ravages, que le président du Conseil mondial de l’eau est également président de la Société des Eaux de Marseille détenue à 100% par VEOLIA…

Notre modèle  est-il soutenable et porteur de sens au plan international ?

            - sur les tarifs, on constate que pour le consommateur, la facture est supérieure de 25% en moyenne à celle des régies municipales (le droit à l’eau, désormais inscrit dans la loi française, n’est pas respecté pour de nombreux ménages en France)

            - l’opacité règne toujours sur la réalité des coûts : le service est-il vraiment à la hauteur du prix ?

            - quant à l’entretien, une étude de 2006 révèle la vétusté des canalisations et la déperdition qui en résulte : sur les 23 agglomérations objet de l’étude, seules dix se situaient en dessous de la norme admise par l’Agence de l’eau.

            - la qualité n’est pas toujours au RV non plus : nitrate, aluminium et pesticides en quantité excessive

Savez-vous que dans certains pays, les plus pauvres, les contrats public/privé subordonnent le raccordement à l’eau de nombreux ménages à la suppression des fontaines d’eau potable publiques ?

De nombreuses villes d’Amérique latine et des Etats-Unis ont dénoncé les contrats qui les liaient à SUEZ ou VEOLIA à raison du prix trop élevé et de la qualité insuffisante de l’eau fournie.

Nous aimons l’entreprise, nous aimons l’entreprise privée, là n’est pas le sujet.

Le sujet est que nous considérons que l’eau est un bien commun de l’humanité et que sa gestion doit servir l’intérêt général.

Pour toutes ces raisons, les écologistes s’interrogent sur l’opportunité de soutenir, donc de financer un forum international de professionnels de l’eau pour un montant total de 38 millions d’euros dont 50% seront financé par des fonds publics, donc par les collectivités territoriales, donc par la région.

L’urgence, tout particulièrement en temps de crise, est-elle de financer un tel forum à hauteur de 38 millions d’euros ?

Avons-nous conscience de ce que nous pourrions financer avec une telle somme ?

            - l’amélioration de la distribution, de la qualité de l’eau, de sa consommation (éviter le gaspillage), de son utilisation par l’agriculture

            - l’amélioration de la gestion des eaux pluviales et usées

            - accompagner le retour en régie publique, plus économique

           - pour développer une gestion tarifaire socialement juste (gratuité puis majoration très progressive)

            - pour l’accès de tous à l’eau potable : ne sommes-nous pas solidaires ?

Après l’ère de l’or noir, l’or bleu.

Nous subissons les conséquences de la gestion privée des ressources fossiles, marées noires, guerres….

Nous ne voulons pas que la gestion de l’or bleu conduise à de tels désastres et il nous apparaît que la gestion privée, dont l’objectif est d’abord la recherche du profit n’est pas compatible avec la gestion d’une ressource naturelle vitale comme l’eau.

Nous devons avoir le courage de nous désolidariser d’un système qui a montré ses limites et défendre un autre modèle.

Les écologistes souhaitent une organisation mondiale de l’eau sous la tutelle de l’ONU et de ses états membres, indépendant des lobbies et qui rende des comptes à la communauté internationale ; ils feront entendre leur voix.

J’ai bien noté, Monsieur le Président, que dans votre rapport, vous aviez indiqué que ce forum n’emportait pas un accord unanime des acteurs de l’eau des ONG, pour les motifs que je viens d’exposer.

Vous avez défendu l’idée que pour cette raison même, il fallait s’associer à cette manifestation pour y faire entendre une autre voix.

Mais ne pas adhérer ne signifie pas ne pas être entendu car je n’imagine pas que la région ne soit pas invitée à s’exprimer dans le cadre de ce forum qui se veut pluraliste

A titre personnel, j’ai, un temps, partagé cette manière de voir sans aller jusqu’à souhaiter financer ce forum. J’ai toujours pensé qu’il fallait aller là ou nous pouvions être entendus, surtout si nous n’étions pas d’accord.

Aujourd’hui, j’estime que le positionnement politique des écologistes, s’agissant de l’eau et de sa gestion, justifie une attitude qui ne souffre aucune ambiguïté et ce d’autant que cette délibération n’implique pas seulement l’adhésion à cette manifestation, mais aussi son soutien, donc un soutien financier.

C’est pourquoi, Monsieur le Président, le groupe EE votera contre cette délibération.