Intervention de Saïd-André Remli – Ban Public

Je suis membre de Ban Public, association pour la communication sur les prisons et l’incarcération en Europe [1]. Je suis aussi directeur du Comité d’aide à la réinsertion des détenus qui est née à mon initiative en 1998 et qui est la seule association de ce type à avoir – à notre connaissance – un taux de récidive nulle, alors que pour les autres associations c’est 70 % pour ce que je peux en comprendre. Ma troisième étiquette… je peux parler du monde de la prison, de tout ce qui s’y passe parce que j’en sors. Je suis sorti le 1er juin 2004 après avoir purgé 20 ans pleins, donc c’est un sujet que je connais relativement bien si l’on peut dire, d’autant plus que mon engagement associatif a commencé les 10 dernières années où j’étais encore en prison. Là je suis dehors depuis un an et demi, je découvre se qui se passe au niveau des associations, de leur travail et au niveau des partis politiques ou colloques ; ce que je trouve c’est qu’il y a une distance assez phénoménale entre l’image que les gens de l’extérieur peuvent percevoir de la prison et la réalité que les gens peuvent vivre « là-bas ».

Quand on parle de peine de mort, qui n’a pas été abolie à mon sens mais seulement suspendue, je crois qu’elle est parfois préférable à l’hypocrisie, aux gens qui deviennent fous peu à peu « là-bas ». Plus le temps passe, plus les détenus passe du monde carcéral au monde psychiatrique. Que dire … Les tentatives de suicides, les gens qui sont un peu aidés à cela. J’ai été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour avoir été accusé d’avoir tué un gardien au cours d’une tentative d’évasion. Donc j’ai subi des conditions de détentions particulières dont pas mal d’années à l’isolement total, des tentatives de meurtres perpétrées par des gardiens, j’ai saisi le comité contre la torture du centre des droits de l’Homme de Genève ; J’ai pu prouver pas mal de choses et un haut commissaire aux droits de l’homme a été désigné pour suivre mon dossier ; ça c’est juste une partie de mon dossier…

Donc depuis que je suis sorti, ce que je peux voir à l’extérieur « les sarkozy », enfin toutes ces conneries, c’est ce que vous à l’extérieur vous pouvez voir des méthodes de Sarkozy, du tout sécuritaire mais à l’intérieur cela devient carrément affolant. Ce que je peux en dire, c’est que je me bats depuis pas mal d’années et chaque fois que je rencontre des gens à l’extérieur je suis toujours un peu géné d’expliquer d’où je viens, qui je suis, et comment il me semble que les gens sont trop bien nourris pour pas comprendre un certain nombre de choses. Donc j’ai décidé de prendre les choses en main, je réalise un documentaire depuis deux mois sur la prison et finis d’écrire un livre qui sortira au même moment que le documentaire et qui ira en direction du Net pour qu’il n’y ait aucune censure.

Je reconnais l’utilité des associations mais je trouve qu’il y a une méconnaissance incroyable. Je rencontre souvent des journalistes ou des étudiants qui doivent pondre un mémoire, ce que je peux leur dire en premier c’est « d’accord on va parler de la prison, il n’y a aucun problème mais je tiens à vous avertir… à la fin de la discussion vous n’en ressortirez pas indemnes » et jusqu’à maintenant cela toujours été le cas. Ce qui ce passe dans les prisons en France, vous êtes loin mais très loin d’en avoir la moindre idée.

Depuis que la droite est passée au pouvoir, il y a eu la création des ERIS, des surveillants armés que j’ai vu à l’œuvre… mais cela se passe pas dans la rue là, avec des caméras qui sont en train de filmer, cela se passe à l’intérieur. On retrouve après des détenus pendus dans une cellule avec les cotes facturées, la mâchoire enfoncée et il « s’est suicidé ». Et tout l’appareil judiciaire couvre ça.

J’ai déposé un certain nombre de plaintes, plus de 70 procédures sans avoir aucun cursus juridique… j’ai obtenu des jurisprudences que ce soit au niveau du conseil d’état ou au niveau européen. Ce que j’ai rapidement compris c’est que le code de procédure pénal c’est une « grosse arnaque » ; le code napoléon comme on l’appelle dans certain de ses articles on trouve des alinéas pour contredire un autre article. Avec ce système là impossible de réussir la moindre chose, par contre je me suis intéressé à la constitution française de 58, article 55 qui prévoit la primauté du droit international sur le droit interne. Je me suis donc dirigé vers les instances de Genève qui ont trouvé étonnant qu’un détenu incarcéré depuis si longtemps puisse s’intéresser au droit et le faire valoir en prison. Ils m’ont envoyé pas mal de documents et sur cette base j’ai engagé des procédures (en partant du droit interne le code pénal, puis article 55 de la constitution et ensuite les droits internationaux) en demandant aux magistrats français de se prononcer à ce sujet et j’ai obtenu des résultats intéressants parfois.

Je pourrais vous parler pendant des heures si nous le pouvions. Merci.

Said-André REMLI
Vice-président de Ban Public

Notes

[1] Association pour la communication sur les prisons et l’incarcération en Europe www.prison.eu.org


P.S. :
Enregistré et retranscrit par L. Leriche (2006)

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