Malgré des efforts louables, le compte n’y est pas.

Malgré des efforts louables, le compte n’y est pas.

Je partage les sentiments exprimés, à la fin du débat au Sénat par M. Jean Desessard, sénateur de Paris (Vert), membre de la commission des affaires sociales, rattaché au Groupe socialiste : « Nous avons abordé ce texte avec optimisme et conviction. Nous sommes conscients des améliorations apportées par la commission au texte indigent du Gouvernement, et de celles que le Sénat a votées. Mais nous aurions pu enfin donner à la France une loi pénitentiaire digne de ce nom ; nous sommes restés au milieu du chemin. Malgré le respect que nous portons à l’excellent travail du rapporteur [Jean-René Lecerf], nous ne pouvons adhérer totalement à son texte, qui ne répond pas à nos attentes, même les plus réalistes. Notre optimisme s’est peu à peu transformé en déception et en frustration. Nous ne voterons pas contre le texte, parce que nous n’en ignorons pas les avancées ; nous ne pourrons voter pour, parce qu’il est finalement assez timide sur des points fondamentaux. Les sénatrices et sénateurs Verts s’abstiendront ».

Socialistes, {Verts, communistes, rejoints par certains centristes, s’abstiendront, et le texte sera adopté, ce vendredi 6 mars 2009.}

Le résultat eut été bien différent si nombre d’amendements défendus en séance publique, par l’opposition avaient été adoptés : par exemple, amendements présentés par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG (n°219 sur l’observatoire, n°229 sur le contrat de travail et n°278 sur l’encellulement individuel des prévenus), par M. Richard Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n°101 et n°103 sur l’expression des détenus), par Mmes Alima Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani (n°20 rectifié sur le revenu minimum de préparation à l’insertion, n°16 rectifié et n°18 rectifié sur l’expression des détenus, n°55 sur l’encellulement individuel des prévenus).

Sans parler de l’amendement n°191, sur le contrat de travail présenté par M. Nicolas About, président de la Commission des affaires sociales (UMP) qu’il a lui même retiré. Et surtout l’amendement n° 207, sur le numerus clausus limité, présenté par le même M. Nicolas About qu’il a aussi retiré. Repris par M. Alain Anziani, l’amendement a été repoussé.

D’un autre coté, j’ai fortement regretté que les socialistes et les communistes tentent de s’opposer – heureusement en vain – à l’introduction, dans le 1er article de la loi, d’une référence au sens de la peine tel qu’il est défini dans les règles pénitentiaires européennes : « Permettre au condamné de mener une vie responsable et exempte d’infractions ». M. Louis Mermaz a eu ce mot bien étrange : « Je ne suis pas enchanté par la vie responsable » et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, celui-ci « Le qualificatif moralisateur de « responsable » n’a pas sa place dans la loi ».

Personnellement, je tiens beaucoup à cette conception de la sanction du Conseil de l’Europe, qui nous vient des pays du nord. Elle s’appuie à la fois sur la « tradition » protestante et sur la dialectique chère aux sociaux-démocrates entre responsabilité de l’individu et responsabilité de la société – dialectique qui les distinguent fondamentalement, à gauche, des libertaires (et assimilés), à droite, des libéraux.

Pierre V. Tournier
directeur de recherches au CNRS


P.S. :
– Références :

Pierre V. Tournier, Que faire des nouvelles règles pénitentiaires européennes adoptées par le Conseil de l’Europe, le 11 janvier 2006 ? in Dockès (E.) Dir. Au coeur des combats juridiques- Pensées et témoignages de juristes engagés, Dalloz, 2007, 245-258.

…, Loi pénitentiaire. Contexte et enjeux, Editions l’Harmattan, coll. Sciences criminelles – Controverses, janvier 2008, 114 pages.

…, L’avant projet de loi pénitentiaire à l’aune des règles pénitentiaires européenne, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, juin 2008, 22 pages.

…, Vers un observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, in Alain Bauer (dir.), La criminalité en France. Rapport de l’Observatoire national de la délinquance 2008, Institut national des hautes études de sécurité (INHES), CNRS Editions, 2008, 665-672.

…, Quand nécessité fait loi. Alternatives à la détention : faire des mesures et sanctions privatives de liberté l’ultime recours ? Contribution au débat sur le projet de loi pénitentiaire, Université Aix-en-Provence Marseille 3, Colloques « Enjeux et perspectives de la loi pénitentiaire », 27 septembre 2008, Revue pénitentiaire et de droit pénal, Editions Cujas, octobre – décembre 2008, n°4, 827-854.

…, Lettre ouverte à propos du projet de loi pénitentiaire. Encore un effort Mesdames et Messieurs les Sénateurs, Arpenter le champ pénal, supplément au n°123-124, 23 février 2009, 8 pages.

Remonter