Environnement : la France sommée d’appliquer les lois européennes
La Commission européenne a menacé la France, mercredi 12 janvier, de sanctions financières si elle persiste à ne pas tenir compte d’arrêts de la Cour de justice qui l’invitent à transposer dans sa législation plusieurs directives sur l’environnement. La France a été condamnée six fois, entre septembre 2001 et juillet 2004, à l’initiative de la Commission, mais elle a ignoré, en tout ou en partie, les injonctions de la Cour. La Commission l’a donc mise en demeure de s’acquitter de ses obligations. Il s’agit, dans trois cas, d’un premier avertissement et, dans les trois autres, d’un deuxième et dernier avertissement, ultime étape avant d’éventuelles amendes infligées par la Cour à la demande de la Commission.
« Je suis inquiet de voir le nombre élevé d’arrêts de la Cour auxquels la France n’a pas donné suite », a déclaré le commissaire européen à l’environnement, Stavros Dimas, avant d’ajouter : « Il est indispensable de réagir vite et de manière efficace aux arrêts de la Cour, non seulement pour l’environnement, mais aussi pour montrer que les Etats membres prennent leurs engagements européens au sérieux. » Dans un communiqué, la Commission souligne que « la France, en n’appliquant pas correctement la législation européenne sur l’environnement, nuit aux efforts déployés pour préserver la faune et la flore d’Europe et sape les actions en faveur d’une meilleure gestion des risques pour l’environnement et la santé humaine ».
RETARDS ACCUMULÉS
La France est blâmée pour mauvaise transposition de la directive Habitats de 1992, qui obligeait les Etats à proposer, avant 1995, une série de sites destinés à constituer un réseau de protection écologique dénommé Natura 2000. La Cour a estimé, le 11 septembre 2001, que les listes fournies étaient incomplètes. La Commission note que celles-ci sont insuffisantes pour protéger une douzaine d’habitats et d’espèces, notamment des forêts et des tourbières, ainsi que certaines espèces de poissons et de plantes. Elle souligne que les retards accumulés empêchent l’achèvement du réseau Natura 2000, qu’elle considère comme « la contribution la plus importante à la protection de la biodiversité pour les générations futures ». Paris reçoit également un dernier avertissement pour l’application de la directive Oiseaux sauvages de 1979, qui donne lieu, depuis vingt-cinq ans, à des controverses entre chasseurs et écologistes. La Cour lui reproche, dans un arrêt du 26 novembre 2002, de n’avoir pas désigné suffisamment de zones protégées. Celles-ci ne représentent que 2,6 % du territoire français, alors que les sites répertoriés en couvrent 8 %.
De même, la Cour a jugé trop restrictive, le 26 juin 2003, la transposition faite par la France d’une directive de 1990 sur la liberté d’accès à l’information en matière d’environnement. Elle conteste notamment une clause autorisant l’administration à refuser la communication d’un document parce que celle-ci porterait atteinte « de façon générale aux secrets protégés par la loi ». Depuis lors, Paris a corrigé son texte mais n’a pas prévu, dans l’hypothèse d’une décision implicite de rejet, une disposition obligeant les pouvoirs publics à fournir, dans les deux mois, les motifs de ce refus. La Commission s’appuie sur cette lacune pour justifier sa position.
Trois autres législations donnent lieu à un premier avertissement. L’une concerne une directive de 1990 sur les organismes génétiquement modifiés, dont la transposition a été jugée incomplète par la Cour le 27 novembre 2003, notamment parce qu’elle assure mal l’information du public et qu’elle ne couvre pas certaines utilisations confinées relevant du ministère de la défense. Les deux autres directives portent sur le déversement de substances dangereuses dans l’eau (arrêt du 12 juin 2003) et sur les déchets des véhicules hors d’usage (arrêt du 1er juillet 2004).
Thomas Ferenczi
Journaliste pour « Le Monde »
P.S. :
ARTICLE PARU DANS L’EDITION DU 14.01.05