Discours de Pascal Canfin sur l’état de droit lors de la 67e Assemblée générale des Nations unies
67e Assemblée générale des Nations unies
Intervention du ministre délégué chargé du Développement, M. Pascal Canfin – New York, 24 septembre 2012
Monsieur le Secrétaire général,
Excellences, Mesdames et Messieurs,
Je salue l’initiative prise par l’Assemblée générale d’organiser ce premier Évènement de haut niveau sur l’État de droit. Un Évènement qui, comme le souligne la Déclaration solennelle que nous adoptons aujourd’hui, concerne «l’ensemble des individus, des institutions et des entités publiques et privées, y compris l’État lui-même,» un Évènement qui aura permis de démontrer le consensus international sur les fondamentaux :
– Le droit de tous nos citoyens à une protection égale devant la loi, sans aucune discrimination ;
– Et la responsabilité de l’État, et des gouvernants, qui doivent rendre des comptes à leurs populations.
Au nom de la France, je voudrais évoquer trois sujets clefs pour notre débat :
Premier sujet, l’importance du cadre normatif international.
Depuis 1945, les États ont mis en place un corpus de normes internationales exceptionnel. Les Conventions de Genève sont des instruments universels, les deux Pactes, la Convention contre le Génocide, les Conventions des Nations contre la torture, contre les discriminations envers les femmes, et pour la protection des droits de l’Enfant sont un cadre de référence pour les gouvernements comme pour la société civile, pour les tribunaux comme pour les Parlements, pour les chefs d’État comme pour les simples citoyens.
Tout l’intérêt de cette journée consiste à nous mobiliser pour renforcer ce cadre normatif et sa mise en œuvre.
Il reste encore des pans entiers d’activité sans aucune sécurité juridique. Le droit international reste lacunaire face au pillage des ressources naturelles, par exemple, ou au trafic de la faune sauvage.
Le Secrétaire général a proposé un programme d’action pour compléter et mieux appliquer le droit international. La France l’en remercie. La France rend hommage à son engagement personnel, et nous saluons également la façon dont les organes des Nations unies, le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale, se sont mobilisés ces derniers mois pour faire appliquer le droit et pour répondre aux aspirations démocratiques des citoyens libyens et du peuple syrien martyrisé. Les Nations unies doivent rester au centre du dispositif de promotion de l’État de droit. Nous soutiendrons le vice-secrétaire général Eliasson dans son rôle de coordination du système à cet égard.
Pour sa part, tenant compte des recommandations du Secrétariat, la France a engagé une réflexion sur la possibilité de ratifier certains Protocoles et de retirer des réserves ou des déclarations interprétatives. Avec l’Argentine, la France a parrainé le plus récent des instruments internationaux – la Convention sur la protection des personnes contre les disparitions forcées – et la France s’engage aujourd’hui à promouvoir l’universalité de cet instrument. Parmi les priorités de politique étrangère du nouveau gouvernement français, nous avons aussi inscrit la lutte contre les violences et les discriminations commises en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre. Nous avons également inscrit l’abolition de la peine de mort, en lançant une campagne mondiale en faveur de l’abolition universelle.
Deuxième sujet, la place de l’État de droit dans l’agenda du développement.
Le Secrétaire général a mis en place un Panel de haut niveau qui va lui faire des recommandations sur le cadre du développement après 2015. Il ne s’agit pas de préjuger d’une réflexion qui est en cours mais il n’est pas davantage envisageable que ces réflexions ne prennent pas en compte la dimension État de droit. Les stratégies nationales ou internationales en faveur du développement doivent nécessairement se baser sur un cadre normatif stable et respectueux des droits de tous. La construction de l’État, une sécurité juridique propice aux échanges, et la capacité de chacun à participer aux processus de décision sont des conditions indispensables au développement. C’est – aussi – le sens du Printemps arabe. Il était donc important que notre Déclaration fasse ce lien entre État de droit et développement.
Notre Déclaration, grâce aux efforts des co-facilitateurs mexicain et danois, reflète ces convergences entre l’État de droit, la délivrance équitable des services publics de base et le développement.
Dans ses projets bilatéraux, la France s’assure du respect des principes de l’État de droit : droits de l’Homme, indépendance de la justice, accès à la justice pour tous. Privilégier ces fondamentaux universels, cela ne signifie pas pour autant imposer ou plaquer un modèle unique. Il faut marier à la fois les normes communes et la diversité des expériences nationales ; prendre en compte la pluralité des sources du droit comme nous le faisons en Afghanistan et dans le projet de «Maisons du droit» au Sénégal. Nous impliquons également tous les acteurs – société civile, parlementaires, universitaires, journalistes. Nous proposons des réponses adaptées aux réalités locales, par exemple dans le domaine foncier. Construire l’État de droit, concrètement, cela veut dire mettre l’usager, le contribuable, le justiciable en capacité de demander des comptes aux agents publics. Cette prise du pouvoir du citoyen, cette redevabilité, est la condition de la transparence, de la lutte contre la corruption et au final d’un développement durable. La France appuie l’action des ONGs à cet égard, dont la coalition «Publiez ce que vous payez».
Troisième sujet, qui découle de tout ce qui précède, la responsabilité pénale de ceux qui nient les fondamentaux de l’État de droit et attaquent les citoyens qu’ils devaient servir.
Cette organisation est entrée depuis quelques années dans une ère que le Secrétaire général a appelée «l’ère de la responsabilité». C’est l’ère du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, entré en vigueur en 2002, l’ère de la responsabilité de protéger, proclamée en 2005 dans la déclaration du Millénaire. La lutte contre l’impunité des auteurs de violations des droits de l’Homme n’est pas seulement une obligation morale et juridique. C’est aussi une nouvelle façon d’aborder les conflits, en refusant toute légitimité aux auteurs de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre.
En conclusion, je voudrais rappeler les six engagements pris par la France à l’occasion de la Conférence : promouvoir la Convention sur les disparitions forcées, soutenir la CPI, travailler sur le droit à la vérité, mettre en oeuvre des plans d’action contre le racisme et l’antisémitisme et contre les discriminations basées sur l’orientation sexuelle et le genre ; faire campagne pour l’abolition de la peine de mort ; s’engager pour le respect et la promotion du droit humanitaire international en toutes circonstances. C’est un programme ambitieux, sur lequel nous sommes prêts, pour notre part, à rendre des comptes dans de futurs débats de cette Assemblée.
Je vous remercie.
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