La sortie de prison : vers une vie responsable et exempte de délits et de crimes ?

Journée « Quel toit après la prison ? Le logement comme élément essentiel de l’insertion » organisé de CLLAJ-LyonLa proposition de loi sur « La peine et le service public pénitentiaire » (loi pénitentiaire) déposée par Marylise Lebranchu, le 25 juin 2003, et renvoyée devant la commission des lois – puis « classée sans suite »- s’ouvre sur un 1er chapitre intitulé « Le sens de la peine »[1].
En réalité, deux passages seulement sont directement consacrés au sujet : « La nature et le régime des peines prononcées par les juridictions, dans les limites et selon les modalités déterminées par les dispositions du présent chapitre, doivent être choisis en fonction des circonstances de l’infraction ainsi que de la personnalité et de la situation de son auteur, de manière à concilier la protection effective de la société, la sanction du condamné et, le cas échéant, les intérêts de la victime, avec la nécessité de favoriser l’amendement du condamné et de préparer sa réinsertion » (Article 2.).
Et plus loin « L’exécution [des peines prononcées] et notamment celle des peines privatives de liberté, doit dans le respect de l’intérêt de la société et, le cas échéant, des droits des victimes tendre à l’insertion ou à la réintégration des condamnés ainsi qu’à la prévention de la récidive. Elles peuvent à cette fin être aménagées au cours de leur exécution, en fonction de l’évolution de la personnalité ou de la situation du condamné » (Article 4.).

Ainsi de façon très classique, il est question de protection de la société et de défense des intérêts des victimes, d’amendement, de réinsertion, voire de réintégration, et de prévention de la récidive.
Dans la recommandation adoptée, le 11 janvier 2006, par le comité des ministres du Conseil de l’Europe sur « Les règles pénitentiaires européennes », la question est abordée de façon assez différente, avec d’autres mots, plus simplement, autour de deux idées fortes. Dans la partie VIII de la recommandation, intitulée « Objectif du régime des détenus condamnés », on trouve la règle 102.1 : « Au delà des règles applicables à l’ensemble des détenus, le régime des détenus condamnés doit être conçu pour leur permettre de mener une vie responsable et exempte de crime ». Pouvoir mener une vie responsable, après la libération, et exempte de crime ; nous ajouterons de délit et de contravention, le mot crime étant, évidemment, à prendre, comme en anglais, dans son sens large d’infraction pénale[[Conseil de l’Europe, Les règles pénitentiaires européennes, Recommandation Rec (2006)2, adoptées par le Comité des ministres le 11 janvier 2006, règle 18 et commentaires.

  • Ces règles ont été publiées par la Direction de l’administration pénitentiaire, Collection Travaux et Documents hors série, août 2006, 103 pages.]].

1. – Une vie exempte de crime ?

Nous disposons aujourd’hui de deux grandes enquêtes récentes, en matière de devenir judiciaire d’anciens condamnés[2]. Reposant sur l’observation suivie, elles permettent d’avoir un panorama assez complet des risques de nouvelles condamnations tant chez les sortants de prisons que chez les condamnés à des peines alternatives à la détention[[Kensey (A), Tournier (P.V.) .Prisonniers du passé ? Cohorte des personnes condamnées, libérées en 1996-1997 : examen de leur casier judiciaire 5 ans après la levée d’écrou (échantillon national aléatoire stratifié selon l’infraction), Ministère de la Justice, Direction de l’administration pénitentiaire, Coll. Travaux & Documents, n°68, 2005, livret de 63 pages + CD ROM.
Kensey (A), Lombard (F), Tournier (P.V.), Sanctions alternatives à l’emprisonnement et « récidive ». Observation suivie, sur 5 ans, de détenus condamnés en matière correctionnelle libérés, et de condamnés à des sanctions non carcérales (département du Nord). Ministère de la Justice, Direction de l’administration pénitentiaire, Coll. Travaux & Documents, n°70, 2006 livret de 113 + CD ROM.]] . On examine les casiers judiciaires d’échantillons d’anciens condamnés, cinq ans après leur sortie de prison, ou cinq ans après le prononcé d’une peine non carcérale. On évalue la proportion de casiers comportant au moins une nouvelle condamnation, toutes infractions et toutes peines confondues. C’est ce que l’on appelle un « taux de recondamnation ».
Pour les sortants de prisons, ce taux de recondamnation est d’environ 52 %, dans les cinq ans. Mais on a quatre autres critères où l’on ne prend en compte que les condamnations pour des faits d’une certaine gravité. Ainsi, toujours pour les sortants de prison, on trouve un taux dit de « retour sous écrou » de 41%, on ne prend alors que les nouvelles condamnations à la prison ferme. Enfin, on a la possibilité de se limiter aux seules nouvelles affaires sanctionnées par une peine de réclusion criminelle : c’est ce qui nous permet de dire que les sortants initialement condamnés pour un homicide ont un taux de nouvelles affaires criminelles de moins de 5 pour 1 000, dans les 5 ans qui suivent leur libération.

Cette approche globale montre l’avantage des peines alternatives par rapport à la prison. Mais il ne faut jamais oublier que les risques de recondamnation ou de retour sous écrou varient de façon très importante, selon les caractéristiques des individus et les conditions d’exécution des peines :
Le risque est plus élevé chez les hommes, chez ceux qui ne déclarent aucune profession. Il diminue avec l’âge, mais augmente avec le poids du casier judiciaire. Il est nettement plus élevé pour les atteintes aux biens que pour les atteintes aux personnes, à un exception près, les vols avec violences pour lesquels le risque est très élevé.
Pour les sortants de prison, le taux de retour sous écrou, dans les 5 ans après la libération, est ainsi de 65 % quand l’infraction initiale est un vol sans violence (délit), de 57 % pour un vol avec violence (délit), de 44 % pour des violences volontaires sur adulte, de 13 % pour un homicide, de 11 % après un viol ou une agression sexuelle (délit) sur mineur. Insistons sur le fait que la nouvelle infraction commise, après la libération, peut ne pas être de même nature que la première.
Reprenons le cas des sortants ayant purgé une peine pour violences volontaires sur adulte (délit). Ceux qui ont un passé judiciaire, qui n’ont pas déclaré de profession à l’écrou et qui ont moins de 30 ans à la libération ont un taux de retour sous écrou, dans les 5 ans, de plus de 80 %. A l’inverse, ceux qui n’ont pas de passé judiciaire, qui ont déclaré une profession à l’écrou et qui sont âgés de 30 ans ou plus à la libération ont un taux de retour sous écrou, dans les 5 ans, voisin de 0 %. Mais il serait bien illusoire d’en conclure que nous sommes capables de connaître le devenir de tel ou tel individu sur la seule base de ces caractéristiques. Par ailleurs, nous donnons ici les cas extrêmes en ne citant pas les situations intermédiaires où les taux vont être voisins de 40 – 50 %.

2. – Pour une politique d’aménagement des peines responsable

La connaissance de ces variables dont certaines sont tout de même très discriminantes, au sens statistique du terme, devrait permettre de construire des politiques d’aménagement des peines, en milieu ouvert, raisonnées, et responsables.
La question ne devrait pas être de savoir, sur la base de ces chiffres qui on va libérer de façon anticipée (ceux à faible risque de récidive ?) et qui on va garder jusqu’à la fin de peine (ceux à fort risque de récidive ?). Cette façon de faire est irresponsable, repoussant à plus tard le risque, tout en se privant d’une période de probation pendant laquelle le condamné est encore sous mandat judiciaire, et donc plus facilement repérable, plus aisément contrôlable. Connaître les ordres de grandeur des risques, c’est analyser différemment sur un plan qualitatif – individuel – un cas à haut risque statistique et un cas à faible risque. Dans le premier cas, on cherchera ce qui permet de remettre en cause le diagnostic a priori pessimiste, dans l’autre cas on prendra garde à ne pas négliger tel ou tel aspect inquiétant. Cette très grande variabilité des situations, passée sous silence par les politiques, peut fonder une véritable politique de relance de la libération conditionnelle, où l’on devrait passer d’une proportion très faibles de bénéficiaires à une nette majorité, comme en Suède ou en Finlande, et où les procédures d’accompagnement seraient adaptées à chaque individu selon sa propre trajectoire.

Les dernières enquêtes citées supra montrent, une nouvelle fois, que les libérés conditionnels ont des taux de retour plus faibles que ceux qui sortent en fin de peine : pour les homicides, 9% de taux de retour sous écrou, dans les 5 ans, en cas de libération conditionnelle contre 17% pour les fins de peines ; 33% contre 45% en cas de violences volontaires sur adulte; 45% au lieu de 67% pour les vols sans violence (délit); 24% contre 32% pour les escroqueries.
Des calculs réalisés sur des enquêtes plus anciennes ont montré que ces écarts ne s’expliquent pas uniquement par les modes de sélection effectués par les juges. On peut faire l’hypothèse que c’est la mesure elle-même qui a une certaine efficacité. Aussi est-ce autour de la question de libération conditionnelle, de sa généralisation, de son accompagnement que la question de la lutte contre la récidive (au sens large du terme) devrait se poser.

Or, voici l’évolution, observée en France métropolitaine, de la proportion des libérés conditionnels parmi les détenus condamnés sortants de prison (pour chaque année, proportion calculée sur le 1er trimestre) : 2001 = 13,1%, 2002 = 9,3%, 2003 = 8,6%, 2004 = 7,6%, 2005 = 5,7%, 2006 = 6,3%[3].
Ainsi malgré la légère remontée récente, la proportion de libération conditionnelle a diminué de moitié en 5 ans.

Dans le rapport « Warsmann » préparatoire à la loi du 9 mars 2004, dite « Perben 2«  portant adaptation de la Justice aux évolutions de la criminalité, la libération conditionnelle, est bien saluée par le parlementaire UMP comme une mesure efficace pour lutter contre la récidive, mais rien n’est vraiment proposé pour en assurer la relance. En matière d’aménagement des peines, l’essentiel des mesures, – souvent utiles – sera consacré à ce que nous appelons des alternatives à la détention de 3ème catégorie[4] qui ne diminuent pas le temps sous écrou, mais réduisent le temps passé derrière les murs : semi-liberté, placement à l’extérieur, placement sous surveillance électronique fixe introduit par la loi du 19 décembre 1997.
La principale incidence de la loi Perben 2 sur la libération conditionnelle concernera la répartition des compétences. La loi du 15 juin 2000 avait confié au Juge de l’application des peines, le prononcé des libérations conditionnelles pour les condamnés à des peines inférieures ou égales à dix ans ou dont le reliquat à exécuter était inférieur ou égal trois ans (Article 730 du code de procédure pénale). Dans les autres cas, la compétence revenait à une nouvelle juridiction, la juridiction régionale de la libération conditionnelle (JRLC). En 2004, cette juridiction est remplacée par le tribunal de l’application des peines (TAP).

Un an plus tard, on aurait pu s’attendre à ce que la loi du 12 décembre 2005 présentée par Pascal Clément relative au traitement de la récidive des infractions pénales consacre une place de choix à la question de la libération conditionnelle. Mais ce ne fut pas le cas.
Au delà de toute une série de mesures accentuant la répression contre les « récidivistes », l’innovation phare sera le placement sous surveillance électronique mobile (PSEM), mesure de sûreté pouvant être ordonnée dans le cadre du suivi socio-judiciaire – voire, dans certains cas, d’une libération conditionnelle -. La personne doit être majeure, avoir été condamnée à une peine de 7 ans ou plus, sa dangerosité ayant été constatée par une expertise médicale. Le placement est de deux ans, une fois renouvelable pour les délits, deux fois pour les crimes. Le PSEM est un dispositif fonctionnant sur la base du GPS qui permet de localiser un condamné, après sa libération, à tout instant et sur l’ensemble du territoire national. A cette fin, la personne concernée est astreinte au port d’un émetteur.
Par ailleurs, les possibilités d’octroi de la libération conditionnelle seront réduites pour les condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité, le temps d’épreuve passant de 15 années à 18, et de 18 années.

3. – A propos des critères d’octroi de la libération conditionnelle

La loi du 15 juin 2000, dite Loi « Guigou » avait pourtant représenté une véritable avancée sur la question de la libération conditionnelle. Même si, initialement, elle n’était pas faite pour cela puisque son objet était de renforcer la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes, la loi comprendra, en définitive, un volet fort important sur l’aménagement des peines privatives de liberté. Grâce au travail des deux chambres, grâce aussi à l’influence de certaines associations, la loi Guigou est allée bien au delà de ses objectifs premiers apportant, dans un approche globale, des innovations tout au long du processus pénal : de la réforme des conditions de la garde à vue, jusqu’à la juridictionnalisation de la libération conditionnelle, en passant par la réduction des possibilités de recours à la détention provisoire et par l’introduction de l’appel en matière criminelle. Les nouveaux droits accordés aux condamnés candidats à la libération conditionnelle, existaient déjà dans bien des pays européens : droit de disposer d’un conseil, procédure contradictoire permettant au condamné d’exprimer son point de vue, obligation pour les autorités judiciaires de motiver un refus, introduction de voies de recours, etc.
La France s’est mise au niveau des exigences européennes, exigences qui seront d’ailleurs rappelées dans la recommandation de 2003 du Conseil de l’Europe.
On avait pu aussi se féliciter de la rédaction de l’article 729 du code de procédure pénale, quant au fond sinon à la forme : « Les condamnés ayant à subir une ou plusieurs peines privatives de liberté peuvent bénéficier d’une libération conditionnelle s’ils manifestent des efforts sérieux de réadaptation sociale, notamment lorsqu’ils justifient soit de l’exercice d’une activité professionnelle, soit de l’assiduité à un enseignement ou à une formation professionnelle ou encore d’un stage ou d’un emploi temporaire en vue de leur insertion sociale, soit de leur participation essentielle à la vie de famille, soit de la nécessité de subir un traitement, soit de leurs efforts en vue d’indemniser leurs victimes ». Mais est-il clair, pour les magistrats, que le fait d’avoir « emploi et hébergement » n’est pas une condition nécessaire pour bénéficier d’une libération conditionnelle ?

Le 24 septembre 2003, le comité des Ministres du Conseil de l’Europe, adopte, à l’unanimité, une recommandation sur la libération conditionnelle[5]. Dans ce texte, le comité des ministres reconnaît « que la libération conditionnelle est une des mesures les plus efficaces et les plus constructives pour prévenir la récidive et pour favoriser la réinsertion sociale des détenus dans la société, selon un processus programmé, assisté et contrôlé ». Il considère « que son usage devrait être adapté aux situations individuelles et conforme aux principes de justice et d’équité », « que le coût financier de la détention pèse lourdement sur la société et que les études montrent que la détention a souvent des conséquences néfastes et n’assure pas la réinsertion des détenus » et enfin « qu’il est donc souhaitable de réduire autant que possible la durée de la détention et que la libération conditionnelle, qui intervient avant que la totalité de la peine n’ait été purgée, peut contribuer, dans une large mesure, à atteindre cet objectif ».
La question essentielle des critères d’octroi de la libération conditionnelle est abordée de façon très pragmatique, et ce afin que le plus grand nombre de condamnés puisse a priori bénéficier de cette mesure de bon sens, pour ce qui est de la lutte contre la récidive :

  • « Les critères que les détenus doivent remplir pour pouvoir bénéficier de la libération conditionnelle devraient être clairs et explicites. Ils devraient également être réalistes en ce sens qu’ils devraient tenir compte de la personnalité des détenus, de leur situation socio-économique et de l’existence de programmes de réinsertion. (article 18).
  • « L’absence de possibilité d’emploi au moment de la libération ne devrait pas constituer un motif de refus ou de report de la libération conditionnelle. Des efforts devraient être déployés pour trouver d’autres formes d’activité. Le fait de ne pas disposer d’un logement permanent ne devrait pas non plus constituer un motif de refus ou de report de la libération conditionnelle. Il conviendrait plutôt de trouver une solution provisoire d’hébergement. (article 19) »
  • « Les critères d’octroi de la libération conditionnelle devraient être appliqués de telle sorte que celle-ci puisse être accordée à tous les détenus dont on considère qu’ils remplissent le niveau minimal de garanties pour devenir des citoyens respectueux des lois. Il devrait incomber aux autorités de démontrer qu’un détenu n’a pas rempli les critères. » (article 20).


Nous sommes, ainsi, à la fois très proche de l’esprit de la loi du 15 juin 2000 et très éloigné des pratiques actuelles dans notre pays.

4. – Responsabilité individuelle du condamné et solidarité de la société

Qu’il s’agisse de la loi du 15 juin 2000 votée sous le gouvernement de Lionel Jospin ou de la recommandation du Conseil d’Europe de 2003, nous pouvons reconnaître une même inspiration philosophique reposant à la fois sur l’appel à la responsabilité des personnes auteurs de délits ou de crimes qui ont vocation à réintégrer la communauté après leur détention[6] et sur la nécessaire solidarité collective de la société pour accompagner ce processus de réintégration, par souci de sécurité car c’est faire de la prévention, par souci de justice, ce sont des citoyens comme les autres, par souci d’humanité, ce sont des citoyens en difficulté.
La personne condamnée est donc considérée comme responsable de ses actes[7], des faits commis pour lesquels elle a été sanctionnée comme du processus par lequel elle peut se réintégrer dans la communauté. Dit d’une autre manière ce n’est pas « la société » qui est responsable du passage à l’acte – comme on le prétend à l’ultra-gauche de l’échiquier politique. C’est sur la base de cette responsabilité, et de cette liberté qu’elle implique, qu’un contrat de confiance peut fonder une libération anticipée. Comme le souligne la recommandation du Conseil de l’Europe, ce qui est demandé au condamné doit être « réaliste ». _ Mais inversement, on reconnaît dans la délinquance et la criminalité, l’existence de déterminants socio-économiques, voire socio-psychologiques – ce que nient la droite sécuritaire et l’extrême droite -, reconnaissance qui fonde la nécessité de la solidarité de tous. On ne saurait le dire mieux que Jean Jaurès « C’est trop commode de créer un abîme entre les coupables et les innocents. Il y a des uns aux autres une chaîne de responsabilité. Il y a une part de solidarité. Nous sommes tous solidaires de tous les hommes même dans le crime » [8].

On aura noté qu’à la suite de la loi du 15 juin 2000, l’article 729 du code de procédure pénale qui explicite les conditions d’octroi de la libération conditionnelle ne parle pas des conditions d’hébergement du condamné après sa levée d’écrou. Il est question d’activité professionnelle, de formation, de stage, d’un emploi temporaire, de « participation essentielle à la vie de famille », de traitement (médical), d’indemnisation des victimes, mais pas d’hébergement. Et le Conseil de l’Europe insiste : « […] Le fait de ne pas disposer d’un logement permanent ne devrait pas non plus constituer un motif de refus ou de report de la libération conditionnelle. Il conviendrait plutôt de trouver une solution provisoire d’hébergement (article 19) ».
Dans le commentaire interne à la recommandation on lit ceci à propos de l’article 19 que nous venons de citer « Les possibilités d’emploi et de logement permanent à la libération sont des facteurs essentiels pour une bonne réinsertion et sous-tendent certaines hypothèses fondamentales quant à la capacité des détenus à vivre dans le respect de la loi. C’est pourquoi, aucun effort ne doit être épargné pour faire en sorte que les détenus qui bénéficieront de la libération conditionnelle trouvent un emploi et un logement. Néanmoins, il serait irréaliste d’en faire une condition absolue. Eu égard à la situation économique et sociale d’ensemble, beaucoup d’entre eux ne trouvent pas d’emploi à leur sortie de prison et la recherche d’un logement permanent demande un certain temps. Dans ces circonstances, la condition relative à un contrat de travail peut fort bien être remplacée par l’obligation de suivre une formation ou de s’adonner à une occupation utile. Dans le même esprit, on devrait admettre les solutions temporaires en matière de logement.

Nous pensons que la question de l’hébergement, qui évidemment ne se pose pas dans les mêmes termes pour tous les sortants de prison est sans doute celle où la solidarité de la société doit se manifester en priorité.
Les élus de nos villes, et de collectivités territoriales dans leur ensemble, se préoccupent, parfois à l’excès, du sentiment d’insécurité de la population.
Mais, dans une démocratie, il est bien normal que les élus cherchent à répondre aux attentes de leurs mandants, ne serait-ce que pour pouvoir continuer les actions qu’ils considèrent comme nécessaires au bien public, au delà des prochaines échéances électorales. Qu’ils expliquent alors à leurs électeurs la chose suivante : se soucier des conditions de vie des personnes détenues, des conditions d’exécution des peines, des conditions de libération, et en particulier des conditions d’hébergement des sortants de prison, investir dans ce champ et soutenir les acteurs sociaux qui s’y investissent, c’est travailler pour la sécurité des villes dans l’avenir.

Notes

[1] Assemblée nationale, Commission des Lois, proposition de loi n°970, Peine et service public pénitentiaire, juillet 2003, 98 pages.

[2] Nous évitons d’utiliser le terme ambigu de « récidive » qui renvoie à la notion juridique de récidive légale non utilisée dans ce type d’enquêtes.

[3] Source : Statistiques trimestrielles de la population prise en charge en milieu fermé, Direction de l’administration pénitentiaire, Bureau des études, de la prospective et des méthodes.

[4] Tournier (P.V.), Pour une approche globale de la question des alternatives à la détention, in Poursuivre et punir sans emprisonner. Les alternatives à l’incarcération, Les dossiers de la Revue de droit pénal et de criminologie, n°12, Editions La Charte, 137-144.

[5] Conseil de l‘Europe, La libération conditionnelle, Recommandation REC (2003) 22., adoptée par le Comité des ministres du Conseil de l’Europe, le 24 septembre 2003 et exposé des motifs, 59 pages.

[6] On n’abordera pas ici la question des peines de réclusion criminelle à perpétuité.

[7] Nous excluons ici le cas de la maladie mentale.

[8] Jean Jaurès, « Séance du 18 novembre 1908, in Abolir la peine de mort. Le débat parlementaire de 1908 », Cahiers Jean Jaurès, 1992, n°2, p.104.

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