Paul Molac sur la sécurité routière et la formation aux 5 gestes qui sauvent
Monsieur le président, monsieur le Ministre, mes chers collègues.
La sécurité routière est l’affaire de tous, et tous les députés ici réunis en assemblée sauront le reconnaître au-delà des logiques partisanes.
La baisse de la violence routière est continue depuis 40 ans : 18 000 morts en 1972, 13 000 en 1982, 10 000 en 1992, 7 700 en 2002, et enfin 3 900 en 2011. Le nombre de tués sur les routes de France a donc été divisé par 4,5 en 40 ans. Une belle performance car on revient de loin.
Ces 40 ans de baisse quasi-continue, s’expliquent par des progrès importants réalisés dans la fiabilité des voitures, la qualité du réseau routier ainsi que la prévention effectuée tant par les pouvoirs publics que par les associations. L’évolution de la législation, explique également une bonne partie de cette baisse continue. Il fut un temps où l’état d’ébriété d’un conducteur qui provoquait un accident était considéré comme une circonstance atténuante. C’est aujourd’hui, et depuis longtemps, une circonstance aggravante. La sévérité des peines et l’instauration du permis à point en 1992 ont ainsi montré des résultats positifs. Le législateur n’a pour autant pas toujours fait preuve de sagesse dans ce domaine, et encore très récemment.
Alors qu’aujourd’hui 95% des conducteurs conservent plus de la moitié de leurs points de permis, on pourra regretter l’assouplissement du permis à point voté en 2010 sous la précédente législature. A l’époque, les associations luttant contre l’insécurité routière avaient mis en garde contre une augmentation du nombre de tués sur la route. Et hélas c’est ce qui est arrivé. Sitôt la mesure entrée en vigueur le 1er janvier 2011, on comptait 21% de tués en plus sur les routes par rapport à janvier 2010. L’annonce de l’entrée en vigueur d’une telle mesure a-t-elle pu faire naître dans l’esprit de certains conducteurs un soudain sentiment d’impunité qui a annihilé les réflexes de prudence et la peur du gendarme ? Cependant, soyons humbles, la sécurité routière n’est jamais une bataille gagnée d’avance. Globalement, l’année 2011 prise dans son entier, marque un quasi palier pour la mortalité sur les routes et fait presque oublier ce début d’année difficile.
On pourra également évoquer les problèmes posés par la généralisation, sous peine d’amende, de deux éthylotests par voiture dès mars prochain. Outre le fait que les éthylotests chimiques ne soient pas fiables et peuvent donner des « faux-négatifs », ils ne résistent pas à une exposition prolongée à des températures supérieures à 40°C ou à des températures trop basses, ce qui vous en conviendrez est fréquent dans les voitures sous nos climats tempérés. La protection de l’environnement n’a pas été prise en compte : aucune mesure n’a été prise pour éviter de jeter dans l’environnement des dizaines de millions d’éthylotests utilisés ou déclassés alors que ceux-ci contiennent environ 1 gramme de chrome VI, substance classée cancérogène, mutagène et reprotoxique.
Enfin, je me félicite quand même que nos collègues de l’opposition, après leurs sorties de pistes, reviennent sur le droit chemin de la sécurité routière en proposant une loi dont l’intention est louable, celle de former aux cinq gestes qui sauvent. Comme le rappelle Monsieur le rapporteur, les premiers instants après l’accident sont les plus importants pour les victimes, et il convient de former le plus grand nombres aux réflexes permettant de sauver des vies. Toutefois, l’article 16 de la loi du 12 juin 2003 renforçant la lutte contre la violence routière prévoit déjà une telle mesure.
Notre collègue Pierre Morel-A-L’Huissier, sensible à la multiplication et la superposition des normes juridiques, sera, j’en suis certain, attentif à ce qu’on préfère appliquer une disposition déjà existante plutôt que d’adopter un texte empiétant sur le domaine règlementaire. Le niveau d’une loi est-il bien nécessaire pour régler ce problème précis ?
Comme vous l’aurez noté chers collègues, les différentes composantes des épreuves du permis de conduire relèvent de la partie règlementaire du Code de la route. Nous laissons donc le soin au pouvoir exécutif de prendre les mesures qu’il jugera nécessaire afin de renforcer la formation aux cinq gestes qui sauvent.
Car, nous convenons en effet qu’il convient de renforcer la formation à ces gestes qui sauvent. Nous regrettons toutefois qu’une telle proposition de loi n’adosse cette formation qu’à l’étape du passage du permis de conduire. Ce choix pose le problème de l’organisation d’une possible troisième épreuve au permis de conduire, déjà bien assez compliqué, mais surtout de son coût, alors que le permis est déjà assez élevé, et de la capacité à utiliser ces gestes tout au long de la vie.
En effet, la formation à ces gestes de secours peut se faire de manière progressive tout au long de la scolarité. Il suffirait de renforcer l’Attestation Scolaire de Sécurité Routière (ASSR) qui se passe au collège en 5ème et en 3ème et qui est nécessaire pour se présenter au BSR, puis au permis de conduire. Ce serait une première approche qui pourrait être complétée au lycée. C’est déjà le cas dans la formation de certains établissements professionnels. Votre humble serviteur, ici à cette tribune, a d’ailleurs dans sa prime jeunesse bénéficié de ce genre de formation. La formation au secourisme lors de la Journée défense et citoyenneté pourrait également être renforcée.
Je suis sensible à votre argument lorsque que vous évoquez les limites d’une formation en collège. Les élèves l’auront oubliée une fois l’âge du passage du permis de conduire arrivé. Je dois vous avouer cher collègue que j’ai oublié ces gestes que l’on m’avait pourtant enseigné au lycée au moment où je passais mon permis. Mais cela s’applique également à votre proposition.
C’est bien la formation tout au long de la vie aux premiers secours qu’il faut renforcer. Les situations auxquelles seront confrontées les automobilistes d’aujourd’hui ne seront pas les mêmes dans 50 ans, notamment à cause de l’évolution des technologies, alors que ces automobilistes seront toujours en possession de leur permis de conduire. Comment croire que les personnes soumises à cette formation pourraient-elles encore maîtriser des dizaines d’années après des gestes précis de manipulation des corps sans quelques piqûres de rappel ?
Des pistes sont donc à envisager afin de renforcer la formation et la sensibilisation des Français lors de grandes étapes de la vie. Une réactualisation continue par le biais de formations périodiques obligatoires au sein de l’environnement de travail, ou adossé aux visites médicales effectuées dans le cadre de la santé au travail sont non seulement envisageables mais existent déjà. Peut-être convient-il de donner un peu plus de cohérence à tout cela ?
Nous aurions donc été sensibles à une initiative ambitieuse en termes de formation aux gestes qui sauvent, englobant l’ensemble des situations auxquelles les individus peuvent être confrontés dans leur quotidien, et touchant un large public tout au long de la vie.
Voilà les raisons pour lesquelles mon groupe parlementaire exprime un avis réservé sur une proposition de loi dont les buts sont certes louables, mais dont l’ambition est trop restreinte et qui surtout vient empiéter sur le domaine règlementaire.