Numerus clausus pénitentiaire

Sans oublier qu’il faut sortir la prison de la tête de la société et des juges comme y invite la réforme du Code Pénal de 1993, et lutter contre l’inflation carcérale, la lutte pour la dignité des détenus et des personnels tout comme la bonne gestion de l’institution pénitentiaire passent par la limitation des effectifs à la capacité d’accueil des établissements. Il ne s’agit en fait de guère plus que de pérenniser en la rationalisant la pratique de la grâce présidentielle annuelle du 14 juillet.Exposé des motifs :

La surpopulation carcérale dans les maisons d’arrêt (les établissements pour peine bénéficient déjà de fait d’un certain numerus clausus) aboutit à alourdir considérablement les conditions de détention, aggrave la promiscuité, génère des tensions et des incidents et déstabilise les détenus comme les personnels, tant de garde qu’éducatifs.

Les causes en sont multiples, et pour l’essentiel elles ne relèvent pas de la loi, mais d’une certaine vision de la punition et du pouvoir du juge, et de la persistance dans les têtes, non seulement des professionnels mais encore du grand public, de la prison comme peine de référence, alors pourtant que la réforme du Code Pénal de 1993 a entendu mettre toutes les peines à égalité. Ces mécanismes insidieux aboutissent au fil des ans à une aggravation silencieuse mais persévérante du poids des peines prononcées et du nombre des détenus, ce que l’on appelle l’inflation carcérale.

D’autres pistes plus élaborées sont certainement à explorer pour lutter contre cette inflation carcérale et éviter l’emprisonnement lorsqu’il n’est pas indispensable, développer le milieu ouvert et les peines de substitution, reprendre la réflexion sur l’échelle des peines et sur le champ pénal. Parmi ces pistes, il y a celle de mettre en mettre en évidence le coût des peines d’emprisonnement dans le budget de l’État dans le cadre de la LOLF, lancer le débat et obtenir des décisions politiques sur le nombre de « postes » de prisonniers que la société estime nécessaires. Une telle démarche est également nécessaire pour le milieu ouvert, comme elle l’est pour toute activité de l’État.

L’objet de cette proposition est plus modeste. Il ne s’agit, en fait, que de réaliser au jour le jour et de façon systématique, et sans doute un peu moins arbitraire, ce qui réalise tous les ans le décret de grâce présidentielle du 14 juillet, en libérant par anticipation les détenus auxquels il ne reste qu’un faible reliquat de peine à subir (en pratique de l’ordre d’un à deux mois). Cette pratique de la grâce présidentielle permet de maintenir les effectifs de détenus à un niveau un peu moins déraisonnable que ceux qu’on observe au cours de l’année, et est jugée indispensable par tous les acteurs du débat sur les prisons. De ce point de vue, il n’y a rien de bien révolutionnaire.

Mais en posant clairement l’idée que lorsqu’il n’y a plus de place on libère, le numerus clausus, en dehors de son aspect pratique, réalise une rupture idéologique avec l’idée du « toujours plus » en matière judiciaire comme en tout autre, et invite à un débat citoyen sur la prison dans la cité, la finalité de la sanction pénale et la place de la prison dans celle-ci. C’est là toute son importance.


P.S. :
Texte :
Il est inséré au Livre V, Titre premier, Chapitre premier du Code de procédure pénale un article 707-1 nouveau ainsi rédigé :

« L’exécution des peines a lieu dans des conditions compatibles avec la dignité humaine et les engagements internationaux de la République française.

En particulier, la capacité de chaque établissement pénitentiaire et la répartition à l’intérieur de celui-ci des places entre les mineurs et les majeurs, et entre les hommes et les femmes, est déterminée par décret.

Lors de toute entrée aboutissant à dépasser l’une de ces capacités, le nombre des détenus concernés peut être réduit par transfèrement dans les 24 heures de l’écrou ayant abouti à l’excédent d’effectif. Si cet excédent persiste à ce terme, le détenu condamné définitif alors présent à l’établissement auquel il reste le reliquat de peine le plus court à subir est mis d’office en liberté.

Cette mise en liberté vaut exécution du reliquat de la peine restant à subir. »

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