Projet d’observatoire de la récidive des infractions pénales.

Cher(e)s Ami(e)s,

Dans la perspective de la discussion de la proposition de loi sur la récidive des infractions pénales, qui se déroulera à l’Assemblée nationale cet automne, et dans le suite de ce que j’ai pu proposer dans différents médias en juin et en juillet dernier, je vais demander une audience au Garde des Sceaux pour lui proposer d’inclure dans le projet de loi la création d’un « observatoire de la récidive » (voir document attaché). J’ai pu déjà en discuter avec M. Laurent Ridel, conseiller technique du Garde des Sceaux chargé des questions pénitentiaires et avec M. Patrice Molle, Directeur de l’administration pénitentiaire.

Ce document sera aussi adressé à M. Philippe Mettoux, conseiller du premier Ministre pour la Justice, ainsi qu’à un certain nombre de parlementaires appartenant à l’opposition comme à la majorité.Si vous trouvez opportun ce projet d’amendement, merci de le faire savoir par les moyens que vous jugerez les plus efficaces.


CENTRE D’HISTOIRE SOCIALE DU XXe siècle, UMR CNRS 8058

Projet d’Observatoire de la récidive des infractions pénales

Dans la perspective de la discussion de la proposition de loi sur la récidive des infractions pénales, qui se déroulera à l’Assemblée nationale cet automne, nous préconisons la création d’une structure légère, peu coûteuse, placée auprès du ministre de la Justice, sur le modèle de la Commission de suivi de la détention provisoire créée dans le cadre de la loi n°2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et des droits des victimes (Art. 72). Rappelons que cette commission est constituée de deux représentants du Parlement, d’un magistrat de la Cour de cassation, d’un membre du Conseil d‘Etat, d’un professeur de droit, d’un avocat et d’un représentant de la communauté scientifique.
Aidé d’un secrétariat scientifique permanent, disposant d’un minimum de moyens administratifs, l’observatoire de la récidive pourrait mobiliser, pour remplir sa tâche, les compétences des directions du Ministère de la Justice les plus directement concernées : Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG), Direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ), Direction de l’Administration pénitentiaire (DAP) et Direction de l’administration générale et de l’équipement (DAGE), sans oublier le Service des affaires européennes et internationales (SAEI). L’observatoire devrait aussi avoir les moyens de procéder à des visites et ou à des auditions afin de mobiliser toutes les compétences acquises par les acteurs de terrain ou par les chercheurs, en France ou chez nos partenaires européens.

Douze objectifs

-1/ Centraliser les données existantes sur le sujet : données juridiques, données statistiques et analyses du phénomène dans le cadre des différentes disciplines concernées : sciences du droit, sciences sociales, sciences du psychisme (travaux menés en France, dans les autres pays du Conseil de l’Europe, dans les pays d’autres continents).
Le corpus ne devrait pas se limiter à la définition, à la mesure de la récidive et l’étude des conditions du nouveau passage à l’acte, mais devrait naturellement inclure, en amont, la question du prononcé des mesures et sanctions pénales (MSP), les conditions juridiques et sociologiques de leur application (aménagement) en milieu fermé comme en milieu ouvert, les conditions juridiques et sociologiques de fin de placement sous main de Justice.

-2/ Accorder une attention toute particulière aux productions du Conseil de l’Europe en la matière et en particulier du Conseil de coopération pénologique (recommandations et autres travaux) et des autres instances internationales..

-3/ Mettre cette information à disposition (site internet).

-4/ Actualiser en permanence cette base documentaire.

-5/ Développer des outils pédagogiques permettant de synthétiser les informations les plus importantes issues de cette base documentaire pour les rendre lisibles par le plus grand nombre (services de la Chancellerie et autres départements ministériels, Parlement, acteurs de la justice pénale, syndicats, associations, médias) : notes techniques, synthèses, comparaisons entre MSP, entre aménagements, comparaisons internationales, etc. Ce travail exigerait évidemment une grande rigueur scientifique afin que ces outils puissent servir de référence à tous, quelle que soit leur sensibilité idéologique.

-6/ Assurer une fonction de veille concernant les cas de récidive, qui justifient, de par leur gravité et leur médiatisation, une information à chaud, rapide mais objective, de nos concitoyens. Approfondir l’étude de ces cas, au delà de la période d’intérêt politico-médiatique. Examiner a posteriori leur traitement médiatique afin d’améliorer les modes de communication des pouvoirs publics et des scientifiques. Un tel travail devrait naturellement associer des professionnels de l’information.

-7/ Aider à la construction des programmes – et à leur mise en oeuvre – de formation initiale et continue, sur la question, dans les écoles relevant du Ministère de la Justice : Ecole nationale de la magistrature (ENM), Ecole nationale d’administration pénitentiaire (ENAP), Centre de formation de la protection judiciaire de la jeunesse. Il ne pourrait s’agir ici que de propositions et de mises à disposition de ressources dans le respect de la compétence des écoles à déterminer contenus et méthodes d’enseignement.

-8/ Participer à l’élaboration de nouveaux instruments statistiques au sein du Ministère de la Justice, assurant une production régulière sur le sujet. Là encore, il ne s’agit pas de se substituer aux services compétents, mais d’être un lieu de réflexion, une force de proposition et de mobilisation de moyens.

-9/ Mobiliser la communauté scientifique, dans toute sa diversité, sur ces questions, afin qu’elle apporte sa contribution à l’élaboration de nouveaux programmes de recherches pluridisciplinaires qui devraient être pilotés et financés par la mission de recherche « Droit & Justice ».

-10/ Faciliter la coopération avec nos partenaires européens, pour une meilleure connaissance des systèmes juridiques, des pratiques (« bonnes » ou « mauvaises ») et des résultats du traitement de la récidive, coopération qui devrait aussi inclure la réalisation d’enquêtes, en parallèle, reposant sur des méthodologies identiques (du moins compatibles entre elles).

-11/ Rédiger un rapport annuel, largement diffusé (conférence de presse et internet) rendant compte des avancées concernant les objectifs définis supra.

-12/ On pourrait aussi y trouver des recommandations de toutes natures, susceptibles d’améliorer le traitement de la récidive des infractions pénales.

L’une des retombées pratiques attendues de la mise en place d’un tel observatoire pourrait être de permettre au Ministère de la Justice d’inclure, parmi les objectifs qu’il devra définir – et quantifier – chaque année par application de la Loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 (LOLF) la prévention de la récidive. A ce jour, cet objectif fondamental de la Justice pénale n’a été retenu ni parmi les six objectifs de la « Justice judiciaire », ni parmi les sept objectifs de « l’administration pénitentiaire ». Seul la « protection judiciaire de la jeunesse » l’a intégré à ses sept objectifs [1].

Paris, le 3 août 2005
Pierre V. Tournier
Directeur de recherches au CNRS
Université Paris 1.Panthéon Sorbonne
Ancien président de l’Association française de criminologie

Notes

[1] Point 6. « Prévenir la réitération et la récidive », indicateur : « part des jeunes pris en charge au pénal qui n’ont ni récidivé ni réitéré dans l’année qui suit la clôture de le mesure ». Réf. Rapport sur l’évolution de l’économie nationale et sur les orientations des finances publiques, tome 2., présenté au nom de M. Dominique de Villepin, premier Ministre, juin 2005, pp. 41-42.


P.S. :
Courrier à adresser : c/o Pierre V. Tournier, 43, rue Guy Môquet 75017 PARIS
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