Le Cour de Justice Européenne et les mesures d’âge

L’objectif de favoriser l’insertion professionnelle des travailleurs âgés au chômage ne justifie pas une réglementation nationale qui autorise, sans restrictions, la conclusion de contrats de travail à durée déterminée pour tous les travailleurs qui ont atteint l’âge de 52 ans.

Dans la présente affaire, il n’a pas été démontré que la fixation d’un seuil d’âge, en tant que tel, indépendamment de toute autre considération liée à la structure du marché du travail en cause et de la situation personnelle de l’intéressé, est objectivement nécessaire à la réalisation de l’objectif d’insertion professionnelle des travailleurs âgés au chômage.COMMUNIQUÉ DE PRESSE n° 99/05

22 novembre 2005

Arrêt de la Cour dans l’affaire C-144/04

Werner Mangold / Rüdiger Helm

La Cour de justice consolide la protection des travailleurs en ce qui concerne les différences de traitement fondées sur l’âge

L’objectif de favoriser l’insertion professionnelle des travailleurs âgés au chômage ne justifie pas une réglementation nationale qui autorise, sans restrictions, la conclusion de contrats de travail à durée déterminée pour tous les travailleurs qui ont atteint l’âge de 52 ans.

Le principe de non-discrimination en fonction de l’âge est un principe général du droit communautaire. À cet égard, la directive 2000/78[1] vise à établir un cadre général pour lutter, en matière d’emploi et de travail, contre certaines formes de discrimination, dont notamment celle fondée sur l’âge. Une différence de traitement fondée directement sur l’âge constitue, en principe, une discrimination interdite par le droit communautaire. Toutefois, la directive permet aux États membres de prévoir une telle différence de traitement et la considère non discriminatoire lorsqu’elle est objectivement et raisonnablement justifiée, dans le cadre du droit national, par un objectif légitime, notamment par des objectifs légitimes de politique de l’emploi et du marché du travail. De plus, les moyens de réaliser cet objectif doivent être appropriés et nécessaires.

L’Arbeitsgericht München (tribunal du travail de Munich) a saisi la Cour de justice des Communautés européennes de plusieurs questions préjudicielles, notamment relatives à l’interprétation de la directive 2000/78, dans le contexte d’un litige concernant la loi allemande sur le travail à temps partiel et les contrats à durée déterminée (Gesetz über Teilzeitarbeit und befristete Arbeitsverträge, TzBfG)[2]. Cette loi autorise sans restrictions, sauf dans un cas spécifique de relation d’emploi continue, la conclusion de contrats de travail à durée déterminée lorsque le travailleur a atteint l’âge de 52 ans.

La Cour de justice reconnaît que cette législation a clairement pour objectif de favoriser l’insertion professionnelle des travailleurs âgés au chômage, dans la mesure où ces derniers se heurtent à des difficultés importantes pour retrouver un emploi. Un objectif de cette nature justifie, en principe, «objectivement et raisonnablement» une différence de traitement fondée sur l’âge.

Cependant, une réglementation nationale telle que celle contenue dans le TzBfG va au-delà de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre l’objectif légitime poursuivi.

Certes, les États membres disposent incontestablement d’une large marge d’appréciation dans le choix des mesures susceptibles de réaliser leurs objectifs en matière de politique sociale et d’emploi. Toutefois, selon la Cour, l’application de la réglementation nationale en cause aboutit à ce que tous les travailleurs ayant atteint l’âge de 52 ans, sans distinction, qu’ils aient ou non été en situation de chômage avant la conclusion du contrat et quelle qu’ait été la durée de la période de chômage éventuel, peuvent valablement, jusqu’à leur retraite, se voir proposer des contrats de travail à durée déterminée susceptibles d’être reconduits un nombre indéfini de fois. Cette catégorie importante de travailleurs, déterminée exclusivement en fonction de l’âge, risque ainsi, durant une partie substantielle de la carrière professionnelle de ces derniers, d’être exclue du bénéfice de la stabilité de l’emploi, laquelle constitue pourtant un élément majeur de la protection des travailleurs. Dans la présente affaire, il n’a pas été démontré que la fixation d’un seuil d’âge, en tant que tel, indépendamment de toute autre considération liée à la structure du marché du travail en cause et de la situation personnelle de l’intéressé, est objectivement nécessaire à la réalisation de l’objectif d’insertion professionnelle des travailleurs âgés au chômage.


P.S. :
Compte tenu de son poids et des règles de copyright, le texte intégral de l’arrêt n’a pas été reproduit ici. Il peut être obtenu sur le site du moteur de recherche de la CJE, taper 2005-11-22 et Mangold

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