Proposition de loi constitutionnelle
Mesdames, Messieurs,
La situation dans les prisons françaises a été maintes fois dénoncée : commissions d’enquête parlementaires rapports, colloques…
Seule l’élaboration d’une loi pénitentiaire permettra concrètement de remédier à des situations intolérables au regard de la dignité des personnes privées de liberté. Au-delà de la loi pénitentiaire, une loi de programmation permettra d’orienter les crédits indispensables à la construction d’établissements pénitentiaires adaptés.
Le Conseil de l’Europe a adopté le 29 mai 2006 la Charte pénitentiaire européenne.
L’objet de la présente proposition de loi constitutionnelle est de la transposer dans notre droit interne.CHARTE PÉNITENTIAIRE EUROPÉENNE
Dans les prisons de plusieurs pays d’Europe, la situation demeure préoccupante voire critique. L’existence de structures pénitentiaires inadéquates, l’absence de réelle politique pénale, dans certains Etats membres, et d’harmonisation véritable des politiques pénales et pénitentiaires entre les États, justifient que l’Europe se dote impérativement d’un instrument solide, efficace et ambitieux, au service de la promotion d’une véritable politique pénitentiaire européenne. Cette politique fixerait des normes réellement contraignantes et des critères communs aux États membres permettant d’harmoniser les conditions de détention et le contrôle de leur application, et ainsi d’assurer le respect des droits et de la dignité des personnes privées de liberté.
La Charte pénitentiaire européenne joue un rôle important pour le traitement des détenus ainsi que l’amélioration des conditions de détention dans les services pénitentiaires et la gestion des établissements pénitentiaires.
Chaque détention doit être gérée de manière à faciliter la réintégration dans la société libre des personnes privées de liberté.
Toutes les prisons doivent faire l’objet d’une inspection régulière ainsi que du contrôle d’une autorité indépendante.
La Charte pénitentiaire européenne s’applique aux personnes placées en détention provisoire ou privées de liberté à la suite d’une condamnation.
Les mineurs n’ont pas vocation à être détenus dans des prisons pour adultes, mais dans des établissements spécialement conçus à cet effet.
Les personnes souffrant de maladies mentales et dont l’état de santé mentale est incompatible avec la détention en prison devraient être détenues dans un établissement spécialement conçu à cet effet.
La Charte doit être appliquée avec impartialité, sans discrimination aucune fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.
Mesures alternatives
Afin de remédier au problème de la surpopulation carcérale, le développement de solutions et mesures alternatives à l’incarcération doit être considéré comme une priorité.
La détention provisoire doit être limitée et devrait être exceptionnelle et tenir compte de la gravité des faits incriminés : crimes, délits les plus graves.
Il conviendrait de promouvoir des peines alternatives à l’enfermement, pour le traitement des courtes peines notamment et, dans toute la mesure du possible, de favoriser :
- la liberté conditionnelle accompagnée d’une mesure de contrôle judiciaire ou de contrôle judiciaire renforcé,
- la condamnation à une peine de sursis avec mise à l’épreuve,
- la condamnation à une peine de travail d’intérêt général,
- l’application de la peine en régime de semi-liberté (dans des centres de semi-liberté ou des quartiers spécifiques de centres de détention),
- le port du bracelet électronique.
Traitement de la personne privée de liberté
La personne privée de liberté étant spécialement vulnérable, il est bon de rappeler que toute personne privée de liberté doit être traitée avec respect et dignité.
Torture et mauvais traitements
Il convient de se référer à l’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme, qui pose une interdiction générale de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants.
Information des détenus et de leurs familles
La personne privée de liberté doit être informée de ses droits au moment de l’arrestation comme au début de la détention et de l’emprisonnement, ainsi que de la manière de les faire valoir, dans une langue qu’elle comprenne. Ce droit s’étend aux familles, à propos des visites, de la correspondance, des contacts téléphoniques et de l’envoi de paquets.
L’accès à l’avocat et à la famille apparaît comme essentiel.
Isolement/isolement disciplinaire
La mise à l’isolement peut constituer un traitement inhumain ou dégradant. Le recours à l’isolement doit être accompagné de sanctions strictement encadrées. L’isolement emporte un risque plus élevé pour la personne en confinement de se suicider. La cellule d’isolement doit présenter une configuration empêchant tout risque de suicide.
Inspection
Les services d’inspection constituent souvent un moyen de prévention des traitements inhumains ou dégradants. Les lieux de privation de la liberté devraient être inspectés de façon régulière par des experts indépendants qualifiés. Tout détenu doit avoir le droit de communiquer librement, confidentiellement s’il le faut, avec ces experts.
Mécanismes nationaux de visite
Il semble indispensable de permettre un accès et un contrôle permanent de tous les lieux privatifs de liberté : lieux de garde à vue, prisons, centres des longues peines…
Outre le Comité de prévention de la torture (CPT) du Conseil de l’Europe, le rôle du médiateur/ombudsman et des parlementaires est essentiel.
Procédures disciplinaires
Les comportements susceptibles de faire l’objet de sanctions disciplinaires doivent être spécifiés par la loi ou le règlement administratif. Toute personne détenue doit avoir le droit de faire valoir son avis avant que ces mesures ne soient prises à son égard au sujet des infractions qu’elle aurait pu commettre. Une procédure de recours doit être prévue.
L’isolement pour des raisons de discipline ou de sécurité doit être strictement encadré par les règles pénitentiaires.
Le recours à l’avocat et l’accès aux proches ne doivent pas être entravés. Tout détenu faisant l’objet de mesures disciplinaires à l’intérieur de la prison devrait pouvoir se faire assister lors de son audition devant les autorités pénitentiaires.
Registres de détention
L’enregistrement officiel des personnes privées de liberté est un élément d’information important eu égard à la légalité de la détention. Aux registres de détention devront figurer l’identité exacte de la personne, les motifs de son arrestation, le jour et l’heure exacts de l’arrestation, le jour et l’heure exacts de l’admission et de la sortie, les motifs de la détention, l’identité des personnes qui ont procédé à l’arrestation, l’autorité qui a décidé la détention, le jour et l’heure où la personne détenue a vu pour la première fois un avocat, le jour et l’heure exacts où la personne a vu pour la première fois un médecin, des indications précises sur le lieu où la personne a pu être transférée.
Les registres de détention devraient être accompagnés de registres de surveillance, où seraient consignées des indications sur l’état de la personne détenue.
Séparation des catégories de détenus
Les détenus doivent être répartis dans les lieux de privation de liberté sur le critère de leur situation judiciaire ou légale (prévenu ou condamné, condamné à une première peine ou récidiviste, condamné à une courte peine ou une longue peine), tandis qu’il doit être tenu compte des circonstances particulières de leur traitement, de leur sexe et âge, de leur état de santé physique et psychique.
Il convient de veiller à séparer les détenus mineurs.
Relations entre les codétenus
L’article 3 de la Convention européenne des Droits de l’Homme fait peser sur l’État une obligation positive de prendre des mesures préventives nécessaires à la protection de l’intégrité physique et la santé des détenus. Cette disposition s’applique également aux relations entre les individus en détention.
Procédures de requêtes et de plaintes
Toute personne détenue doit être clairement informée des règles pénitentiaires et doivent se voir assurer une procédure leur permettant de contester formellement des aspects de leur vie en détention, en particulier le droit de présenter une requête ou une plainte sur la façon dont elle est traitée, que ce soit à un niveau interne auprès des fonctionnaires du lieu de détention, ou à un niveau externe, et ce, en garantissant la confidentialité des informations, auprès des instances supérieures de l’administration pénitentiaire, des organes de contrôle ou de recours.
Détention par la police ou la gendarmerie
La garde à vue doit être de courte durée.
Il s’agit d’une étape essentielle de la procédure.
Le code européen d’éthique de la police, adopté par le Comité des ministres le 19 septembre 2001 Recommandation Rec(2001)10] doit s’appliquer aux forces ou services de police publics et à tout organe chargé d’assurer le maintien de l’ordre dans la société civile.
L’accès à un avocat est une garantie essentielle.
Le détenu doit pouvoir avoir accès à un médecin dès le début de sa détention. Son droit à contacter un proche ou un tiers doit lui être garanti dès le début de sa détention.
Les commissariats de police ou les gendarmeries doivent disposer de locaux séparés pour l’entretien entre le détenu et son avocat, ou pour l’examen par un médecin du détenu. Il serait bon que les lieux de garde à vue soient contrôlés et filmés.
Des interprètes doivent pouvoir être contactés lors de la garde à vue et de la rédaction des procès verbaux.
La prison en tant que service public
Les prisons doivent être gérées dans un cadre éthique soulignant l’obligation de traiter tous les détenus avec humanité et de respecter la dignité inhérente à tout être humain.
Personnel pénitentiaire
Toute mesure et tout programme visant à moderniser les prisons, s’ils tendent à améliorer la situation des prisonniers, facilitent aussi la mission du personnel pénitentiaire.
Il faut sensibiliser le personnel pénitentiaire aux objectifs de respect de la dignité de la personne humaine, quelle que soit la gravité des faits reprochés aux détenus.
Le personnel et la direction des établissements pénitentiaires doivent témoigner humanité et sens du respect envers les prisonniers ; leur comportement est essentiel pour apaiser des tensions existantes dans des lieux privatifs de liberté, surpeuplés et souvent vétustes.
Le personnel pénitentiaire doit promouvoir l’ouverture des prisons sur le monde extérieur.
Conditions de détention
Admission
Aucune personne ne peut être admise ou retenue dans une prison en qualité de détenu sans une ordonnance d’incarcération valable, conformément au droit interne.
Au moment de l’admission, les informations suivantes concernant chaque nouveau détenu doivent immédiatement être consignées :
- informations concernant l’identité du détenu ;
- motif de sa détention et nom de l’autorité compétente l’ayant décidée ;
- date et heure de son admission ;
- liste des effets personnels du détenu qui seront placés en lieu sûr ;
- toute blessure visible et toute plainte de mauvais traitements antérieurs ; et
- sous réserve des impératifs relatifs au secret médical, toute information sur l’état de santé du détenu significative pour le bien-être physique et mental de ce détenu ou des autres.
Dès que possible après l’admission :
- les informations relatives à l’état de santé du détenu doivent être complétées par un examen médical ;
- le niveau de sécurité applicable à l’intéressé doit être déterminé ainsi que le risque que fait peser l’intéressé ;
- toute information existante sur la situation sociale du détenu doit être évaluée de manière à traiter ses besoins personnels et sociaux immédiats, notamment en liaison avec sa famille ;
- concernant les détenus condamnés, les mesures requises doivent être prises afin de mettre en place des programmes d’objectifs pour les détenus.
Lors de son admission et ensuite aussi souvent que nécessaire, chaque détenu doit être informé par écrit et oralement – dans une langue qu’il comprend – de la réglementation relative à la discipline, ainsi que de ses droits et obligations en prison.
Tout détenu doit être informé des procédures judiciaires auxquelles il est partie et, en cas de condamnation, de la durée de sa peine et de ses possibilités de libération anticipée.
Répartition et locaux de détention
Les détenus doivent être répartis autant que possible dans des prisons situées près de leur foyer ou de leur centre de réinsertion sociale.
La répartition doit aussi prendre en considération les exigences relatives à la poursuite et aux enquêtes pénales, à la sécurité et à la sûreté, ainsi que la nécessité d’offrir des régimes appropriés à tous les détenus pour ne pas les isoler de leur famille et de leurs proches.
Les locaux de détention et, en particulier, ceux qui sont destinés au logement des détenus pendant la nuit, doivent satisfaire aux exigences de respect de la dignité humaine et, dans la mesure du possible, de la vie privée, et répondre aux conditions minimales requises en matière de santé et d’hygiène, compte tenu des conditions climatiques, notamment en ce qui concerne l’espace au sol, le volume d’air, l’éclairage, le chauffage et l’aération.
Dans tous les bâtiments où des détenus sont appelés à vivre, à travailler ou à se réunir, les fenêtres doivent être suffisamment grandes pour que les détenus puissent lire et travailler à la lumière naturelle dans des conditions normales, et pour permettre l’entrée d’air frais, sauf s’il existe un système de climatisation approprié.
Alimentation
Des conditions de vie humaines et décentes sont indispensables au maintien de la dignité humaine dans les lieux de prévention de la liberté.
L’alimentation doit être suffisante en quantité et en qualité pour l’entretien des besoins physique d’une personne.
Les détenus doivent bénéficier d’un régime alimentaire tenant compte de leur âge, de leur état de santé, de leur état physique, de leur religion, de leur culture et de la nature de leur travail.
La nourriture et préparée et servie dans des conditions hygiéniques satisfaisantes.
Les détenus ont accès à tout moment à l’eau potable.
Le médecin ou un(e) infirmier(ère) qualifié(e) doit prescrire la modification du régime alimentaire d’un détenu si cette mesure apparaît nécessaire pour des raisons médicales.
Éclairage et ventilation
Les cellules doivent être suffisamment éclairées et ventilées. Les personnes privées de liberté doivent se voir offrir l’accès à la lumière naturelle et à l’air frais.
Il est très important que les détenus puissent eux-mêmes allumer et éteindre la lumière électrique depuis leur cellule. L’éclairage électrique, en dehors des veilleuses nécessaires à la vidéosurveillance dans les quartiers de haute sûreté, doit être éteint la nuit. L’éclairage permanent des cellules, empêchant le sommeil des détenus, serait assimilable à un acte de torture.
Installations sanitaires
Les installations sanitaires doivent permettre au détenu de satisfaire ses besoins naturels à tout moment, de manière propre et décente, dans des conditions assurant son intimité.
Il doit exister une séparation entre les installations sanitaires et le reste de la cellule.
Hygiène personnelle et hygiène des locaux
Les cellules ou autres locaux affectés à un détenu au moment de son admission doivent être propres.
Les détenus doivent avoir accès à des installations sanitaires hygiéniques et protégeant leur intimité.
Les cellules doivent être équipées d’eau courante.
Les installations de douches et de bains doivent être suffisantes pour permettre à chaque détenu de les utiliser, à une température adaptée et aussi fréquemment que possible, mais au minimum trois fois par semaine. Les détenus doivent disposer d’eau en quantité suffisantes et de produits de toilette, et les femmes détenues d’articles d’hygiène.
Les détenus doivent veiller à la propreté et à l’entretien de leur personne, de leurs vêtements et de leur logement.
Les autorités pénitentiaires doivent leur fournir les moyens d’y parvenir, notamment par des articles de toilette ainsi que des ustensiles de ménage et des produits d’entretien.
Des mesures spéciales doivent être prises afin de répondre aux besoins hygiéniques des femmes.
Les locaux doivent être maintenus dans de bonnes conditions d’hygiène.
Vêtements, linge et literie
Tout détenu privé de ses effets personnels doit se voir remettre un trousseau ; ce trousseau doit être considéré comme personnel ; il doit être approprié au climat et être suffisant pour maintenir le détenu en bonne santé.
Ces vêtements ne doivent être ni dégradants, ni humiliants.
Les vêtements et le linge doivent être lavés hebdomadairement, maintenus en bon état et remplacés si nécessaire.
Aucun vêtement ne doit être remis en service sans avoir été préalablement lavé, nettoyé et désinfecté. Les détenus devraient avoir la possibilité de laver leur linge eux-mêmes.
Quand un détenu obtient la permission de sortir de prison, il ne doit pas être contraint de porter des vêtements faisant état de sa condition de détenu.
Chaque détenu doit disposer d’un lit séparé et d’une literie individuelle convenable, entretenue correctement et renouvelée à des intervalles suffisamment rapprochés pour en assurer la propreté.
Transfert des détenus
Au cours de leur transfert vers une prison, ainsi que vers d’autres endroits tels que le tribunal ou l’hôpital, les détenus doivent être exposés aussi peu que possible à la vue du public et les autorités doivent prendre des mesures pour protéger leur anonymat.
Le transport des détenus dans des véhicules mal aérés ou mal éclairés ou bien dans des conditions leur imposant une souffrance physique ou une humiliation évitables doit être interdit.
Surpopulation et conditions de logement
Le problème de la surpopulation carcérale est récurrent.
Les États doivent programmer ou poursuivre les plans d’investissements déjà programmés pour remédier à la vétusté des locaux, pour la construction d’établissements pénitentiaires et la modernisation des établissements vétustes. Dans les cas où le budget public serait insuffisant, des partenariats publics-privés peuvent être encouragés dans le respect de conditions très strictes.
Assistance juridique
Tout détenu a le droit de solliciter des conseils juridiques et les autorités pénitentiaires doivent raisonnablement l’aider à avoir accès à de tels conseils.
La présence de l’avocat dès la garde à vue semble essentielle. À défaut les lieux de garde à vue devraient être filmés.
Des conventions d’assistance avec les ordres des avocats ou des professionnels du droit doivent être encouragées.
Un système d’aide judiciaire gratuite doit être encouragé au bénéfice des détenus par les autorités pénitentiaires.
Les consultations et autres communications – y compris la correspondance – sur des points de droit entre un détenu et son avocat doivent être confidentielles.
Les détenus doivent pouvoir accéder aux documents relatifs aux procédures judiciaires les concernant, ou bien être autorisés à les garder en leur possession.
Contacts avec l’extérieur
La communication du détenu avec l’extérieur ne peut lui être refusée pour une longue durée.
Tout détenu a droit aux visites, à correspondre librement – par lettre – avec sa famille, des tiers et des représentants d’organismes extérieurs.
Les procédures de contrôle des visiteurs professionnels – avocats, travailleurs sociaux, médecins, etc. – doivent être établies en accord avec leurs organisations représentatives, de manière à trouver un équilibre entre la sécurité et la sûreté d’une part et le droit à la confidentialité des communications entre ces praticiens et leurs clients ou patients d’autre part.
Des parloirs familiaux doivent être prévus.
Des zones de visites et des locaux adaptés doivent être prévues afin de permettre les rapports familiaux, notamment avec les enfants, dans des conditions d’humanité compatible avec les impératifs de sécurité.
Les personnes de nationalité étrangère, et spécialement celles qui ne sont pas résidentes du pays où elles sont détenues, méritent une attention spécifique, en raison de la situation de détresse particulière dans laquelle elles peuvent se trouver. Elles doivent pouvoir recevoir des visites du personnel consulaire de leur pays, ou à défaut, de groupes d’inspecteurs de leur pays, ou encore de personnes de confiance résidant dans le pays qui puissent le cas échéant communiquer dans leur langue.
Les visites ne sont pas restreintes à la famille et aux proches, mais également aux amis et à des personnes de confiance. Des visites prolongées doivent être autorisées en faveur des familles venant de loin.
Il est préconisé que les détenus soient incarcérés dans des établissements proches de leur domicile afin de faciliter les contacts avec leur conseil et leurs proches. Cela est essentiel s’agissant du traitement des longues peines.
Les autorités pénitentiaires doivent aider les détenus à maintenir un contact adéquat avec le monde extérieur et leur fournir l’assistance sociale appropriée pour ce faire.
Dès réception, l’information du décès ou de la maladie grave d’un proche parent doit être communiquée au détenu.
Lorsque les circonstances le permettent, le détenu doit être autorisé à quitter la prison – soit sous escorte, soit librement – pour rendre visite à un parent malade, assister à des obsèques ou pour d’autres raisons humanitaires.
Tout détenu doit avoir le droit d’informer immédiatement sa famille de sa détention ou de son transfèrement dans un autre établissement, ainsi que de toute maladie ou blessure grave dont il souffre.
En cas d’admission d’un détenu dans une prison, de décès, de maladie grave, de blessure sérieuse ou de transfèrement dans un hôpital, les autorités – sauf demande contraire du détenu – doivent informer immédiatement son conjoint ou son compagnon ou bien, si l’intéressé est célibataire, le parent le plus proche et toute autre personne préalablement désignée par le détenu.
Régime pénitentiaire
Le régime doit permettre à tous les détenus de passer chaque jour hors de leur cellule autant de temps que nécessaire pour assurer un niveau suffisant de contacts humains et sociaux.
Une attention particulière doit être portée aux besoins des détenus qui ont subi des violences physiques, mentales ou sexuelles.
La présence de psychologues, l’accès aux soins semblent primordial.
Travail
Le travail en prison doit être considéré comme un élément positif du régime carcéral et de réintégration essentiel, et en aucun cas être imposé comme une punition.
Les autorités pénitentiaires doivent s’efforcer de procurer un travail utile.
Il est souhaitable de favoriser un travail incluant une formation professionnelle. Le travail réalisé pour le compte de l’État ou d’entreprises privées doit être encadré et respecter les règles sociales les plus élémentaires de sécurité de rémunération.
Exercice physique et activités récréatives
Des activités correctement organisées – conçues pour maintenir les détenus en bonne forme physique, ainsi que pour leur permettre de faire de l’exercice et de se distraire – doivent faire partie intégrante des régimes carcéraux.
Éducation
À l’aide des moyens technologiques et d’enseignement à distance, toute prison doit s’efforcer de donner accès à tous les détenus, à des programmes d’enseignement qui soient aussi complets que possible et qui répondent à leurs besoins individuels tout en tenant compte de leurs aspirations.
Priorité doit être donnée aux détenus qui ne savent pas lire ou compter et à ceux qui n’ont pas d’instruction élémentaire ou de formation professionnelle.
Resocialisation
Si l’incarcération et la privation de liberté ne doivent pas s’accompagner de traitements dégradants et portant atteinte à la dignité de la personne humaine dans des conditions d’existence décente, l’incarcération doit tendre dans la mesure du possible à la resocialisation des détenus qui ont vocation par hypothèse, à retrouver la liberté.
C’est pourquoi il est préconisé de favoriser l’accès dans les prisons des associations et des organisations – habilitées à cet effet par un strict contrôle des autorités pénitentiaires – susceptibles d’assurer auprès des détenus une mission éducative et de formation à une activité professionnelle.
Si l’administration pénitentiaire n’en a pas les moyens, il pourrait être envisagé de conclure des conventions et des missions tendant à la formation des prisonniers.
Toute activité ou travail confié à un détenu ne doit pas avoir un caractère afflictif ou humiliant, et doit être rémunéré.
Liberté de pensée, de conscience et de religion
Le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion des détenus doit être respecté.
Des représentants qualifiés de toutes les religions auxquelles les détenus adhèrent doivent avoir accès aux lieux privatifs de liberté. Chaque détenu, et quel que soit le régime dont il relève, doit être libre de pratiquer sa religion en participant aux services religieux, en se confiant aux représentants religieux. Les représentants autorisés auront un accès libre à tous les quartiers et à toutes les cellules.
L’exercice du droit de pratiquer sa religion est individuel et collectif.
Santé
Les autorités pénitentiaires doivent protéger la santé de tous les détenus dont elles ont la garde.
Organisation des soins de santé en prison
Les services médicaux administrés en prison doivent être organisés en relation étroite avec l’administration générale du service de santé de la collectivité locale ou de l’État.
La politique sanitaire dans les prisons doit être intégrée à la politique nationale de santé publique et compatible avec cette dernière.
Les détenus doivent avoir accès aux services de santé proposés dans le pays sans aucune discrimination fondée sur leur situation juridique.
À cette fin, chaque détenu doit bénéficier des soins médicaux, chirurgicaux et psychiatriques requis, y compris ceux disponibles en milieu libre. Il serait judicieux de s’inspirer de certaines pratiques prévoyant l’application de conventions entre l’administration pénitentiaire et les instances médicales relatives à l’accès au soin et à leur prise en charge notamment par les organismes sociaux.
Services médicaux et personnel médical
Les autorités de détention doivent faciliter l’accès aux soins aux personnes privées de liberté. Il faut aussi rappeler qu’une personne détenue ne peut faire l’objet d’expériences médicales portant atteinte à son intégrité physique ou mentale.
Chaque prison doit disposer des services d’au moins un médecin généraliste, d’un dentiste et pour les prisons pour femmes d’un gynécologue.
Le médecin de l’établissement doit examiner la personne privée de liberté dès son admission dans un lieu de détention ou d’emprisonnement, déceler ses éventuelles maladies, la séparer le cas échéant des autres personnes détenues, relever ses éventuelles déficiences qui pourraient causer des problèmes de réinsertion, et évaluer sa capacité physique de travail.
Il est important qu’en plus du médecin généraliste, qu’un dentiste, un ophtalmologue et un psychologue ou un psychiatre, puissent avoir accès à la prison.
Le personnel médical et le personnel soignant doivent se voir offrir les plus grandes garanties d’indépendance par les autorités de l’établissement en vue de pouvoir exercer leur métier selon leur propre éthique.
Les détenus devraient être affiliés au régime de sécurité sociale existant pendant toute la durée de leur détention.
Préservatifs et lubrifiants doivent être distribués. Le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA) a recommandé que les préservatifs soient faciles d’accès et que l’activité sexuelle consensuelle entre les détenus soit rayée de la liste des infractions disciplinaires.
Administration des soins de santé
Les détenus malades nécessitant des soins médicaux particuliers doivent être transférés vers des établissements spécialisés ou vers des hôpitaux civils, lorsque ces soins ne sont pas dispensés en prison.
Lorsqu’une prison dispose de son propre hôpital, celui-ci doit être doté d’un personnel et d’un équipement en mesure d’assurer les soins et les traitements appropriés aux détenus qui lui sont transférés.
Les détenus atteints de maladie grave et se trouvant dans des conditions de souffrance et d’affaiblissement doivent pouvoir être transférés dans des lieux médicaux, ou consignés à leur domicile selon des contraintes garantissant la sécurité et le caractère restrictif de cette faculté exceptionnelle.
Des peines alternatives à la prison, hospitalisation, doivent être proposées aux détenus très âgés en fin de vie.
Santé mentale
Des institutions ou sections spécialisées placées sous contrôle médical doivent être organisées pour l’observation et le traitement de détenus atteints d’affections ou de troubles mentaux.
Le service médical en milieu pénitentiaire doit assurer le traitement psychiatrique de tous les détenus requérant une telle thérapie et apporter une attention particulière à la prévention du suicide.
Soins spécifiques pour les détenus malades psychiatriques
Au sein de la population carcérale, les malades relevant de la psychiatrie doivent se voir prescrire durant leur incarcération un traitement spécifique.
Il est préconisé d’établir des conventions d’aide et de soins avec des professionnels spécialisés susceptibles de déceler, de prévenir et de traiter des comportements auxquels la seule incarcération ne peut répondre.
Il est préconisé, dans les budgets de l’administration pénitentiaire, l’accès aux soins et au suivi psychologique et psychiatrique susceptible de lutter ainsi contre la dangerosité de certains détenus et de prévenir la récidive en particulier concernant les délinquants sexuels.
Prévention des suicides
Il est essentiel de prévenir les causes du suicide parmi les détenus : leur isolement (certains ne reçoivent aucune visite), leur placement en quartier disciplinaire sont des facteurs à prendre en compte.
Il faut tout faire pour assurer la continuité des soins psychiatriques et psychologiques trop généralement rompus avec l’incarcération.
Le maintien des liens familiaux est essentiel.
Cette mission de surveillance, de soins, ne peut se réaliser que s’il n’y a pas de surpopulation carcérale rendant illusoire toute action de prévention.
Soins spécifiques pour les femmes et mères en prisons
Le personnel médical et soignant doit accorder une attention spéciale aux conditions des femmes.
Un médecin et une infirmière ayant des connaissances en gynécologie doivent être présents dans les quartiers et les établissements de femmes.
Les condamnées enceintes ou ayant de très jeunes enfants peuvent garder en prison leur enfant jusqu’à ce que celui-ci atteigne l’âge de trois ans.
Il faut faciliter l’accueil et le placement de l’enfant pendant que continue l’exécution de la peine, sans que les liens avec la mère soient coupés au-delà des trois ans.
Une attention particulière doit être portée pour que des contacts permanents assurent le lien affectif entre l’enfant, qui en bas âge a grandi en prison, et sa mère qui poursuit l’exécution de sa peine privative de liberté.
Des pavillons spécifiques doivent être conçus et des visites régulières doivent être organisées pour maintenir le lien entre l’enfant et la maman.
Femmes
Les autorités doivent respecter les besoins des femmes, entre autres aux niveaux physique, professionnel, social et psychologique, au moment de prendre des décisions affectant l’un ou l’autre aspect de leur détention.
Des efforts particuliers doivent être déployés pour permettre l’accès à des services spécialisés aux détenues.
Les détenues doivent être autorisées à accoucher hors de prison mais, si un enfant vient à naître dans l’établissement, les autorités doivent fournir l’assistance et les infrastructures nécessaires pour assurer le lien entre la mère et son jeune enfant.
Accueil des familles
Des lieux de rencontres familiales doivent être proposés dans l’enceinte de la prison, mais dans des locaux annexes, pour des parents ayant des enfants en bas âge, permettant alors des rapports plus intimes et dédramatisant l’accueil des jeunes enfants venant visiter leur parent détenu.
Mineurs
Une mère doit pouvoir recevoir régulièrement la visite de ses enfants. Les visites devraient pouvoir se faire dans des conditions respectant l’exigence de respect et d’humanité dans des locaux annexes à la prison.
Lorsque des mineurs sont détenus en prison, ils doivent résider dans une partie de la prison séparée de celles abritant des adultes.
Enfants en bas âge
Les enfants en bas âge peuvent rester en prison avec un parent incarcéré, uniquement si tel est l’intérêt de l’enfant concerné.
Lorsque des enfants en bas âge sont autorisés à rester en prison avec un parent, des mesures spéciales doivent être prises pour disposer d’une crèche dotée d’un personnel qualifié, où les enfants sont placés quand le parent pratique une activité dont l’accès n’est pas permis aux enfants en bas âge.
Une infrastructure spéciale doit être réservée afin de protéger le bien-être de ces enfants en bas âge.
Ressortissants étrangers
Les détenus ressortissants d’un pays étranger doivent être informés, sans délai, de leur droit de prendre contact avec leurs représentants diplomatiques ou consulaires et bénéficier de moyens raisonnables pour établir cette communication.
Les détenus ressortissants d’États n’ayant pas de représentants diplomatiques ou consulaires dans le pays, ainsi que les réfugiés et les apatrides, doivent bénéficier des mêmes facilités et être autorisés à s’adresser au représentant diplomatique de l’État chargé de leurs intérêts ou à toute autre autorité nationale ou internationale dont la mission est de protéger lesdits intérêts.
Les autorités pénitentiaires doivent coopérer étroitement avec ces représentants diplomatiques ou consulaires dans l’intérêt des ressortissants étrangers incarcérés qui peuvent avoir des besoins particuliers.
Des informations portant spécifiquement sur l’aide judiciaire doivent être fournies aux détenus ressortissants étrangers.
Les détenus ressortissants étrangers doivent être informés de la possibilité de solliciter le transfert vers un autre pays en vue de l’exécution de leur peine.
Les besoins linguistiques doivent être couverts en recourant à des interprètes compétents et en remettant des brochures d’information rédigées dans les différentes langues parlées dans chaque prison.
Chaque prison doit, dans le ressort d’une juridiction, avoir accès à une liste d’interprètes agréés.
Relations avec l’extérieur
En dehors de leur famille, proches ou conseil, l’accès aux détenus doit être généralisé sous certaines conditions à des organisations non gouvernementales et à des associations spécialement accréditées par l’administration pénitentiaire (étudiants, associations humanitaires…).
Infractions pénales
Toute allégation d’infraction pénale commise en prison doit faire l’objet de la même enquête que celle réservée aux actes du même type commis à l’extérieur, et doit être traitée conformément au droit interne.
Discipline et sanctions
Les procédures disciplinaires doivent être des mécanismes de dernier ressort.
Dans toute la mesure du possible, les autorités pénitentiaires doivent recourir à des mécanismes de restauration et de médiation pour résoudre leurs différends avec les détenus et les disputes entre ces derniers.
Seul un comportement susceptible de faire peser une menace sur le bon ordre, la sûreté et la sécurité peut être défini comme une infraction disciplinaire.
Le droit interne doit déterminer :
- les actes ou omissions des détenus constituant une infraction disciplinaire ;
- les procédures à suivre en matière disciplinaire ;
- le type et la durée des sanctions disciplinaires pouvant être infligées ;
- l’autorité compétente pour infliger ces sanctions ; et
- l’instance pouvant être saisie d’un recours et la procédure d’appel.
Toute allégation de violation des règles de discipline par un détenu doit être signalée rapidement à l’autorité compétente qui doit lancer une enquête sans délai.
Tout détenu accusé d’une infraction disciplinaire doit :
- être informé rapidement, dans une langue qu’il comprend et en détail, de la nature des accusations portées contre lui ;
- disposer d’un délai et de moyens suffisants pour préparer sa défense ;
- être autorisé à se défendre seul ou avec une assistance judiciaire, lorsque l’intérêt de la justice l’exige ;
- bénéficier de l’assistance gratuite d’un interprète s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue utilisée pendant l’audience, et d’un avocat.
Toute sanction infligée à la suite de la condamnation d’un détenu ayant commis une infraction disciplinaire doit être conforme au droit interne.
La sévérité de la sanction doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction.
Les sanctions collectives, les peines corporelles, le placement dans une cellule obscure, ainsi que toute autre forme de sanction inhumaine ou dégradante doivent être interdites.
La sanction ne peut pas consister en une interdiction totale des contacts avec la famille.
La mise à l’isolement ne peut être imposée à titre de sanction que dans des cas exceptionnels et pour une période définie et aussi courte que possible.
Les moyens de contrainte ne doivent jamais être utilisés à titre de sanction.
Tout détenu reconnu coupable d’une infraction disciplinaire doit pouvoir intenter un recours devant une instance supérieure compétente et indépendante.
Requêtes et plaintes
Les détenus doivent avoir l’occasion de présenter des requêtes et des plaintes individuelles ou collectives au directeur de la prison ou à toute autre autorité compétente, notamment à l’ombudsman/médiateur.
Si une médiation semble appropriée, elle devrait être envisagée en premier lieu.
En cas de rejet de sa requête ou de sa plainte, les motifs de ce rejet doivent être communiqués au détenu concerné et ce dernier doit pouvoir introduire un recours devant une autorité indépendante.
Les détenus ne doivent pas être punis pour avoir présenté une requête ou avoir introduit une plainte.
L’autorité compétente doit tenir compte de toute plainte écrite émanant de la famille d’un détenu lorsque ladite plainte fait état de violations des droits de l’intéressé.
Application du régime des détenus condamnés
Les détenus condamnés doivent être encouragés à participer à l’élaboration de leur propre projet d’exécution de peine.
Le régime des détenus condamnés peut aussi inclure un travail social, ainsi que l’intervention de médecins et de psychologues.
Les détenus qui le désirent peuvent participer à un programme de justice restauratrice et réparer les infractions qu’ils ont commises.
Une attention particulière doit être apportée au projet d’exécution de peine et au régime des détenus condamnés à un emprisonnement à vie ou de longue durée.
Organisation de l’emprisonnement des détenus condamnés
Dans la mesure du possible, une répartition des différentes catégories de détenus entre diverses prisons ou des parties distinctes d’une même prison doit être effectuée pour faciliter la gestion des différents régimes.
Des procédures doivent être prévues pour établir et réviser régulièrement les projets individuels des détenus après examen des dossiers pertinents et consultation approfondie du personnel concerné et, dans la mesure du possible, participation des détenus concernés.
Chaque dossier doit inclure les rapports du personnel directement responsable du détenu en cause.
Libération des détenus
Tout détenu doit bénéficier de dispositions visant à faciliter son retour dans la société après sa libération.
Lors de sa libération, tout détenu doit récupérer l’argent et les objets dont il a été dépossédé et qui ont été placés en lieu sûr, à l’exception des sommes qu’il a régulièrement prélevées, ainsi que des objets qu’il a été autorisé à envoyer à l’extérieur ou qui ont dû être détruits par mesure d’hygiène.
Des dispositions doivent être prises pour s’assurer que chaque détenu libéré dispose des documents et pièces d’identité nécessaires, et reçoive une aide en matière de recherche d’un logement approprié et d’un travail.
Le détenu doit également être pourvu des moyens immédiatement nécessaires à sa subsistance, doté de vêtements convenables et appropriés au climat et à la saison, et doté des moyens suffisants pour arriver à destination qui pourraient provenir du produit du travail réalisé en prison.
La rémunération du travail réalisé en prison lors de sa détention doit en partie être réservée à cette libération.
Système de gestion de la prison
Le personnel doit être sélectionné et nommé sur une base égalitaire et sans discrimination aucune fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.
Les autorités pénitentiaires doivent promouvoir des méthodes d’organisation et des systèmes de gestion propres :
- à assurer une administration des prisons conforme à des normes élevées respectant les instruments internationaux et régionaux de protection des droits de l’homme ;
- à faciliter une bonne communication entre les prisons et les diverses catégories de personnel d’une même prison et la bonne coordination de tous les services – internes et externes à la prison – qui assurent des prestations destinées aux détenus, notamment en ce qui concerne leur prise en charge et leur réinsertion.
Des dispositions doivent être prises afin d’encourager, dans toute la mesure du possible, une bonne communication entre la direction, les autres membres du personnel, les services extérieurs et les détenus.
Sélection et formation du personnel pénitentiaire
Les devoirs du personnel excèdent ceux de simples gardiens et doivent tenir compte de la nécessité de faciliter la réinsertion des détenus dans la société à la fin de leur peine, par le biais d’un programme positif de prise en charge et d’assistance.
La rémunération doit être suffisante pour permettre de recruter et de conserver un personnel compétent.
Les avantages sociaux et les conditions d’emploi doivent être déterminés en tenant compte de la nature astreignante de tout travail effectué dans le cadre d’un service de maintien de l’ordre.
La formation de tous les membres du personnel doit comprendre l’étude des instruments internationaux et régionaux de protection des droits de l’homme, notamment la Convention européenne des Droits de l’Homme et la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, ainsi que l’application des Règles pénitentiaires européennes.
Personnel spécialisé
Des auxiliaires à temps partiel et des bénévoles compétents doivent être encouragés à contribuer, dans toute la mesure du possible, aux activités avec les détenus.
Juridictions d’exception
Par hypothèse, les juridictions d’exception doivent être strictement limitées à des circonstances et à des actes d’une exceptionnelle gravité : atteinte à la sûreté de l’État, lutte contre le terrorisme.
Elles ne peuvent justifier les atteintes aux principes essentiels des conditions de détention compatibles avec le respect des droits de l’homme et de la dignité de la personne humaine : accès à un avocat, accès au monde extérieur, droit à un procès équitable.
Centres de rétention pour ressortissants étrangers
Les ressortissants étrangers retenus dans de tels centres en attente de leur expulsion ne sont pas des détenus, mais en vertu de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme leur séjour dans ces lieux, qui n’excède généralement pas vingt jours, est une privation de liberté.
À notre époque, l’existence de ces centres de rétention est choquante et constitue une insulte à la dignité humaine. Ils devraient être appelés à disparaître ; dans la période transitoire menant à leur disparition, les recommandations valables pour la détention provisoire devraient s’appliquer, y compris en ce qui concerne la durée du séjour.
Inspection et contrôle
Les prisons doivent être inspectées régulièrement par un organisme indépendant, de manière à vérifier si elles sont gérées conformément aux normes juridiques nationales et internationales, et aux dispositions de la présente Charte.
Les conditions de détention et la manière dont les détenus sont traités doivent être contrôlées par un ou des organes indépendants, dont les conclusions doivent être rendues publiques.
Ces organes de contrôle indépendants doivent être encouragés à coopérer avec les organismes internationaux légalement habilités à visiter les prisons.
Contrôle général des prisons
Le Comité pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) effectue un travail de contrôle essentiel. Son rôle, ses missions et la publication de ses rapports doivent être renforcés.
Au niveau national, le rôle du médiateur/ombudsman est essentiel. Ses prérogatives doivent être étendues au traitement des réclamations des prisonniers. Il doit être possible pour tout prisonnier de porter des réclamations auprès de l’institution du médiateur/ombudsman.
L’accès des parlementaires aux lieux privatifs de liberté apparaît aussi très important.
Par ces motifs, il vous est proposé de transposer dans notre Constitution les dispositions de la Charte pénitentiaire.
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
Article unique
L’article 66 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En vertu de son attachement aux Droits de l’Homme et du Citoyen définis par la Déclaration de 1789, la République garantit aux personnes privées de liberté le respect des principes et droits fondamentaux établis par la [Charte pénitentiaire européenne. »
P.S. :
– Format pdf