Les Maghrébins davantage visés par les procédures d’outrage et rébellion.
PARIS (AFP) – Les procédures pour outrage, rébellion et violence sur des policiers aboutissent à une « discrimination irréfutable et systématique » des jeunes d’origine maghrébine, selon les résultats d’une étude dont l’AFP a pris connaissance vendredi.
Cette étude, « Quand les policiers vont au tribunal« , a été réalisée par le Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (Cesdip), unité mixte de recherche du ministère de la Justice et du CNRS. Les chercheurs ont examiné quelque 1.500 décisions de justice rendues entre 1965 et 2003 par une juridiction d’Ile-de-France.
Selon les conclusions de ce travail, disponibles sur le site du Cesdip, les données « relatives aux Maghrébins indiquent une discrimination irréfutable et systématique : plus d’emprisonnement ferme; un emprisonnement prononcé plus long; des constitutions de partie civile plus fréquentes« .
Evoquant une « discrimination en termes statistiques« , d’autres facteurs, notamment sociaux, pouvant entrer en ligne de compte, les chercheurs relèvent la « part actuelle considérable du groupe maghrébin » dans les prévenus de faits qui « ont ceci de spécifique que ceux qui les constatent sont aussi ceux qui s’en disent victimes« .
De plus, les prévenus d’origine maghrébine « sont moins susceptibles d’être jugés pour des faits d’outrage simple mais plus susceptibles d’être jugés pour des faits de violence à agent ou d’outrage-rébellion« .
Or, « si la violence peut être caractérisée par le certificat médical, si l’outrage peut l’être par la transcription des paroles prononcées (ou entendues…), la rébellion, simplement précisée par la mention +d’avoir résisté avec violence+, est très peu objectivée« , selon les auteurs.
« Pour assurer une garantie de poursuite à leurs dossiers d’outrages (…) les policiers adjoignent une procédure de rébellion, illustrant ainsi leur pouvoir discrétionnaire ».
Autre constat, « 24 % des prévenus du groupe +Maghrébins+ jugés en contradictoire (audience, ndlr) écopent de peines d’emprisonnement ferme contre 7 % » de ceux dont le nom est de consonance francophone.
De plus, les Maghrébins sont plus jugés en comparution immédiate et « surreprésentés parmi les personnes visées par les parties civiles« . « L’appartenance au groupe +Maghrébins+ multiplie la probabilité de partie civile par trois« .
Les policiers ont la possibilité de se porter partie civile depuis 2000 et « l’administration pourvoie à leur défense », rappellent les chercheurs. « Cette re-personnalisation des poursuites tend à faire de l’audience judiciaire une arène prolongeant celle des échanges interpersonnels entre les policiers et les prévenus« , selon l’étude.
De plus, « hormis les 12 % de prévenus condamnés à des dommages et intérêts symboliques (1 euro), la moyenne (…) s’élève à 307 euros« , nourrissant « l’hypothèse d’un détournement mercantile de l’infraction par les parties civiles ».
L’étude évoque une « croissance indubitable » des affaires d’outrages/violences/rébellion tandis qu' »on ne retrouve pas la même croissance dans la +délinquance générale+ » dans la juridiction étudiée.
Les auteurs y décèlent une « judiciarisation croissante des échanges sociaux (qui) n’épargne pas la police » et « dessine sans doute en creux le mouvement de réduction des brutalités policières ».
Auparavant, « les policiers ne transmettaient que les affaires qu’ils estimaient particulièrement graves« , réglant les autres « par voie extra-judiciaire, en quelque sorte +sur place et sur pièces+, de l’admonestation verbale à la paire de claques…« . Désormais, ils « alimentent la justice de toutes les affaires« .