Parler d’inflation carcérale…

Parler d’inflation carcérale, c’est constater que l’augmentation du nombre de détenus est très importante – données de stock – c’est-à-dire sans commune mesure avec
l’augmentation du nombre d’habitants.
Exemple : en France, entre le 1er janvier 1975 et le
1er janvier 1995, le nombre de détenus a connu un accroissement de 100 % contre 10 % seulement pour le nombre d’habitants (métropole).
Ainsi en 20 ans, le taux de détention, qui permet de raisonner à nombre d’habitants constant est passé de 49 détenus pour 100 000 habitants à 89 p. 100 000.
Dans cette façon de voir les choses, on fait un constat sur l’ampleur de l’accroissement du taux de détention sans se référer aux questions de capacité des établissements. Ainsi le concept d’inflation carcérale qui d’ailleurs n’a de sens qu’en référence à un intervalle de temps suffisamment long pour que les évolutions ne soient pas simplement conjoncturelles, est à distinguer du concept de surpopulation carcérale qui, lui, se réfère à la situation à une date t donnée.

La notion de surpopulation carcérale a, dans le langage courant, deux sens assez différents :
a. un sens général « il y a trop de détenus », sans que l’on précise sur quels critères on se base pour affirmer ce diagnostic,
b. un sens plus précis qui se réfère au nombre de places disponibles. Dans ce second sens, il décrit l’inadéquation, à un instant t donné, entre le nombre de détenus et la capacité « d’accueil » dans les prisons.

La surpopulation est alors évaluée par la densité carcérale – voir ICH n° 119-120, daté du 2 janvier 2006.

En 10 ans, du 1er janvier 1996 au 1er janvier 2006, le nombre de personnes sous écrou a augmenté de 8,1 %.
Peut-on parler, pour autant, d’inflation carcérale sur toute la période ?

Examinons l’évolution des chiffres année après année.

  • Nombre de personnes sous écrou (France entière) :


1.1.1996 : 55 062, 1.1.1997 : 54 496, 1.1.1998 : 53 844, 1.1.1999 : 53 055,
1.1.2000 : 51 441, 1.1.2001 : 47 837, 1.1.2002 : 48 594, 1.1.2003 : 55 407, 1.1.2004 : 59 246,
1.1 2005 : 59 197, 1.1.2006 : 59 522.

  • Accroissement annuel du nombre de personnes sous écrou (France entière) :

1996 : – 1,0%, 1997 : – 1,2%, 1998 : – 1,5 %, 1999 : – 3,0%, 2000 : – 7,0%.
2001 : + 1,6 %, 2002 : + 14,0 % , 2003 : + 6,9 % , 2004 : 0,0 %, 2005 : + 0,5 %.

En réalité, trois phases se sont succédées :
une phase de déflation carcérale (1996-2000), déflation qui est allée en s’accentuant (- 13% en 4 ans), suivie d’une phase de forte inflation (2001-2003, + 24 % en trois ans) suivie de deux années de quasi stabilité (2004-2005).

A replacer dans le contexte politique de l’ensemble de la période.

Pierre V. Tournier
ICH – Numéro 126 – Lundi 6 février 2006

Agence d’Information Indépendante et Interactive sur les Politiques Pénales et Pénitentiaires 4ème année

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