Une nouvelle organisation des territoires : un sujet largement débattu lors des journées d’été des écologistes
La réforme de nos institutions territoriales est un sujet qui peut sembler ardu. Pourtant, des enjeux en termes de démocratie, représentativité, lisibilité des compétences et meilleur fonctionnement des services publics sont bel et bien engagés.
Ce sujet a occupé une belle part des travaux et forums au sein des journées d’été d’Europe Ecologie – Les Verts. En effet, un nouvel acte de décentralisation et une nouvelle réforme des territoires devraient être votés fin 2012.
Afin de préparer ce projet, le Sénat a organisé les Etats Généraux de la Démocratie Territoriale afin de prendre l’avis des acteurs des territoires sur leurs besoins de réforme et leurs attentes. Corinne Bouchoux, membre du Comité de pilotage des EDGT, a pleinement investi ces travaux.
La réforme des institutions désirée par les écologistes fait partie des propositions les plus audacieuses sur le sujet : simplification de l’ensemble des échelons afin d’en finir avec le « mille-feuille territoriale », quitte à lever certains tabous, réorganisation totale des blocs de compétences, rénovation des modes de scrutin.
Cet article se veut un tour d’horizon général des propositions des écologistes entendues dans l’ensemble des ateliers des journées d’été à Poitiers.
Définir les niveaux pertinents de l’administration locale
Les écologistes sont favorables au maintien de trois niveaux : le niveau communal, la base et le creuset de la démocratie locale ; l’échelon intercommunal, qui serait celui du projet collectif de territoire ; et le niveau régional, qui deviendrait le niveau des entités fédérées.
Dans ce cadre, l’échelon départemental, vieux de 200 ans, pourrait être supprimé, avec redistribution de ses compétences (collèges, intervention sociale, transport…) aux niveaux intercommunal et régional.
Une nouvelle forme de répartition des compétences
La décentralisation doit être au service des territoires et son contenu se doit d’être défini au niveau local. C’est pourquoi les écologistes sont favorables à l’organisation de conférences régionales des pouvoir locaux.
Lors de ces conférences, une nouvelle répartition des compétences entre Etat et Régions serait décidée dont la méthode empruntée serait celle du fédéralisme différencié.
Concrètement, l’Etat doit proposer des blocs de compétences qu’il « cèderait »aux entités fédérales dans le cadre d’un nouvel acte de la décentralisation. Le découpage de ces blocs pourrait varier selon les collectivités car ce sont elles qui décideraient de leur application – ou non application – sur leur territoire.
L’émergence de Régions puissantes et fédérées
Là où les régions françaises sont actuellement des « nains politiques » en comparaison aux Länder allemands par exemple, les écologistes sont favorables à la création de Régions puissantes avec de vraies compétences élargies.
Il est souhaitable qu’un pouvoir normatif soit donné aux régions. Cela permettrait par exemple de déterminer des schémas de maitrise du foncier ayant un pouvoir prescriptif.
Les écologistes sont favorables au maintien de la clause de compétence générale afin que chaque entité définisse les sujets qu’elle souhaite traiter.
Le principe de la subsidiarité régionale serait ainsi mis en pratique.
Hormis les Régions, les écologistes souhaitent des intercommunalités plus larges et plus ambitieuses. Ces intercommunalités de projet pourraient se fondre dans les statuts des Pays en milieu rural et des Métropoles en milieu urbain.
Parmi les nouvelles compétences des Collectivités Territoriales proposées on peut citer : enseignement supérieur et recherche, économie, emploi (dialogue social territorial, banques régionales d’investissement…), police, redistribution des aides européennes (en particulier dans le cadre de la PAC)…
Une nouvelle gouvernance et mode de scrutin unifié
Pour chacune des trois entités territoriales que souhaitent conserver et développer les écologistes, il est proposé de redéfinir le corps électoral dans un souci d’une meilleure démocratie et représentativité.
Il existe actuellement 12 modes de scrutin différents pour l’ensemble des échelons ce qui démontre le besoin urgent de clarification. Les écologistes proposent un mode de scrutin simple et unique pour chacun des trois échelons : le scrutin universel, direct, proportionnel de liste, à deux tours et sur circonscription unique. Les seuils pourraient être de 3% pour garantir le remboursement, 5% pour fusionner au second tour et 10 % pour se maintenir au second tour. Les deuxièmes tours garantissent des alliances claires et visibles pour les électeurs. La prime majoritaire dont bénéficie la liste arrivée en tête pourrait être de 25 % afin de garantir la gouvernance. Les mandats seraient alignés sur une durée de 5 ans (mais ceci fait débat y compris au sein du mouvement écologiste).
Différentes propositions ont été entendues sur la gouvernance des Régions. Elles pourraient être dirigées politiquement par deux chambres dotées des mêmes compétences et du même exécutif : une chambre représentante de la population et une chambre représentante des territoires pour corriger une surreprésentation des métropoles et mieux représenter les territoires les plus éloignés (dans le cadre de la suppression des départements et des cantons). Cette proposition de bicamérisme régional simplifie la gouvernance régionale, les Régions comptant aujourd’hui de 3 à plus de 10 chambres.
Bien entendu le non cumul des mandats doit être instauré, comme doit l’être un véritable statut de l’élu, afin de permettre à un plus grand nombre de citoyen-ne-s d’accéder à cette fonction.
L’impératif d’autonomie fiscale
L’exercice démocratique suppose la levée de l’impôt afin que les collectivités aient les moyens de contrôler leurs ressources. Les entités fédérées pour être autonomes, ne peuvent dépendre des seules dotations de l’Etat. A titre d’exemple les collectivités françaises disposent aujourd’hui d’une autonomie fiscale allant de 3 à 18 % de leur budget.
L’échelle régionale sera garante de l’équité de chaque citoyen face à la levée de l’impôt.
Afin de favoriser les solidarités entre les territoires aisés et les territoires moins pourvus en ressources, un système de péréquation sera mis en place.
Et le Sénat dans tout ça ?
Pour les écologistes, le Sénat, quasiment inchangé depuis 1958 de pour vocation à devenir une instance moderne représentante des collectivités territoriales : la chambre des régions.
Cette chambre fédérale dans un Etat fédéré serait dotée de compétences spécifiques en rapport avec les collectivités territoriales et assurerait le lien entre l’Etat et les régions fédérées. Elle pourrait s’occuper par exemple de l’impôt : répartition, assiette financière, péréquation…
Une réflexion sur un autre mode d’élection des sénateurs est posée : il a été proposé que les sénateurs soient élus au suffrage universel direct et à la proportionnelle.
Ces propositions, loin d’être exhaustives, ont pour vocation à être mise au débat public afin que chacun-e d’entre nous s’empare de ce sujet crucial qui déterminera la gouvernance, la gestion et l’avenir de nos territoires. Espérons que les écologistes sauront se montrer persuasifs afin que ces dernières soient largement débattues et retenues lors des conférences organisées dans les départements (le samedi 22 septembre en Maine et Loire) et les 4 et 5 octobre prochains au Sénat.
Voir le site de Corinne Bouchoux