Interview de AEF Sécurité globale sur les positions écologistes sur la sécurité
L’agence AEF Sécurité globale a réalisé cette interview de Pierre Januel, co-responsable de la commission Justice d’EELV. Cette dépêche est reproduite avec l’aimable autorisation d’AEF Sécurité globale (http://ww.aisg.info).
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« La police, la justice, la prison ne résolvent pas la délinquance », indique Pierre Januel (EELV) « La droite pense que la répression est la meilleure des préventions. Mais la police, la justice, la prison ne résolvent pas la délinquance. Elles y répondent. On n’a jamais trouvé mieux que les politiques de prévention pour faire baisser le nombre de crimes et de délits », affirme Pierre Januel, co-responsable de la commission « justice » d’Europe écologie-Les Verts (EELV). Il répond à AEF Sécurité globale dans le cadre d’une série de six entretiens avec les représentants chargés des questions de sécurité auprès des principaux candidats à l’élection présidentielle (AEF Sécurité globale n°5846). Pierre Januel préconise notamment de créer « une école d’état-major commune pour harmoniser les procédures entre police et gendarmerie » et précise que « les écologistes sont pour un rapprochement entre les deux forces, mais pas pour une fusion précipitée ». Il souhaite également que les contrôles d’identité « soient restreints par la loi et qu’ils fassent systématiquement l’objet d’un récépissé ».
AEF Sécurité globale : Que pensez-vous du rapprochement entre la police et la gendarmerie mis en oeuvre au cours du mandat de Nicolas Sarkozy ?
Pierre Januel : Les écologistes sont pour un rapprochement entre les deux forces, mais pas pour une fusion précipitée. Le rapprochement doit notamment être poursuivi entre gendarmes mobiles et CRS, ainsi qu’entre Raid et GIGN. C’est surprenant d’avoir plusieurs unités d’élite, il serait plus cohérent d’en avoir une seule.
Nous créerons en outre une école d’état-major commune pour harmoniser les procédures entre police et gendarmerie. Enfin, les zones d’intervention de la police et de la gendarmerie doivent être harmonisées.
AEF Sécurité globale : Que pensez-vous du développement actuel de la vidéosurveillance ?
Pierre Januel : Nous sommes sur une positon critique, pour plusieurs raisons, et notamment au regard des coûts qu’elle engendre. Le programme « 1 000 caméras à Paris » coûtera plus de 250 millions d’euros. Selon nous, il faut qu’une étude scientifique indépendante soit conduite sur la vidéosurveillance, son efficacité réelle, ses coûts et ses limites. Dans l’attente des résultats de cette enquête, il faut un moratoire national sur la vidéosurveillance de voie publique et le FIPD doit arrêter de financer la vidéosurveillance. Cette dernière n’a pas grand chose avec la prévention, or c’est l’objet du FIDP.
Il faut également un encadrement strict de la vidéosurveillance existante en dotant la Cnil de pouvoirs accrus, a priori et a posteriori. De plus, la supervision des images ne saurait être exercée par des entreprises privées et des agents sous-formés et précaires.
AEF Sécurité globale : La police municipale a-t-elle sa place dans le programme d’EELV ?
Pierre Januel : La police municipale doit rester une police sous l’autorité des élus locaux. La droite nous vend au contraire une police municipale calquée sur le modèle de la police nationale, mais sous l’autorité du maire. La loi du 15 avril 1999 relative aux polices municipales a été insuffisante pour prévenir les dérives, il faut la refondre et stopper l’octroi d’attributions judiciaires aux polices municipales. Les doctrines emplois des polices municipales doivent privilégier la prévention, la dissuasion, le dialogue et les services aux personnes.
Et une fois leurs missions revues, les polices municipales pourront, et devront, être désarmées – en ce qui concerne les armes de quatrième catégorie. Il faut également créer des écoles interrégionales de police municipale dirigées par les centres régionaux de CNFPT. En outre, la fonction publique territoriale doit se doter d’un corps d’inspection des polices municipales sur le modèle de l’IGPN et de l’IGGN, à défaut d’un corps d’inspection unique.
AEF Sécurité globale : Que pensez-vous des contrôles d’identité, dont certains demandent l’encadrement en vue de lutter contre les contrôles au faciès ?
Pierre Januel : Les contrôles sont vécus très douloureusement par une partie de la population et ne contribuent pas aux bonnes relations police et population notamment avec les jeunes. Nous proposons qu’ils soient restreints par la loi et qu’ils fassent systématiquement l’objet d’un récépissé.
AEF Sécurité globale : Pourquoi vouloir légaliser le cannabis ?
Pierre Januel : La France est un des pays européens qui consomme le plus de cannabis, et est celui qui a la législation la plus sévère. La politique répressive en la matière est donc un échec cuisant. Le cannabis est devenu un produit de consommation courante. Il faut légaliser le cannabis afin de mettre en place une véritable politique de santé publique, avec une production et une vente de produits encadrées et contrôlées, l’interdiction de la vente aux mineurs, une politique de prévention… Stéphane Gatignon, maire EELV de Sevran (Seine-Saint-Denis), porte le sujet car il voit bien dans sa ville les problèmes causés par le cannabis et son trafic. La légalisation fera baisser les ressources financières des mafias.
AEF Sécurité globale : Les services de renseignements doivent-ils être réformés, selon vous ?
Pierre Januel : On s’aperçoit que la reforme mise en place en 2008 pose d’importants problèmes, notamment au niveau des Sdig (service départementaux d’informations générales). Leur travail est dévalué, les informations qu’ils recueillent sur le terrain sont peu et mal exploitées. Il est impératif de refonder un renseignement de proximité indispensable à notre pays en soulignant l’échec de la réforme de juillet 2008. Il faut également favoriser une mutualisation au niveau européen pour mieux lutter contre le terrorisme international qu’il soit islamiste ou néo-nazi.
AEF Sécurité globale : Comment faire pour rendre la justice « plus indépendante », comme vous le souhaitez ?
Pierre Januel : Il faut que la justice soit plus indépendante, plus efficace, plus respectueuse des libertés fondamentales. Il faut faire évoluer le Conseil supérieur de la magistrature vers un Conseil supérieur de la Justice, institution indépendante du pouvoir politique, qui aura pour fonction de garantir l’indépendance de la magistrature, tant par sa composition que ses missions. Ce conseil devrait être composé à moitié de personnalités qualifiées, mais leur modalité de désignation sera réformée afin de garantir une indépendance effective à l’égard du pouvoir politique.
Le droit de véto en matière de nomination des magistrats du siège, actuellement en vigueur, doit être étendu aux magistrats du parquet, les avis du CSM ayant été quasi systématiquement outrepassés par le ministre de la Justice depuis dix ans. L’indépendance des magistrats du siège devra être renforcée, notamment par la suppression de la mainmise du pouvoir politique sur la gestion des carrières et les mutualisations.
AEF Sécurité globale : Comment rendre la justice plus accessible aux Français ?
Pierre Januel : En concertation avec les professionnels du droit, nous souhaitons qu’une nouvelle carte judiciaire soit élaborée afin que toute personne puisse bénéficier d’une juridiction accessible à proximité. Pour améliorer l’accès au droit, la taxe de 35 euros à verser pour saisir la justice, et de 150 euros pour faire appel, doit être supprimée. Le budget de l’aide juridictionnelle sera augmenté et les plafonds des ressources d’éligibilité modifiés pour tenir compte de la réalité du besoin.
AEF Sécurité globale : EELV propose par ailleurs de lutter contre les « délits environnementaux »…
Pierre Januel : L’explosion de l’usine AZF en septembre 2001, le naufrage de l’Erika au large de la Bretagne en décembre 1999 ou encore le scandale de l’amiante ont montré que ces catastrophes étaient complexes à juger. Nous voulons un pôle environnemental, sur le modèle du pôle financier. Les catastrophes industrielles doivent relever de la faute inexcusable, comme les accidents du travail. Plus généralement, le code de l’environnement doit être revu et les recours simplifiés. Au niveau international, la France tentera de faire reconnaître le crime d’ « écocide » comme incrimination à la Cour pénale internationale.
AEF Sécurité globale : La garde à vue a été réformée récemment. Faut-il de nouveau la réformer ?
Pierre Januel : Oui, afin d’être plus conforme à la Convention européenne des droits de l’homme. Le législateur doit mieux anticiper. Nous souhaitons un régime unique de garde à vue, où la présence de l’avocat dès le début de la mesure sera assurée, quelque soit le motif de la garde à vue. L’avocat doit avoir accès à l’intégralité du dossier pénal et devra participer aux auditions, aux confrontations. Le contrôle de la garde à vue sera confié au juge des libertés et de la détention, qui sera seul en mesure d’autoriser une prolongation de garde à vue.
AEF Sécurité globale : Le maire UMP de Nice, Christian Estrosi, demande l’abaissement de la majorité pénale à 16 ans. Qu’en pensez vous ?
Pierre Januel : La droite pense que la répression est la meilleure des préventions. Mais la police, la justice, la prison ne résolvent pas la délinquance. Elles y répondent. On n’a jamais trouvé mieux que les politiques de préventions pour faire baisser le nombre de crimes et de délits. Et depuis dix ans, à chaque fois qu’on veut faire de la prévention, on traite les gens d’angéliques. Il serait naïf de croire qu’on va faire baisser le nombre de crimes en France en abaissant la majorité pénale à 16 ans. D’autant que cela serait inconstitutionnel ! Il faut développer une justice beaucoup plus axé sur l’éducation.
AEF Sécurité globale : EELV veut aussi développer la médiation…
Pierre Januel : Il s’agit de proposer un premier niveau d’intervention dans les situations de conflit pour éviter d’encombrer les services déjà exsangues de la police nationale. Afin de professionnaliser la médiation, un statut sera créé au sein de la fonction publique territoriale, qui recouvrira les différents types de médiateurs. Les moyens techniques et financiers seront donnés aux ministères de l’Intérieur et de la Justice pour cofinancer et développer des projets de services de médiation au plus près des habitants à travers les maisons de Justice et de droit. La médiation est une autre manière de régler les conflits que la voie judiciaire. Elle a prouvé ses résultats positifs en termes de résolution de conflits et de lien social.
Cette dépêche est reproduite avec l’aimable autorisation d’AEF Sécurité globale (http://ww.aisg.info).