Lutte contre le terrorisme.

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers.M. Noël Mamère – Mes propos risquent de détonner dans cette atmosphère de consensus. Les députés Verts considèrent en effet que ce projet de loi est dangereux et porte une grave atteinte aux libertés publiques. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Si nous sommes tous confrontés à la menace terroriste, nous divergeons sur les moyens d’y faire face. Dans le droit de fil de votre stratégie de tension et de peur, Monsieur le ministre d’Etat, votre projet a en effet délibérément choisi la voie du tout-sécuritaire. Vous faites de la surenchère alors qu’il suffirait d’appliquer les lois qui existent depuis vingt ans. Pourquoi aller chercher votre modèle dans un pays dont le « Patriot Act » tire parti des menaces terroristes pour porter atteinte aux libertés et remettre en cause le pacte fondateur de la société américaine que vantait Tocqueville ?

Vous proposez une loi de circonstance qui ne vise qu’à vous maintenir au sommet des sondages…

M. Nicolas Sarkozy, ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire – Envieux !

M. Noël Mamère – …et à vous permettre de labourer les terres de l’extrême droite, comme le fit en son temps M. Pasqua. Cette même politique spectacle en quête de sensationnel vous a conduit, lors de l’émission Pièces à conviction, à annoncer cinq jours à l’avance une opération antiterroriste. Pareille manipulation médiatique, Monsieur le ministre, est un jeu à haut risque. Vous devriez vous garder de cette tentation qui n’est pas à la hauteur de l’homme d’Etat que vous prétendez être.

M. le Ministre d’Etat – Grotesque !

M. Noël Mamère – Cette loi ne fait que tordre le cou à l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme, qui protège l’individu contre l’arbitraire de la puissance publique. Toutes les dispositions que vous proposez constituent de nouvelles atteintes aux libertés fondamentales, comme la liberté d’aller et de venir, le droit à l’intimité de la vie privée, et particulièrement le secret de la correspondance.

Votre prétendu dispositif de lutte contre le terrorisme et de prévention des attentats n’est en vérité qu’une opération d’affichage sans efficacité. Elle ne fait que renforcer l’inflation sécuritaire que vous avez déclenchée en 2002. N’oublions pas en effet que MM. Perben et Villepin ont respectivement démantelé notre code pénal et porté atteinte au statut de réfugié et de demandeur d’asile. Et que dire des projets en gestation – développement des moyens d’identification personnelle biométriques, élargissement du recours à la vidéo-surveillance dans les parties communes des grands ensembles pour prévenir la délinquance, ou encore transformation des travailleurs sociaux en indicateurs de la police ?

Si l’on ajoute à cet arsenal la prorogation pour trois mois de l’état d’urgence, il est manifeste que votre « rupture » n’a d’autre sens que le verrouillage, la peur, la tension, les divisions et la confessionalisation des rapports sociaux – bref l’instauration d’une société recroquevillée et policière, où la justice est cantonnée au statut d’auxiliaire et les libertés fondamentales considérées comme subsidiaires.

Alors que vous avez soumis la France à l’état d’exception, ce projet va pérenniser l’exceptionnel. Comment croire à vos clauses de « rendez-vous » quand les dispositions exceptionnelles de la loi « sécurité quotidienne » de 2001, soumises au même mécanisme, ont été pérennisées sans attendre l’expiration de la période d’évaluation ?

Monsieur le ministre d’Etat, imposer l’état d’exception permanent, c’est prendre le risque de rompre l’équilibre d’une société et de mettre en danger les valeurs de notre République pour de vulgaires surenchères politiciennes. Les députés Verts ne cautionneront donc pas cette course folle à la sécurité qui sape notre pacte républicain. Ils voteront contre ce texte, quoi qu’il leur en coûte devant une opinion anesthésiée. Car leur rôle est d’exercer, au même titre que vous, une parcelle de la souveraineté nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains ; protestations sur les bancs du groupe UMP)


P.S. :
La discussion article par article et les amendements défendus par Noël Mamère au nom des députés Verts se trouvent en ligne sur le site de Noël : www.noelmamere.org rubrique « A l’Assemblée » ou sur le site de l’Assemblée nationale : www.assemblee-nationale.fr rubrique comptes-rendus des débats séance des 23 et 24 novembre 2005 (colonne de gauche sur la page d’accueil).

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