Sur la décision du Conseil constitutionnel de retirer du Code pénal le harcèlement sexuel
Libre opinion :
La décision du Conseil constitutionnel prise aujourd’hui d’enlever du code pénal le délit de harcèlement sexuel, est un coup dur pour tous les militant-e-s qui se battent depuis des années pour les droits des femmes et surtout pour les milliers de femmes (ou d’hommes) qui subissent au quotidien ces situation intolérables. Cette décision était pour inévitable et logique.
Un des principes fondamentaux de notre droit est que chaque infraction doit être précisément définie par la loi. Et ce pour éviter l’arbitraire des juges et qu’ils n’aient pas une marge d’appréciation trop importante.
Le législateur en 1992 (puis surtout dans les modifications successives de cette loi), n’a jamais jugé bon de définir ce qu’était précisément le harcèlement sexuel. C’est seulement « le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle ». Le juge a du donc faire ce travail de définition (de manière très restrictive envers les victimes d’ailleurs, d’où le très faible nombre de condamnations), mais ce n’était pas son rôle. C’était d’ailleurs souligné par de nombreuses associations qui se plaignaient l’imprécision de ce délit (des faits d’agressions sexuelles, voire de viols, étaient parfois requalifiés en harcèlement).
Avec la réforme constitutionnelle de 2008 qui a introduit la question prioritaire de constitutionnalité, on a enfin pu juger de la constitutionnalité des lois anciennes et de leur conformité à nos grands principes. C’est une chose extrêmement positive pour notre droit (décisions sur la garde à vue, sur les internements psychiatriques, …) mais qui a fragilisé certaines lois, mal écrites ou contraires à nos principes.
C’est le problème ici. Le problème ne vient pas du droit, mais du mauvais travail de nos Parlementaires. Avec de bons sentiments on fait souvent de mauvaises lois, qui loin de bénéficier aux victimes se retournent contre elle (ainsi le Parlement a voulu inventer un délit spécifique d’inceste, qui était pourtant déjà plus sévèrement puni par notre droit. La loi était tellement mal foutue qu’elle n’a pas tenue un an). Le coupable, ici, ce n’est pas le Conseil constitutionnel qui constate mais bien le Parlement, qui a mal rédigé.
L’agression sexuelle, les insultes restent bien sur réprimées, mais la suppression du harcèlement sexuel (qui ne sera que temporaire) fait tomber de nombreuses procédure en cours, au dépens des victimes. La prochaine loi ne pourra pas non plus s’appliquer de manière rétroactive, générant une situation insupportable pour des milliers de femmes et d’hommes.
Cette décision oblige donc à prendre dès le début de la mandature une nouvelle loi contre le harcèlement (et plus largement sur les droits des femmes et les différentes atteintes et agressions sexuelles).
Pierre Januel
« Des milliers de femmes (ou d’hommes) », « des milliers de femmes et d’hommes » : vos formulations laissent entendre que les femmes et les hommes sont victimes de harcèlement à peu près à proportions égales, ce qui est très grave, étant donné que les femmes constituent la grande majorité des victimes ! Peut-être aurait-il mieux valu écrire : « des milliers de femmes et quelques hommes » ?
Sinon, merci pour ces précisions.
Le harcèlement est plus fréquent envers les femmes. Mais le harcèlement sexuel vis à vis des hommes reste un phénomène tabou, sous-mesuré, même s’il est vrai que pratiquement tout le temps le harceleur est un homme.
Pour ma part, le genre de la victime m’importe peu et je n’ai pas voulu apporter cette distinction, qui m’aurait apparu déplacée.
PJ
[…] réprimant le harcèlement sexuel dans notre Code pénal. Cette suppression était logique, tant ce texte était flou et imprécis. Il n’en a pas toujours été ainsi, comme l’explique bien cet article de Maître […]