Réponse au courrier du Syndicat FO Pénitentiaire

Le Syndicat National Pénitentiaire FORCE OUVRIÈRE a décidé d’écrire à tous les candidats à l’élection suprême.

Vous pouvez retrouver leur appel ici, et la réponse d’Eva Joly ci-dessous

 

Réponse d’Eva Joly

Chère Madame, Cher Monsieur,

J’ai été très attentive au courrier que vous m’avez fait parvenir et au mouvement social en cours chez les personnels de surveillance.

L’administration pénitentiaire souffre de sa pauvreté. L’augmentation importante de son budget n’a fait que répondre à l’ouverture de nouveaux établissements pénitentiaires. Dans tous les établissements et tous les services, le manque de moyens et de personnels se fait sentir. La RGPP, le transfert des missions d’extraction, l’augmentation des obligations administratives alourdissent un peu plus le travail des personnels. Nous souhaitons l’arrêt de la RGPP. De même, la fuite en avant sur la multiplication des places de prison, pour une administration qui n’a pas les moyens de gérer convenablement l’existant doit être interrompue. Il faut un moratoire sur la construction de nouvelles places de prison et la poursuite de l’augmentation du budget et du nombre de personnels. Nous souhaitons également mettre fin aux dérives constatées par la multiplication des partenariats public-privé, aboutissant à des délégations de plus en plus importantes au secteur privé, à une limitation des marges d’action de l’état et à une privatisation rampante de l’administration pénitentiaire.

On ne peut transiger avec la reconnaissance des droits fondamentaux et de la dignité de tout individu, même incarcéré. Certains établissements sont trop vétustes, il faudra les remplacer. Les nouveaux établissements, quant à eux, restent trop souvent déshumanisés. L’architecture pénitentiaire ne doit pas seulement prendre en compte les impératifs de garde, mais doit également permettre un environnement humain propice au travail sur la réinsertion des détenus et à la sécurité des personnels. De même, nous sommes pour une meilleure prise en compte de certains droits des détenus (santé, liens familiaux, éducation, droit de vote), tout en insistant sur la nécessité de mieux prendre en compte le vécu de l’ensemble des personnels avant de modifier le droit.

Pour nous, la réinsertion doit être au cœur du projet de chaque peine. Mais une politique de réinsertion ambitieuse nécessite des moyens conséquents. Nous souhaitons tout d’abords une vigoureuse politique d’aménagement, notamment pour les courtes peines. Trop de détenus se retrouvent incarcérés pour des périodes trop brèves pour qu’une quelconque action soit entreprise. Nous souhaitons développer la justice réparatrice et mettre fin aux peines planchers.

Pour les personnes incarcérées, la prison doit être un lieu pour un parcours individualisé de réinsertion. Il faut qu’un travail, une formation ou un enseignement puissent être proposés à chaque détenu, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui (malgré l’obligation légale d’activité). Il faut également développer des parcours de soin, notamment concernant l’alcoolémie et la toxicomanie, sources directes ou indirectes d’une part importante des incarcérations. Cela nécessite des moyens, et non d’incriminer les personnels pénitentiaires.

De toutes les administrations, l’administration pénitentiaire est peut-être celle qui a le plus évolué ces trente dernières années. Sur ces trois décennies, les nombres de détenus et de places de prison ont doublé, la prison s’est ouverte et le métier s’est radicalement transformé. Il faut enfin que les gouvernants reconnaissent aux personnels d’avoir su répondre à ces évolutions. De même, la mission fondamentale des personnels doit être mieux reconnue par la société.

Enfin, il faut que soit justement reconnue la dangerosité du métier de surveillant pénitentiaire. Les risques doivent être mieux prise en compte, notamment pour les droits à la retraite et les rémunérations. La question du logement en Ile-de-France pour les fonctionnaires nécessite enfin d’être prise en compte. La formation initiale et continue, indispensables pour répondre aux évolutions des métiers pénitentiaires, doit évoluer et être renforcée.

Je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes salutations distingué

Eva Joly

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