Principales actions « militantes » exercées devant les juridictions administratives

Un élu de l’opposition peut difficilement exercer pleinement son entier mandat sans avoir à s’interroger à un moment ou un autre, sur l’exercice des recours dont il peut disposer lorsque, sur tel ou tel dossier, le débat n’a pas permis de faire entendre la voix d’une certaine raison, et que l’on peut considérer que la Collectivité a franchi, délibérément ou non, les limites de la légalité[ la volonté de l’administration de franchir les limites de la légalité ne fait plus guère de doute lorsqu’elle ne tient pas compte d’un précédent jugement et reprend la même décision malgré l’illégalité de fond dont était entachée : En reprenant avec la même motivation un acte annulé pour illégalité de fond à la demande de l’association de défense requérante et en la contraignant à intenter un nouveau recours contentieux avant de le rapporter, l’Administration a directement fait obstacle à l’accomplissement de son objet statutaire et a porté à sa considération une atteinte de nature à engendrer le préjudice moral dont elle se prévaut. Le préjudice moral de l’association est évalué à 1 F. Trib. admin., Versailles (3e Ch.), 21 novembre 1986
ASSOCIATION POUR LA DEFENSE DE LA QUALITE ET DU CADRE DE VIE DU VILLAGE DE LESIGNY Gaz. Pal., Rec. 1987, somm. p. 441]] .

La saisine du juge administratif peut devenir alors inévitable, et constituer la seule possibilité pour l’élu minoritaire de sortie d’un dossier qui a pris une mauvaise tournure [[Sur le plan pénal, l’article [432-1 du Code Pénal
relatif aux « abus d’autorité dirigés contre les administrations » par des personnes exerçant une fonction publique dispose néanmoins que « Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique, agissant dans l’exercice de ses fonctions, de prendre des mesures destinées à faire échec à l’exécution de la loi est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende » : il s’agit ici donc d’une forme de contrôle pénal de légalité qui incombe au Juge Pénal à la condition toutefois qu’il ait été saisi par le Préfet ou par le Parquet]].

Ces recours en justice sont également parfois les ultimes moyens des militants et des groupes locaux, dans le cadre d’une démocratie participative bien comprise, de faire entendre leur voix dans les dossiers locaux manifestement mal solutionnés par les administrations en place, de faire respecter des droits qui leur auraient été refusés [La presse locale qui se refuse fréquemment à relayer des simples communiqués d’élus ou de groupes locaux s’intéressera plus volontiers à une problèmatique ayant fait l’objet d’un recours, voire d’une décision de justice déjà rendue. Pour autant, l’action en justice est encore aujourd’hui considérée comme suspecte par certains militants qui considèrent qu’une action politique digne de ce nom s’exerce soit dans les urnes, soit dans la rue, mais non dans les prétoires, lesdits prétoires étant considérés comme les lieux d’une justice dont ils estiment ne pas avoir à s’approprier]].

Pour certaines majorités, franchir délibérément le pas de l’illégalité n’est pas obligatoirement un problème majeur : elles spéculeront notamment sur le fait que l’opposition n’osera pas aller en justice, que la durée de la procédure sera telle que le problème aura pu être ainsi provisoirement décalé dans le temps, que politiquement, la population ne sera pas nécessairement du côté de l’interprétation du Juge s’il condamne la Commune, etc …

Dans ce contexte, il faut considérer également que les recours en justice peuvent parfois connaître des issues prévisibles et évidentes, tenant notamment au fait que la question a déjà été tranchée en termes identiques dans de nombreux cas similaires. Mais d’autres toutefois peuvent comporter des aléas, notamment lorsque le point de droit soulevé par l’élu n’a pas fait encore l’objet d’une jurisprudence claire, précise, et homogène fixant les règles d’interprétation et d’application des textes de façon incontestable pour le type de cas soumis. Des questions de preuve, de régularité formelle de procédure peuvent aussi compromettre l’issue des contentieux « militants ». Ceux-ci ne sont pas alors dépourvus d’un certain risque politique mais aussi financier.

Il peut être intéressant de faire ici un rapide tour d’horizon, nécessairement synthétique, des principaux types de recours des militants et des élus locaux [1].

Le contentieux de l’élection

Le contentieux de l’annulation de l’élection locale, comme celui relatif à la régularité du compte de campagne relèvent de la juridiction administrative: voir fiche pratique No 34.

Par contre, les questions concernant l’inscription sur la liste électorale, et la radiation de celle-ci, ressortissent à la compétence de la juridiction judiciaire, plus spécialement du Tribunal d’Instance : voir fiche pratique No 65.

L’accès des militants et des élus aux documents administratifs communicables

L’accès à l’information et aux documents administratifs est un des points les plus sensibles de l’action militante, et sans documents, ni preuves de ses allégations, un élu, un militant risque de perdre toute crédibilité politique, et de commettre des erreurs d’appréciation importantes dans les dossiers. Certaines collectivités décident de faire « de la résistance » et de refuser l’accès aux documents communicables.

Outre les autres recours dont il peut éventuellement disposer pour accéder à un dossier soumis à une prochaine délibération, l’élu minoritaire sera éventuellement amené à saisir, comme le ferait tout citoyen, la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (C.A.D.A.), puis le Juge Administratif de contentieux d’accès aux documents administratifs dans les termes du droit commun : Voir fiche pratique No 11 sur la procédure d’accès aux documents communicables et Voir fiche pratique No 77 sur une liste non exhaustive de documents communicables par une collectivité territoriale .

Le déféré préfectoral sur demande

A défaut d’engager eux-mêmes une action contentieuse, un élu, un militant peuvent inviter le Préfet à le faire.

Au titre de sa mission de contrôle de légalité, le Préfet peut être invité par l’élu, ou par une association intéressée, à déférer une décision prise par ou au nom de la Commune ( L 2131-6 du Code Général des Collectivités Territoriales). La demande de déféré adressée au Préfet proroge le propre délai d’action du requérant si celui-ci dispose d’une telle action : voir fiche pratique : déféré sur demande fiche pratique No 87 .

Les recours des militants et élus exercés par le truchement d’une association de défense

Lorsque la décision contestée par l’élu n’est pas une délibération du Conseil Municipal qu’il puisse donc contester en sa seule qualité d’élu, ni en celle de contribuable de la Commune, du Département ou de la Région, celui-ci peut exercer un recours administratif en s’inscrivant dans la démarche d’une association de défense, qui le cas échéant, aura été constituée spécialement pour le dossier, et dont les statuts seront en adéquation avec l’objet de la demande [Cette action devant la juridiction administrative ne doit pas être confondue avec les actions des associations devant les juridictions pénales qui sont subordonnées à un « agrément » de l’association. Ces actions nécessitent par ailleurs un agrément particulier : c’est le cas des demandes de suppressions des clauses illicites dans les modèles de contrats qui ne peuvent être engagées que par les associations de consommateurs inscrites sur la liste des association spécialement agréées : [art L 421-4 du Code de la Consommation. voir également pour l’action en suppression des clauses abusives : L 421-6; pour l’action en représentation conjointe : L 422-1 :« Lorsque plusieurs consommateurs, personnes physiques, identifiés ont subi des préjudices individuels qui ont été causés par le fait d’un même professionnel, et qui ont une origine commune, toute association agréée et reconnue représentative sur le plan national en application des dispositions du titre Ier peut, si elle a été mandatée par au moins deux des consommateurs concernés, agir en réparation devant toute juridiction au nom de ces consommateurs.
Le mandat ne peut être sollicité par voie d’appel public télévisé ou radiophonique, ni par voie d’affichage, de tract ou de lettre personnalisée. Il doit être donné par écrit par chaque consommateur »
. Par ailleurs, les associations de consommateurs agréées peuvent agir devant le Conseil de la Concurrence afin de voir sanctionner les pratiques illicites : voir notamment dans le domaine de l’eau potable et de la passation des marchés publics des collectivités territoriales : Conseil de la Concurrence, 3 novembre 2005, fichier PDF ci-contre)]].

Les associations pourront contester devant les Tribunaux de nombreuses décisions administratives. Il en est ainsi par exemple des permis de construire, lesquels étant accordés par le Maire, ne sont pas des décisions du Conseil Municipal qu’un élu puisse directement contester devant le Juge Administratif, alors que l’association de défense sera recevable à le faire, dès lors que l’action est conforme à son objet statutaire [ [C.E. 24 octobre 1997, sci du hameau de piantarella. A souligner que depuis une Loi du 13 juillet 2006, les statuts de l’association doivent dans ce domaine avoir été déposés en Préfecture avant la demande d’autorisation : article L 600-1-1 du Code de l’Urbanisme. Pour les autres recours, il n’est pas nécessaire que l’association soit déclarée lorsqu’elle agit en recours pour excès de pouvoir : Conseil d’Etat, Assemblée, 31 octobre 1969, Syndicat de défense des canaux de la Durance ]] .

Les statuts doivent être rédigés avec soin car ils peuvent dans certains cas limiter, restreindre voir empêcher le succès d’une action en justice. La rédaction de l’objet statutaire est importante et sensible. Il sera modifié dans les meilleurs délais en cas d’ambiguité ou d’insuffisance sur tel ou tel problème que l’on voudrait voir appréhender par l’association. La rédaction des attributions et compétences du Président sont également très importantes : il faut qu’il puisse agir rapidement sans autorisation particulière pour que les chances soient du côté de l’association [idéalement, un élu, un groupe local peuvent avoir déposé en Préfecture les statuts d’une ou plusieurs associations 1901 ayant des objets et des domaines qui recouvrent l’ensemble des questions politiques qui sont localement en jeu de telle sorte que ces associations déclarées et disposant à ce titre de la « personnalité morale » et d’un « intérêt à agir » spécifique puissent intervenir dans les dossiers en leurs noms aux côtés, voire même aux lieux et place des personnes physiques, lesquelles ne disposent d’aucun intérêt à agir au sens juridique et procédural du terme ; rejetant compte tenu de ses statuts, l’action de la fédération nationale des élus socialiste et républicain pour contester les règles du nouveau code des marchés publics : [C.E. 23 février 2005, Localjuris ]].

L’association dispose non seulement d’un recours en annulation des décisions irrégulières des administrations, mais également d’un recours indemnitaire, notamment lorsque l’administration a manqué à son obligation d’assurer le respect des lois dans le domaine qu’elle défend : jugé ainsi qu’une association qui a pour objet, en général, la défense de l’environnement, et en particulier, la défense des intérêts matériels et moraux des résidents d’une commune, est recevable et fondée à demander réparation du préjudice moral résultant de l’atteinte portée aux intérêts qu’elle s’est donnée mission de défendre.
L’administration, qui a manqué à son obligation d’assurer le respect de la législation sur les installations classées par une fonderie qui, pendant une très longue période, a été à l’origine de nuisances importantes, a commis une faute de nature, à elle seule, à engager la responsabilité de l’Etat à l’égard de l’association : Cour administrative d’appel de Paris (1re Ch.), 29 décembre 1992
ASSOCIATION DE DEFENSE DE LA QUALITE DE LA VIE A BONDY ET AUTRES.

Le recours des militants et élus exercé par le truchement de la Commission Européenne

En cas de violation des régles du droit européen par un Etat, notamment en raison de l’absence de transposition d’une directive dans les délais prévus par celle-ci, tout citoyen peut, outre les démarches éventuelles qu’il exercera dans son pays, adresser directement une plainte par courrier adressé au Secrétariat Général de la Commission des Communautés européennes, B-1049 Bruxelles
BELGIQUE:
http://ec.europa.eu/community_law/complaints/form/index_fr.htm [Le terme français de plainte ne convient qu’imparfaitement, et il faudrait peut-être plutôt parler ici d’une démarche de dénonciation, car la personne n’est pas partie à l’instance, ni même nécessairement une « victime » directe du manquement invoqué, et elle n’a donc pas à justifier d’une qualité personnelle à agir dans ce type de démarche, puisque la procédure en manquement contre l’Etat sera menée non par le plaignant mais par la Commission elle-même, si celle-ci décide de se saisir d’office d’une poursuite pour manquement de l’Etat à ses engagements internationaux]].

La Commission Européenne engagera alors les poursuites devant la Cour de Justice de la Communauté Européenne afin d’obliger l’Etat récalcitrant à se conformer aux règles que le militant voulaient voir appliquer.

En ce qui la concerne, la France qui est souvent très en retard en matière de protection de l’environnement et de la santé publique a fait l’objet de sanctions pécuniaires pour non-transposition de directives, notamment dans le domaine de l’environnement : voir ainsi, dans le domaine de la surveillance des eaux d’assainissement, la [fiche pratique No 108 [Les juridictions françaises peuvent par ailleurs être saisies dans le cadre d’un contentieux interne, d’une demande de question préjudicielle relative aux règles du droit Européen : voir notamment en [matière de directives européennes relatives aux discriminations sur le sexe, la religion, les origines, la fiche pratique No 192; sur les retards de la France dans la transposition de la Directive 90/219/EEC du 23 avril 1990 relative à l’utilisation confinée de micro-organismes génétiquement modifiés, voir la fiche pratique No 106. Le 12 juillet 2005, en matière de pêche, concernant la taille des merlus, la CJCE à condamné la France (Commission c. République Française, C-304/02) à payer une amende forfaitaire de 20 000 000 € constituant la plus forte amende jamais infligée à un État membre, étant précisé que le manquement avait été constaté dès 1991 ]].

La demande adressée à un fonctionnaire ou une autorité d’aviser le Parquet d’un délit dont ils ont connaissance par leurs fonctions

L’élu local, le militant peuvent demander à un fonctionnaire ou à une autorité d’aviser le parquet des délits dont ils ont la connaissance dans le cadre de leurs fonctions.

Le refus du fonctionnaire ou de cette autorité seraient entachés d’illégalité, s’agissant pour eux d’une obligation légale, dont le juge administratif peut être saisi en cas de difficulté : voir fiche pratique No 78.

La demande de mesures d’instruction devant le Juge administratif des référés

Le juge des référés peut être saisi avant tout procès, afin d’ordonner des mesures d’instruction, notamment de constat ou d’expertise, en application de l’article R532-1 du Code de Justice Administrative [anciennement R 128 du Code des Tribunaux Administratifs]].

Toutefois, élus et militants agissent assez rarement directement en demande de mesures de constat ou d’expertise, car la règle est très généralement que c’est la partie demanderesse à la mesure d’instruction qui fait l’avance des frais de la mesure ordonnée. Il est certes entendu, que dans un second temps, le demandeur pourra solliciter une décision du Tribunal sur la charge définitive de ces frais. Mais devoir pré-financer une expertise parfois coûteuse peut être dissuasif, et c’est la raison pour laquelle, il est généralement préféré de rechercher d’autres voies pour faire la preuve de faits litigieux [[la partie demanderesse à l’expertise pouvant toujours se désister de sa demande à tout moment, le désistement de cette partie en cours d’instance et d’expertise a pour effet mécanique de conduire le juge des référés à mettre fin à l’expertise ordonnée, sauf le cas où l’expertise serait sollicitée par d’autres parties, et donc à leurs frais avancés. Par ailleurs, rien n’empêche les parties de rechercher et trouver un accord directement entre elles sur le préfinancement des frais, l’arrêt Mergui ([C.E. 19 mars 1971 No 79962)
aux termes duquel une collectivité ne peut payer une somme qu’elle ne doit pas n’étant pas applicable à des sommes que la collectivité doit dans le cadre d’un accord régulier et valablement conclu en cours d’instance]].

Le recours de l’élu/militant en sa qualité d’usager du service public et en « appréciation de la légalité » d’un réglement administratif : exemple de la tarification des services publics locaux

Le contentieux des tarifs des services publics industriels et commerciaux, qu’ils soient exercés en régie ou confiés à un délégataire constitue un terrain d’affrontement politique et idéologique majeur.

Le droit français comporte un principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, qui emporte que les juridictions judiciaires compétentes dans les relations entre l’usager et le service délégué, ne peuvent, en principe, se prononcer sur la légalité d’un acte réglementaire ou individuel de l’administration.

La demande en « appréciation de légalité » est formulée dans le cadre d’un litige de droit privé qui peut opposer notamment, un élu en sa qualité d’usager d’un service public et le service public en question. Ce pourra être le cas dans le cadre par exemple d’un contentieux sur les tarifs d’un service public à caractère industriel et commercial [Pour une appréciation de la légalité d’une disposition jugée abusive par le client du service de distribution de l’eau: [C.E. 11 juillet 2001 Société des eaux du Nord ; pour la contestation du règlement fixant le tarif de redevance d’enlèvement des ordures ménagères : C.E. 25 juin 2003 Communauté de Communes de Chartreuse-Guiers]].

Bien que relevant du droit privé, et donc des juridictions civiles (Juge de Proximité, Tribunal d’Instance, etc..), le litige peut poser une question de droit administratif dont dépendrait sa solution. Par exemple, une partie peut contester la légalité du règlement de ce service public, ledit règlement constituant un acte administratif dont seule la juridiction administrative peut apprécier la légalité.

Le juge judiciaire, pour trancher le litige, invitera préalablement la partie la plus diligente à saisir le juge administratif d’une demande d’appréciation de la légalité du réglement administratif.

La demande en indemnisation des fautes commises par les pouvoirs publics et les services publics

L’administration et ses mandataires engagent a priori leur responsabilité pour les fautes qu’ils commettent. Ces fautes l’obligent à réparer le préjudice qui a été subi.

Un type d’action militante « non-violente » particulièrement efficace est l’action conduite paradoxalement par un individu seul réclamant le préjudice qu’il a subi du fait d’une faute du service public, et ce, alors que de nombreuses autres victimes pourraient se prévaloir de la même faute pour solliciter également réparation d’un préjudice comparable. Un exemple topique en est fourni dans l’actualité par l’action un temps victorieuse visant le « service public industriel et commercial » assurant sous l’occupation nazie le transport des déportés. Cette action conduite par des déportés a conduit dans un premier temps, le Tribunal administratif de Toulouse à condamner l’Etat et la SNCF pour ces transports : Tribunal Administratif d’Orléans, 6 juin 2006, Lipietz contre Etat et SNCF réformé par un arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux du 27 mars 2007 confirmé par un arrêt du Conseil d’Etat en date du 21 décembre 2007 [voir notamment les brèves de [citron vert Concernant cette affaire, qui devrait, selon le Conseil d’Etat, être jugée par les juridictions civiles, il reste à savoir ce que celles-ci jugeront sur ce point, et en cas de désaccord, ce sera le Tribunal des Conflits qui décidera en dernière analyse si l’affaire relève de l’ordre judiciaire ou administratif ]].

Lorsque la brèche est ouverte, les autres victimes peuvent se prévaloir de la jurisprudence obtenue par l’action initiale, celle-ci ayant ainsi permis de faire avancer la cause collective de l’ensemble du groupe.

L’action en justice est précédée d’une démarche de demande de réparation financière faite à l’administration par lettre recommandée avec avis de réception. Cette demande doit intervenir dans un délai qui expire le 31 décembre de la quatrième année suivant le dommage[Le point de départ du délai est prorogé dans les cas où la victime a été empêchée d’exercer son recours]] .

A la différence de la plupart de celles citées dans la présente fiche pratique, la suite de la procédure devant le Tribunal Administratif doit néanmoins être conduite obligatoirement par un avocat.

Ce type de recours nécessite pour le demandeur de traduire en une réclamation financière une démarche militante qui va au delà de cet aspect purement financier. Toutefois, du strict point de vue de la recevabilité du recours en justice, la souffrance physique comme psychique, la privation d’une liberté fondamentale ou d’une liberté politique devra se traduire sous la forme d’une expression chiffrée en monnaie.

La requête en annulation ou en abrogation des délibérations illégales du Conseil Municipal, Général, Régional

Le recours des élus municipaux à l’encontre des délibérations du Conseil Municipal, en cette seule qualité d’élu, est aujourd’hui admis sans difficultés particulières :

« les membres d’un conseil municipal justifient en cette seule qualité d’un intérêt à attaquer les délibérations de ce conseil, même sans se prévaloir d’une atteinte portée à leurs prérogatives « ;
[Cour Administrative d’Appel de Bordeaux, 12 novembre 2003
.

Sauf prorogation du délai, (voir ci-dessus : déféré sur demande) l’action en annulation d’une délibération doit être engagée dans le délai de 2 mois de la délibération pour l’élu qui la conteste. Pour les tiers, l’action devra avoir été engagée dans les deux mois de la publication, et donc, généralement, de l’affichage.

Toutefois, le délai du recours en annulation étant expiré, reste que le refus du Conseil Municipal d’abroger une délibération illégale est lui-même susceptible d’être annulé par le Juge administratif, étant rappelé que l’autorité compétente, saisie d’une demande tendant à l’abrogation d’un règlement illégal, est tenue d’y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l’illégalité résulte de circonstances de fait ou de droit postérieures à cette date [pour un refus illégal d’abroger la décision d’apposer un crucifix dans la salle du Conseil Municipal portant ainsi atteinte à la liberté de conscience: [C. admin. app., Nantes,3e Ch., 4 février 1999 ASSOCIATION CIVIQUE JOUE LANGUEURS. Pour le refus illégal d’abroger une délibération entachée de détournement de pouvoir : C.E. 21 janvier 1991, Pain ; pour un exemple de demande d’abrogation du règlement intérieur du Conseil Municipal voir : fiche pratique No 94 ]].

Lorsque le Juge administratif fait droit à la demande d’annulation, il prescrit, le cas échéant, à l’administration de prendre une mesure déterminée assurant l’exécution de la décision dans un délai fixé, le cas échéant sous astreinte[ [art. L 911-1 du Code de Justice Administrative et L 911-2 du même code .]].

Ces recours peuvent en cas d’urgence, avoir été accompagnés d’une demande de « référé suspension » lorsque que l’un des moyens soulevé est de « nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée«  .

Les recours militant-élus en leur qualité de contribuables de la Commune, du Département, de la Région

Un militant, un élu sont généralement contribuables de la Commune, du Département ou de la Région, et il peuvent à ce titre contester devant le juge administratif toute décision qui a des implications financières directes sur les budgets de la Commune, du Département, de la Région. C.E. 4 juillet 1997, région Rhônes Alpes ; C.E. 30 septembre 1994, G… ;

Ils peuvent en outre exercer le recours ouvert aux contribuables tendant à se faire autoriser à agir aux lieux et place de la Commune, du Département ou de la Région lorsque ceux-ci refusent ou négligent de le faire, alors que le recours présente des chances de succès : Voir fiche pratique No 12.

Le recours urgent de l’élu en « référé libertés fondamentales »

Si l’élu estime qu’il est porté une « atteinte grave et manifestement illégale » à une de ses libertés fondamentales, et notamment à la « liberté d’exercice du mandat d’élu » qui appelle des mesures urgentes il peut agir sur cette base devant le Juge des Référés qui statue dans les 48 heures : fiche pratique No 16.

Dans le même ordre d’idée, concernant les situations d’urgence justifiées, on peut également citer le référé « mesures utiles » de l’article L 511-3 du Code de Justice Administrative
[ [Tribunal Administratif de Papeete 19 janvier 2003 association Heijura Les Verts]].

En conclusion, les risques et les bénéfices d’une action en justice devant la juridiction administrative ?

En exerçant un recours devant la juridiction administrative, le requérant s’expose en cas d’échec total ou même partiel de sa procédure, à devoir en application de l’article L 761-1 du Code de Justice administrative payer à la partie adverse une indemnité fixée par la juridiction au titre des frais qu’aura, le cas échéant, exposé celle-ci pour sa défense, et donc essentiellement ses frais d’avocat [Une collectivité publique qui n’a pas eu recours au ministère d’avocat ne saurait présenter une demande au titre de ses frais, en se bornant à faire état d’un surcroît de travail pour ses services et sans se prévaloir de frais spécifiques exposés par elle en indiquant leur nature : [C.E. 3 novembre 1999, Ministre délégué au Budget. Dans la pratique, concernant les frais d’avocat dont le remboursement est demandé par l’avocat de l’administration, il faut examiner avec soin les conditions d’engagement de ceux-ci et de la présentation de cette demande reconventionnelle : décision de désignation de l’avocat par l’administration, décision de l’administration de présenter une demande reconventionnelle, caractère exécutoire de ces décisions, et donc transmission en préfecture de celles-ci, etc]].

Le risque financier est donc plus grand quand l’action est dirigée à l’encontre d’une décision qui peut, tel un arrêté de permis de construire, faire naître des droits au profit d’un tiers, lequel aura exposé des frais dont il demandera remboursement [En ce sens, il y a moins de risque financier à contester un règlement d’urbanisme illégal (Plan Local d’Urbanisme par exemple) plutôt qu’une décision individuelle prise en application de ce réglement illégal; il ne faut pas non plus négliger, face à certains titulaires de permis de construire, le risque de voir ceux-ci agir à rebours et parrallèlement devant la juridiction civile en « dommages et intérêts » en arguant d’un abus du droit d’agir en justice..]].

Le requérant peut s’exposer en outre à être condamné par la juridiction à une amende pour « procédure abusive » en application de l’article [R 741-12 du Code de Justice Administrative
aux termes duquel : « le juge peut infliger à l’auteur d’une requête qu’il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3.000 €uros »[L’amende pour procédure abusive est, comme son nom l’indique, une amende et ne doit pas être confondue avec l’indemnité de « dommages et intérêts » pour procédure abusive, ou malicieuse, qui est prononcée par les juridictions civiles, et qui n’a pas, sous cette forme, d’équivalent connu devant les juridictions administratives]].

De ce qui précède, il ressort que les risques financiers dépendent de plusieurs facteurs :

  • les risques d’insuccès de chacune des demandes formulées puisqu’il faut avoir été débouté à tout le moins partiellement pour être condamné aux frais de l’adversaire
  • les pratiques des parties adverses quant au choix de prendre ou non un avocat : certaines administrations dont l’Etat ne prennent pas systématiquement d’avocat. Les risques de condamnations sont alors d’autant diminués.
  • la nature des actes constestés selon qu’ils peuvent ou non conférer des droits à des particuliers

Au regard de ces risques financiers, dont nous avons vu qu’ils peuvent être réduits en prenant quelques précautions, les bénéfices des recours peuvent être variés :


Guy Pécheu
(gpecheu@online.fr)






ANNEXE 1 : DEMANDE D’ANNULATION D’UNE DELIBERATION DU CONSEIL MUNICIPAL

« Monsieur le Maire,

Par délibération en date du .., le Conseil Municipal a pris la décision de ….
Cette délibération est entâchée d’illégalité au motif que (…).
C’est la raison pour laquelle, je vous invite à saisir le Conseil Municipal de ma demande tendant à la voir annuler.
Dans l’attente,[la demande d’annulation est présentée dans le délai de deux mois de la publication de la décision et tend à l’annulation rétroactive de l’acte, au contraire de la demande d’abrogation qui est faite à tout moment et qui tend uniquement à en voir cesser les effets pour l’avenir]] « 

ANNEXE 2 : DEMANDE D’ABROGATION D’UNE DELIBERATION DU CONSEIL MUNICIPAL

« Monsieur le Maire,

Par délibération en date du .., le Conseil Municipal a pris la décision de ….
Il est de règle en application notamment de l’article 3 [du Décret du 28 novembre 1983
sur les relations entre usagers et administrations, que l’autorité compétente, saisie d’une demande tendant à l’abrogation d’un règlement illégal, est tenue d’y déférer, soit que ce règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l’illégalité résulte de circonstances de fait ou de droit postérieures à cette date.
En l’espèce, cette délibération est entâchée d’illégalité au motif que (…).
C’est la raison pour laquelle, je vous invite à saisir le Conseil Municipal de la présente demande tendant à la voir abroger.
Dans l’attente, « 

ANNEXE 3

ANNEXE 4

Notes

[1] pour solliciter l’Aide Juridictionnelle gratuite, les renseignements et le formulaire à remplir sont accessibles sur le serveur du [Service Public.aide juridictionnelle

[2] Certains maires d’ailleurs déclarent assez ouvertement leur hostilité face à des lois républicaines, défiant les élus minoritaires de saisir les Tribunaux, en spéculant d’une part sur les lenteurs supposées des procédures, d’autre part sur le soutien hypothétique de la population, et enfin sur le fait que le Préfet ne jouera peut-être pas le rôle de contrôle qui est le sien : voir [fiche pratique No 87

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