Les atteintes à la liberté d’exercice du mandat d’élu local
Le libre exercice de leurs mandats par les élus locaux a le caractère d’une liberté fondamentale ;
L’exercice de cette liberté ne peut être limité ou restreint que pour des motifs trouvant leur fondement dans des dispositions ou des principes généraux du droit destinés à assurer le bon fonctionnement des organes délibérants des collectivités territoriales de la République ou de leurs organes exécutifs ;
Toutefois, à la différence de ce qui concerne le mandat syndical, l’entrave au mandat d’élu local n’est pas constitutive d’une infraction pénale spécifique qui serait prévue par un texte particulier [Voir sur la protection du mandat syndical l’article [L481-2 du Code du Travail. Pour un délit d’entrave au fonctionnement du Comité d’Entreprise : Cassation criminelle, 20 mai 2003, 02-84307 .
En droit des sociétés, les entraves aux droits des actionnaires sont assortis égalemement de sanctions pénales prévues aux articles L 242-9 et suivants du Code de Commerce. ]].
Il existe il est vrai, dans le Code Pénal, un texte plus général qui pourrait trouver à s’appliquer en cas d’entrave au mandat d’un élu. C’est un délit d' »abus d’autorité contre les administrations » : L’article 432-1 du Code Pénal
relatif aux « abus d’autorité dirigés contre les administrations » par des personnes exerçant une fonction publique dispose que « Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique, agissant dans l’exercice de ses fonctions, de prendre des mesures destinées à faire échec à l’exécution de la loi est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende » : voir annexe 3.
L’article 432-2 du Code Pénal prévoit de peines plus lourdes encore lorsque les mesures prises ont produit leurs effets.
L’expression elle-même « d’entrave » au mandat d’élu local n’apparaît pas clairement sous cette forme dans la jurisprudence des Juridictions administratives et on parle plutôt ici « d’atteinte à la liberté fondamentale d’exercice du mandat d’élu » [voir : [Conseil d’Etat, 9 avril 2004, Ville de Drancy ; Conseil d’Etat, 11 avril 2006, Tefaarere ]].
A cet égard, les élus minoritaires, ou devenus minoritaires à la suite de désaccords avec les majorités, peuvent avoir à saisir les juridictions administratives pour défendre l’exercice de leurs droits d’élus.
On pense notamment :
– A la violation du droit d’amendement et d’expression en séance lorsque le temps de parole est limité artificiellement et que le règlement intérieur interdit illégalement les amendements déposés en séance : voir fiche pratique No 42
– A la violation du droit d’accès à l’information en l’absence des « notes explicatives de synthèse » dans les délais requis : voir fiche pratique No 37
- A la violation du secret des correspondances, lorsqu’une mairie ouvre le courrier des élus de sa propre majorité sans un accord formel de ceux-ci : voir fiche pratique No 44
– Aux atteintes à l’exercice de leur droit d’expression dans les bulletins d’information générale, lorsque certains bulletins sont illégalement exclus du droit d’expression : voir fiche pratique No 94
– A la violation du droit d’accès aux documents administratifs communicables : voir sur les principes généraux, la fiche pratique No 11 et, plus spécialement sur les documents des collectivités territoriales la fiche pratique No 77
- Au refus de mise à disposition d’une salle de réunion : voir fiche pratique No 88
- Au refus du Maire de réunir le Conseil Local de Sécurité et de Prévention de la Déliquance deux fois par an comme la Loi l’y oblige : voir fiche pratique No 89
- etc ..
Les atteintes à l’exercice du mandat d’élu local constituent des décisions administratives qui sont comme telles susceptibles d’être annulées par le Juge administratif dans le cadre d’une demande d’annulation (voir modèle-type en annexe 1 ci dessous).
Cette demande sera, en cas d’urgence, accompagnée d’une demande de « référé suspension » ( voir modèle-type en annexe 2 ci-dessous).
Dans certains cas particulièrement extrêmes, elles peuvent faire l’objet d’un référé « libertés fondamentales » sous « 48 heures » [ voir : [Conseil d’Etat, 11 avril 2006, Tefaarere et plus généralement la fiche pratique No 16 ]].
Elles pourraient également faire théoriquement l’objet d’un « déféré préfectoral sur demande », mais rien n’indique toutefois que les Préfets soient particulièrement vindicatifs ni offensifs dans ce domaine, et ceux-ci risquent fort de renvoyer l’élu à organiser lui-même et seul son recours : voir sur le déféré préfectoral la fiche pratique No 87.
De même, il ne semble pas que les Tribunaux aient eu à statuer sur l’application à ces situations de l’article 432-1 du Code Pénal
relatif aux « abus d’autorité dirigés contre les administrations » par des personnes exerçant une fonction publique, lequel dispose que Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique, agissant dans l’exercice de ses fonctions, de prendre des mesures destinées à faire échec à l’exécution de la loi est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende ». On pourrait toutefois considérer que le risque pénal existe pour un Maire de se voir opposer ces dispositions lorsque ses actes d’entrave aux mandats des élus portent atteinte à l’administration. Ce risque est réel à la suite d’un changement de majorité, la nouvelle équipe pouvant alors « régler ses comptes » à une ancienne majorité ayant abusé de ses pouvoirs. Le risque existe également en dehors de ce cas, mais à un niveau moindre, puisqu’il n’est pas dissociable de la décision ou non de poursuivre du Procureur de la République (voir lettre-type en annexe 3).
Enfin, la Commune est parfois condamnée à des dommages et intérêts, lesquels n’ont cependant qu’une valeur généralement symbolique : pour la privation du droit d’expression d’un élu et la condamnation de la ville à la somme de un Euro symbolique : Tribunal Administratif de Lyon, 16 juin 2006, Commune de Saint Chamand [La somme de un Euro symbolique correspond à ce qui était demandé par l’Elu lésé, étant souligné que le préjudice réellement subi est d’une part difficilement chiffrable, et que d’autre part, il est politiquement complexe à faire valoir]](voir annexe 4).