Intervention du député Sergio Coronado sur le budget de la Justice 2013

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, en dépit des critiques outrancières formulées à cette tribune par l’opposition, vous devez être ce soir une ministre heureuse puisque vous avez la responsabilité d’un domaine décrété prioritaire par le Président de la République. Après des années de coupes, de sacrifices, de réorganisation à tout va de notre système judiciaire, de politique spectacle,  l’état de la justice est particulièrement préoccupant.

Les tribunaux sont débordés, les magistrats surchargés de dossiers et les prisons surpeuplées. Bien plus, c’est l’esprit même de la justice qui a été bafouée ces dernières années. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Le groupe écologiste vous soutient, madame la garde des sceaux, dans votre effort pour redonner de la sérénité à l’institution et offrir une nouvelle orientation à nos politiques judiciaires. Le groupe écologiste salue donc la priorité donnée par le Gouvernement à la justice et la sécurité dans le cadre de ce projet de loi de finances avec la création de 500 postes nets.

L’évolution des crédits montre la volonté de privilégier une autre politique de justice, plus pragmatique, qui tourne le dos au tout carcéral et qui tente de concilier répression, prévention et réinsertion. Les progrès sont réels pour l’aide aux victimes, l’application des peines, la rapidité de la justice ou l’amélioration des conditions de détention. Ce changement dans la politique en matière de justice correspond à une attente forte des milieux judiciaires et des usagers : moins de nouvelles lois, plus de moyens et, surtout, des relations de respect entre l’institution et ses usagers. Cette relation est fondamentale dans une démocratie.

Nous saluons aussi vos efforts pour mettre fin à la paupérisation de la justice afin d’accélérer le paiement des factures en souffrance. Les conditions de travail de certains personnels de justice sont indignes et rendent parfois difficile l’exercice de leurs droits pour les victimes et les mis en cause. L’effort ciblé sur l’application des peines ou les greffiers est bienvenu.

Nous saluons encore l’importance donnée à la justice des mineurs. Nous ne pouvons en effet considérer les plus jeunes comme des criminels, ni comme coupables de leurs actes dès le plus jeune âge. Nous ne pouvons pas non plus supporter qu’il leur soit imposé des conditions d’incarcération souvent inhumaines que subissent les majeurs : les chiffres le montrent, cela produit de la récidive, cela produit des criminels.

Voilà pourquoi nous saluons l’augmentation de 2,4 % des crédits pour la Protection judiciaire de la jeunesse, ainsi que la création de postes d’éducateurs destinés à mieux accompagner les mineurs.

Je m’interroge toutefois sur la création de nouveaux centres éducatifs fermés, du moins, je reprends l’une de vos interrogations, que vous avez exprimée cet été par voie de presse. L’investissement reste considérable pour la construction de ces nouveaux établissements !

Vous indiquez quatre nouveaux centres éducatifs alors même que trois sont déjà prévus pour 2012. Ne vaudrait-il pas mieux renforcer encore les dispositifs d’accompagnement, qui ont tellement fait leurs preuves ? Je regrette en effet que les crédits soient entièrement dévolus aux centres éducatifs fermés au détriment d’autres structures.

Le groupe auquel j’appartiens soutient la volonté du Gouvernement de développer l’aide aux victimes et l’accès aux droits. L’effort est remarquable, notamment s’agissant de la création de cent bureaux d’aide aux victimes. Pour mémoire, je rappelle qu’entre 2007 et 2011, seuls cinquante bureaux d’aide aux victimes avaient été créés.

Vous vous êtes également engagée, madame la garde des sceaux, à supprimer le timbre de 35 euros que doit payer le citoyen pour toute procédure, mais uniquement en 2014. Justifiée par le gouvernement de l’époque par les coûts engendrés par l’intervention plus importante des avocats en garde à vue, elle est aujourd’hui d’une utilité budgétaire incertaine puisque le nombre d’interventions d’avocats ne sera pas de 390 000 comme estimé, mais de 180 000 en 2012. Cette taxe est un frein pour l’accès à la justice. Nous avons donc déposé un amendement sur les articles rattachés et espérons que vous lui donnerez un avis favorable. Pourquoi attendre ?

J’aimerais enfin saluer votre engagement à mettre fin aux partenariats public-privé dans le cadre de la construction de nouveaux établissements pénitentiaires. Ces partenariats, apanage des gouvernements précédents, étaient une aberration politique et financière. Il était particulièrement urgent d’y mettre fin. Vous l’avez fait ce dont je me félicite.

Pour rappel, 5,5 milliards d’euros d’autorisation d’engagement restent à couvrir par des crédits de paiement. Concernant les constructions elles-mêmes, vous avez annoncé mettre un terme à « l’objectif démagogique » de construction de 8 000 places de prison supplémentaires, qui figure dans la loi de programmation sur cinq ans adoptée par le gouvernement précédent quelques semaines à peine avant la fin de son mandat, mais sans financements. Vous annoncez cependant un programme immobilier d’envergure. Plusieurs établissements importants verront le jour – Orléans, Draguignan, Majicavo, Ducos et Papeari. Si la construction de nouveaux établissements dans les ROM-TOM est nécessaire, nous ne pensons pas que l’augmentation du nombre de places de prison mettra un terme au problème auquel est confrontée la justice.

 Vous qui souhaitez rompre avec la politique du tout carcéral, vous savez bien que l’arrêt de la construction de nouvelles prisons sera une incitation supplémentaire au développement des peines alternatives et d’une alternative au tout carcéral. Nous aurions également souhaité que la politique de votre ministère reflète davantage votre engagement d’aller vers une politique de la prévention plutôt que du tout répressif. Cela dit, ce budget va dans la bonne direction. C’est un budget en rupture, un budget de changement.

Sergio Coronado

Intervention vidéo du député EELV Sergio Coronado

L’ensemble du compte-rendu sur la discussion budgétaire

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