Pourquoi il n’est pas nécessaire de construire de nouvelles places de prison …

Une raison parmi d’autres !

Après M. Albin Chalandon en 1986 et son programme de 13 000 places, M. Pierre Méhaignerie et ses 4 000 places, M. Dominique Perben et les 13 200 places prévues dans la loi d’orientation et de programmation du 9 septembre 2002, M. Pascal Clément continue à présenter l’extension du parc pénitentiaire comme la priorité des priorités, ignorant superbement les orientations du Conseil de l’Europe, (discours de clôture des 2èmes journées parlementaires sur la prison du 7 décembre 2005, à l’Assemblée nationale)

Rappelons que dans la recommandation du 30 septembre 1999 sur le surpeuplement des prisons et l’inflation carcérale, le Comité des ministres, unanime, affirme que l’extension du parc pénitentiaire n’est pas la solution au surpeuplement des prisons : « L’extension du parc pénitentiaire devrait être plutôt une mesure exceptionnelle, puisqu’elle n‘est pas, en règle générale, propre à offrir une solution durable au problème du surpeuplement. Les pays dont la capacité carcérale pourrait être globalement suffisante mais mal adaptée aux besoins locaux devraient s’efforcer d’aboutir à une répartition plus rationnelle de cette capacité ».

Quelle est la situation actuelle dans notre pays ?

Au 1er décembre 2005, l’effectif de la population sous écrou est de 60 443 (métropole et outre-mer). En excluant les 912 condamnés placés sous surveillance électronique et les 290 condamnés placées à l’extérieur sans hébergement, on obtient une densité carcérale de 59 241 pour 51 195 places opérationnelles, soit 116 détenus pour 100 places.

11 établissements ou quartiers ont une densité égale ou supérieure à 200 p. 100., 42 ont une densité comprise entre 150 et 200, 82 entre 100 et 150.

On notera les densités des maisons d’arrêt de Lyon Montluc ( 238 détenus pour 100), Béziers ( 229 p.100 places), de Bonneville ( 219 p.100), de Lyon Perrache – Saint Paul et Saint Joseph ( 216 p. 100), Montluçon ( 215 p. 100), Albi (210 p. 100), Fontenay le Comte ( 206 p. 100), La Roche sur Yon ( 202 p. 100), Draguignan (201 p. 100).

Le nombre de prévenus, est de 21 033, soit une proportion de 35 % des personnes écrouées.

Des chiffres essentiels que l’on cite rarement

* a- Population des centres de détention (CD), maisons centrales (MC) et quartiers CD ou MC ou CPA des centres pénitentiaires : 17 111 personnes détenues pour 18 015 places opérationnelles, soit 904 places inoccupées ( 5 % de ce parc).

* b- Population des Centres de semi-liberté (CSL) autonomes : 567 personnes détenues pour 638 places, soit 71 places inoccupées ( 11 % de ce parc)

* c- Population des maisons d‘arrêts (MA) et CSL non autonomes et des quartiers MA des centres pénitentiaire : 41 563 personnes détenues pour 32 542 places. Il manque donc 9 021 places (soit 28 % du parc existant).

On y recense 21 033 prévenues et 20 530 condamnés. Ainsi, il y a pratiquement autant de condamnés que de prévenus dans les maisons d’arrêt.

Dit d’une autre manière, il y a 9 021 condamnés de trop en maison d’arrêt.

Dans, l’esprit de la loi « Perben 2 », il faut aménager les peines de moins d’un an en milieu ouvert

Au 1er octobre 2005, 28,4 % des détenus condamnés purgeaient une peine de moins d’un an, proportion calculée sur la France métropolitaine (voir ICH n°117-118, du 12 décembre 2005). En appliquant cette proportion aux chiffres du 1er décembre France entière), cela donne 39 410 x 28,4% = 11 192 condamnés sous écrou purgeant une peine de moins d’un an. En excluant les 912 condamnés déjà placés sous surveillance électronique et les 290 condamnés placées à l’extérieur sans hébergement (même s’ils ne purgent pas tous une peine de moins d’un an), cela donne au moins 9 990 condamnés de moins d’un an, détenus en maison d’arrêt. Il suffit donc de faire en sorte que 90 % des condamnés voient leur peine aménagée en milieu ouvert et la question de la surpopulationest réglée ! [1]

Suggestion : on pourrait commencer par placer 3 000 condamnés en semi-liberté, (sans attendre la construction de 3 000 places en CSL autonome, pas nécessairement utiles), 3 000 en placement sous surveillance électronique fixe (c’était l’objectif initial de M. Perben) et 3 000 en placement à l’extérieur .

Avec les économies considérables faites par l’abandon du programme de constructions nouvelles, on pourra augmenter les capacités en personnels du milieu ouvert (juges de l’application des peines et personnels pour les assister, conseillers d’insertion et de probation, assistants sociaux, psychologues…)

Pierre V. Tournier

Notes

[1] Attention : ces raisonnement devraient être affinés en prenant en compte séparément chaque établissement (il existe des maisons d’arrêt avec une densité inférieure à 100).

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