Clôture de la Convention Justice des Verts.

Je suis venue à l’engagement politique précisément à travers le Genepi et, en entrant à la Santé pendant plusieurs années, j’ai pris conscience qu’un certain nombre de situations ne pouvaient pas durer. Il fallait lutter contre, mais pas seulement en parlant : en agissant. Avec la conviction que les femmes et les hommes politiques, les députés notamment, sont là pour agir et faire changer ces situations-là.

C’est dans ce sens que les Verts travaillent à un projet, qui a vocation à faire évoluer radicalement les choses. Donc, oui, les Verts s’inquiètent de ces questions de justice, de police, de sécurité. Ce sont des questions essentielles, et les politiques n’ont pas à s’exonérer de leur responsabilité dans ce domaine-là, qui touche énormément de gens au quotidien. Or c’est un domaine qui a été, en effet, beaucoup idéologisé et où une parole un peu différente a du mal à se faire entendre.

C’est ce qu’on essaye de faire, c’est ce qu’on a essayé de faire au moment de l’état d’urgence. On s’est bagarré fortement contre cette mesure, en regrettant que certaines autres formations ne s’y associent pas.

Or voici quelque chose qui aurait paru insupportable il y a quelques années, mais avec le rouleau compresseur qui s’est installé dans les esprits, tout le monde a finalement trouvé ça normal. Normal qu’on fasse des perquisitions la nuit sans réquisitions de la justice, qu’on puisse faire fermer des lieux de réunion, ce qui fait en effet partie de la loi sur l’état d’urgence. Il a été très dur y compris dans des conversations privées de faire prendre conscience de l’aspect absolument inacceptable de cette situation.

L’élément essentiel que je retiens de cette journée, c’est de ne pas prendre les questions de la justice, de la police, de la sécurité indépendamment du reste. Il y a une évolution vers une forme de déshumanisation. On a entendu que les policiers sont transformés en machine à faire du chiffre à rentrer dans les bonnes cases des statistiques, que les juges ont à peine le temps de lire leurs dossiers, vaguement de poser un tampon et de réfléchir ensuite, (je caricature bien sur !) et comme on n’a plus l’argent pour mettre des gardiens à l’entrée des lycées dire bonjour aux gens et vérifier vaguement les cartes de lycéen, on les remplace par des caméras. On a un système qui s’organise, qui s’autojustifie et s’autoalimente.

C’est à ce champ-là qui touche beaucoup d’autres questions qu’on doit s’attaquer principalement. Sur bien d’autres sujets on peut en dire autant, c’est comme quand on parle d’agriculture paysanne _ ça n’a rien à voir mais c’est pareil _ et qu’on dit qu’il faut plus de gens pour travailler mieux et différemment, respecter la bonne manière de travailler la terre, finalement on est dans le même sujet. C’est en ça qu’un parti politique qui a une vision globale sur un projet de société doit avoir un positionnement sur les questions de justice en harmonie avec ses principes plus généraux.

Un des combats principaux qu’il faut qu’on mène c’est de redonner du sens à la prévention. Aujourd’hui, j’ai l’impression que la prévention est devenue comment identifier le plus tôt possible les futurs fauteurs de trouble. Il s’agit de détecter dès trois ans ceux qui de toute manière vont violer, voler, cambrioler, tout ce qu’on veut. La prévention c’est pas ça. C’est devenu un gros mot inassumable, y compris par les politiques de gauche, au motif qu’on aurait essayé la prévention et que ça n’aurait pas marché. Il faut que l’ensemble de la gauche se repenche sur cette question là, c’est indispensable.

Il faut aussi réussir à construire, c’est à dire construire ensemble, et le rôle des associations et des professionnels est essentiel.

J’ai trouvé rigolo le débat sur la question du juge d’instruction, on voit bien que rien que ce sujet là pourrait engendrer des débats très très longs ! Donc savoir construire c’est d’abord dire sur quelles bases, ensuite il faut réfléchir aux méthodes. Les deux bases sont d’assurer la sûreté et la sécurité, les demandes des citoyens sont normales, la question est dans quelle cadre et comment. Le punir doit être limité au nécessaire et de la manière adéquate. Quel type de peine, dans quelle durée, comment on les exerce, et aussi quel contrôle citoyen. Tout le monde condamne les dérives actuelles des prisons françaises, les autres pays européens les ont constatées on ne peut pas assumer la manière dont la justice qui est rendue en notre nom est aujourd’hui assumée dans nos prisons.

Bien évidemment il faudra aller plus loin que la loi pénitentiaire, même si on ne parle de ces questions que sous le coup de l’émotion. Aujourd’hui la justice est mise sous les projecteurs à cause d’Outreau, mais il y avait eu avant tout un débat sur la prison avec le livre de Véronique Vasseur sur lequel on avait très vite refermé le couvercle. Il est indispensable d’avoir sur ces questions-là un travail de fond et dans la durée.

Les Verts comme les autres partis politiques ont une responsabilité dans ce domaine, mais les Verts ont une responsabilité particulière, l’aspect libertaire de notre tradition est essentiel. Résister à la sécurisation et à l’étouffement de la démocratie c’est aussi garder des espaces de liberté. Gilles a parlé des fauchages d’OGM, moi je n’ai jamais oublié que des gens pendant la guerre ont pu résister grâce à des faux papiers, la biométrie, les choses infalsifiables et les lois qui ne peuvent jamais être franchies, c’est parfois aussi un danger pour la démocratie.

Tout cela repose sur un contrôle citoyen, par les élus, par le parlement, et aussi par un contrôle au plus près des lieux où ça se passe. Véronique Dubarry a parlé des contrats locaux de sécurité, les Verts ont la démocratie participative au cœur de leur projet politique. J’ai entendu parler d’échevinage, mais on a fait peu de travail collectif au niveau local sur ces questions là, pourtant les gens sont beaucoup plus ouverts que ce qu’on pourrait croire sur ces questions. Si on leur montre que des solutions fonctionnent et que d’autres solutions avancées aujourd’hui ne fonctionnent pas, et le débat sur les chiffres n’est pas inutile, l’audience d’une parole différente est beaucoup plus grande que ce qu’on imagine.

Il est indispensable qu’il y ait un sursaut, si on laisse les choses continuer à dériver il sera extrêmement difficile de revenir car plus personne n’osera et le chemin sera trop long. Nous sommes vraiment à une période assez critique où on a besoin de tout le monde pour une réaction assez vive sans avoir peur, on aurait tort d’avoir peur en disant les choses assez fermement. Sur la nécessité de la préservation des libertés publiques on peut être entendu beaucoup plus que ce qu’on croit.

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