Introduction de l’atelier Justice des Mineurs

Thème : Enfermement et privation de liberté dans le champ de la justice des mineurs

Les règles de la Havane adoptées par les Nations Unies, le 14 décembre 1990 pour la protection des mineurs, définissent la privation de liberté comme étant:
« toute forme de détention, d’emprisonnement ou le placement d’une personne dans un établissement public ou privé dont elle n’est pas autorisée à sortir à son gré, ordonnés par une autorité judiciaire administrative ou autre ».
Au niveau international, l’attention du législateur n’a pas été attirée par le problème des enfants privés de liberté qu’assez tardivement. Alors que les Nations Unies ont édicté des règles concernant la privation de liberté en général dès 1955.
Les règles de la Havane s’appliquent à toute personne âgée de moins de dix-huit ans privée de liberté, peu importe la cause.
La privation de liberté d’un mineur doit être une mesure prise en dernier recours et pour le minimum de temps nécessaire et être limitée à des cas exceptionnels.
Les mineurs ne peuvent être privés de leur liberté que conformément aux principes et procédures de la loi Internationale.
La création d’établissements ouverts pour mineurs est encouragée.

En France, l’évolution des politiques publiques en direction de l’enfance et de la jeunesse dans son ensemble n’apparaît pas être en adéquation avec les textes internationaux.
L’enfermement n’a plus valeur d’exception :
-Le placement d’enfants en centre de rétention administrative :
> La directive retour-« la directive de la honte », non conforme à la CIDE qui impose le respect de « l’intérêt supérieur de l’enfant » et la convention européenne des droits de l’homme qui impose le respect à la vie privée et familiale ;
Exemple : la Belgique qui a mis à disposition des familles des appartements.

-Le mineur étranger isolé placé arbitrairement en zone d’attente.
La Commission Européenne n’exclut pas l’enfermement du mineur non accompagné dans un centre (Mai 2010), à condition que la durée soit la plus courte possible et uniquement en cas de nécessité absolue.
Quid, de la politique migratoire de la France et des Etats membres de l’Union Européenne ?
La CIMADE, association d’aide aux migrants et aux réfugiés en France commente ainsi la situation actuelle :

« Les durcissements successifs de la politique d’immigration, guidée par des objectifs chiffrés de reconduite à la frontière, ont transformé ces hommes et ces femmes en étrangers, en  indésirables,  en  sans-papiers, en  hors la loi. »
Quelle est la prise en charge du Conseil Général, de ces mineurs étrangers isolés, dans le cadre de la protection de l’enfance ?
Quid, de la proposition sénatoriale de confier à la PJJ la prise en charge de ces mineurs étrangers isolés ?

-L’enfermement, une tendance répressive des politiques pénales de justice des mineurs.
Depuis les lois Perben Septembre (2002) qui ont crée les CEF (centre éducatif fermé) et les EPM (établissement pénitentiaire pour mineurs), l’enfermement est devenu «  un placement éducatif ».
Le choix de favoriser le placement dans un lieu de contention se fait au détriment d’une justice restauratrice et des mesures alternatives.
Thomas Hammarberg, commissaire aux Droits de l’homme du Conseil de l’Europe, s’inquiète de la tendance répressive des politiques pénales de justice des mineurs.
Il préconise de se concentrer sur les mesures alternatives à l’emprisonnement, et précise « que la délinquance des mineurs a tendance à croître moins vite que la délinquance générale. Alors que la majorité des Etats a fait le choix de maintenir leur système de justice à l’identique, certains ont utilisé les craintes, la peur, pour durcir les mesures à l’encontre des jeunes délinquants.
D’un point de vue général, on peut considérer que les mesures éducatives et de réhabilitation sont progressivement complétées, et parfois supplantées par des mesures d’enfermement.
Le seul enfermement d’un mineur n’est jamais une réponse adaptée. Il est bien plus efficace de mettre l’accent sur la réparation et la réintégration de ces mineurs qui sont souvent à la marge de nos sociétés. »
Le rapport de la commission d’enquête du Sénat, sur la délinquance des mineurs (-27 Juin 2002), avait pour mission de repenser l’enfermement des mineurs. Elle a auguré du contenu de la loi Perben du 9 Septembre 2002, dont l’article 22-devenu article 33 de l’ordonnance de 1945, qui créent les centres éducatifs fermés -CEF-
La commission d’enquête préconise de créer des établissements spécialisés pour les mineurs où la privation de liberté ne sera pas synonyme d’interruption brutale de suivi éducatif.
Les membres de cette commission ont visité aux Pays-Bas le centre de détention et de traitement de RENTRAY, crée en 1851 par le père Suringar, suite à une visite en France de la colonie pénitentiaire de Mettray.
Rappel historique :
La colonie agricole de Mettray en 1840, assure la rééducation des enfants « vicieux », par le travail et l’apprentissage, dont la devise est : « Améliorer la terre par l’homme, et l’homme par la terre ».
L’idée, héritée de la révolution de séparer les enfants et les adultes conduit à l’élaboration de deux modèles, ce sont deux établissements spéciaux chargés d’accueillir les mineurs délinquants et les vagabonds.
-La prison de la petite Roquette à Paris et La colonie agricole de Mettray.

CEF : état des lieux :
Une circulaire du 28 Mars 2003 a prévu la création de 60 CEF, d’une capacité de 8 à 10 places, destinés à des mineurs de 13 à 16 ans et de 16 à 18 ans,  délinquants multirécidivistes ou multiréitérants. »
10 CEF gérés par la PJJ et le reste par le secteur privé habilité.
Durée du placement : six mois.
Placement sous contrôle judiciaire ou Sursis avec mise à l’épreuve.
Conditions d’enfermement du mineur.
-Les barrières juridiques :
Le mineur est placé sous contrôle judiciaire, avec des obligations : obligation de résider au CEF et autres -respect du règlement intérieur-
Une fugue du centre peut entraîner le placement en détention provisoire.
Le mineur est placé dans le cadre d’une condamnation assorti d’un sursis avec mise à l’épreuve ;
Une fugue du centre ou autre non respect des obligations fixées par le tribunal, peut aussi entraîner l’emprisonnement du mineur.
Du point de vue juridique, le mineur de moins de seize ans risque de se retrouver en détention provisoire auteur de simple délit, possibilité qui avait été supprimée par l’ordonnance du 2.2 45.
Le placement en CEF est une alternative à l’incarcération.
Saisi par les députés et sénateurs de gauche pour examiner la constitutionalité de
La loi d’orientation et de programmation pour la justice, le Conseil Constitutionnel avait estimé que la dénomination de « centres fermés », traduit simplement le fait que la violation des obligations auxquelles est astreint le mineur, et notamment sa sortie non autorisée du centre, est susceptible de conduire à son incarcération par révocation du contrôle judiciaire ou du sursis avec mise à l’épreuve.
Mais face à la clôture physique des lieux, on peut se demander où finit la restriction de liberté, légale dans le cadre d’un C.J ou d’un S.M.E et où commence la privation de liberté : illégale en dehors d’une condamnation ferme prononcée par un tribunal.

Un additif au cahier des charges propre au CEF, a permis d’augmenter les dépenses de sécurité, en clôturant tous les sites, en y installant des alarmes sophistiquées et des vitres spéciales.
Dernière inauguration d’un CEF, en présence de JM Bockel, secrétaire d’Etat à la Justice : Saint-Brice sous forêt, le 26 Juillet 2010.
A ce jour  41 CEF, prévision 48, fin 2010.

Historique :
Le premier centre éducatif fermé, le CO (centre d’observation) de Juvisy-sur-Orge-(Essonne), a été fermé par le Garde des Sceaux, Mr Alain Peyrefitte en 1979, suite à un rapport défavorable qui soulignait l’échec de la prise en charge des mineurs délinquants, dans un cadre fermé et préconisait de ne pas regrouper les mineurs difficiles dans un même lieu.
Le CO de Juvisy avait connu une certaine notoriété à sa création compte tenu des investissements très modernes réalisés : terrain de sport, gymnase, salles de classes, ateliers, infirmerie. Un modèle de sécurité prévu pour empêcher la fugue (murs d’enceinte décorés, douves et grilles).

La question de l’existence du CEF et de sa légalité au regard du Droit des enfants est posée.
Le CEF est devenu un lieu de contention, privatif de liberté.  La double peine est assurée en cas de fugue du mineur de l’établissement, une autre privation de liberté l’attend, l’incarcération, suite au non respect de l’obligation judiciaire de rester dans un lieu dûment fermé.

EPM : établissement pénitentiaire pour mineurs.
Le choix de créer 7 EPM, est un choix politique lourd de conséquences, d’un coût très élevé : 90 millions d’euros, il participe aussi à la tendance répressive des politiques pénales de justice des mineurs.
Il y a un risque certain de banalisation de la mise en détention des mineurs, qui peut devenir un placement éducatif, ou « à vocation éducative ». Il n’y a plus l’urgence de la sortie, la peine peut s’inscrire dans la durée.
Mineurs âgés de treize à dix huit ans.
1 EPM de 60 places équivaut à 6 Foyers éducatifs de 10 places,
8 services d’insertion professionnelle pour 250 mineurs, et 10 services de Milieu-Ouvert pour 1500 jeunes suivis.
L’éloignement des familles du lieu de détention sera très préjudiciable aux mineurs, car ils recevront peu de visites en prison.
A ce jour :
-nombre de mineurs sous-écrou : 758, soit 250 en EPM. 88 places sous occupées.
Sur le dernier mois une hausse significative : au 1er Juin : 683, au 1er Juillet : 758.

Historique :
De nombreuses expériences de quartiers pour mineurs et de construction de prisons destinés à recevoir de jeunes détenus.
-Au xix siècle : La prison de la Petite Roquette à Paris.
-au xx siècle : Le centre spécial d’observation de Fresnes (CSOES) en 1958, les prison-écoles d’Oermingen et Loos les Lille, le centre spécial de jeunes détenus de Fleury-Mérogis, 1974.
Les historiens n’hésitent pas à conclure « les prisons-écoles sont incontestablement un échec, puisqu’elles ont été abandonnées »
« L’utopie de créer une prison pour jeunes sans les inconvénients de la prison a une fois de plus encore échoué. »

Nouveau code pénal des mineurs
Un nouveau code pénal des mineurs sera présenté au législateur avant fin 2010, en remplacement de l’ordonnance du 2.2 .1945.
La primauté de l’éducatif disparaît au profit de la peine et de la sanction, la contrainte triomphe sous la forme d’obligation (scolarité, activité professionnelle… ).
De nouvelles mesures de privation de liberté sont proposées : création d’une peine d’emprisonnement de fin de semaine- quatre week-end consécutifs.

Depuis son interpellation le mineur est soumis à une menace constante, celle d’être incarcéré.
Les Règles de la Havane des Nations Unies, précisent que : « la privation de liberté doit avoir lieu dans les conditions et des circonstances garantissant le respect de droits de l’homme des mineurs. »
La Convention Internationale des Droits de l’Enfant contient des garanties pour les enfants privés de liberté : «  tout enfant privé de liberté doit être traité avec humanité et avec le respect dû à la dignité de la personne humaine, et d’une manière tenant compte des besoins des personnes de son âge. »

Garde à vue
En France, la Garde à Vue des Mineurs a été l’objet de critiques sévères, compte tenu du caractère abusif de celle-ci et des conditions non-conformes « au respect de la personne humaine. »
Le CNDS (conseil national de déontologie et de sécurité) a dénoncé dans son rapport de 2009, plusieurs manquements de la part des policiers au code de déontologie de la police nationale, depuis l’interpellation à la garde à vue des mineurs.
-le menottage abusif « qui constitue une atteinte à la dignité des personnes, et qui est particulièrement dommageable dans le cas de mineurs, notamment à cause de la dimension symbolique que comporte le port d’entrave. »
-Les fouilles à nu abusives «  constituent une atteinte condamnable et choquante à la dignité des mineurs .Une mesure qui ne peut-être ressentie comme inutilement vexatoire et humiliante »

  • La non utilisation de l’enregistrement audio-visuel pendant l’interrogatoire, pourtant prévue par la loi mais souvent défaillante.

Plusieurs cas de mineurs sont cités en appui de ces critiques :
.- Un élève de 9 ans, retenu 4h au commissariat.

  • Un adolescent de 15 ans en GAV pour « dégradation d’affiches électorales  …est invité à se déshabiller complètement, à s’accroupir et à tousser en présence d’un fonctionnaire de police »
  • Une adolescente en GAV suite à une dispute avec ses camarades à la sortie du collège.

Les conditions dans lesquelles se déroulent chaque étape de la procédure judiciaire, (depuis son interpellation jusqu’au jugement ou par la seule présentation au Parquet,) vont durablement marquer le mineur et peser sur son rapport à la loi.

Le Conseil Constitutionnel vient de censurer les principaux articles du code de procédure pénale régissant la garde à vue.
Cette mesure de police doit être rendue compatible avec la présomption d’innocence, le respect des droits de la défense et la prohibition de la détention arbitraire.
La dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation et d’asservissement constitue une exigence constitutionnelle que le C.C a fondée sur le préambule de la Constitution de 1946.
Le Conseil a en outre censuré le régime des mineurs de treize ans : la retenue de douze heures. Et la diminution de cinq ans au lieu de sept ans précédemment de la durée de peine qui prévaut à la retenue.
Pierre Joxe, ancien sage du conseil constitutionnel vient de dévoiler les trois désaccords qui l’ont heurté à la majorité de ses pairs, et notamment celui où il a failli démissionner : la garde à vue des mineurs dans la loi Perben 2.

Modes de placement de mineurs en milieu hospitalier psychiatrique :
L’hospitalisation à la demande des parents en que titulaire de l’autorité parentale ou son représentant légal.

  • Le placement sur OPP, dans le cadre de la protection des mineurs en danger- art 375 du code civil- par le juge des enfants.

Critères d’âge :
L’admission en service de pédo- psychiatrie est limitée à « 15 ans et 3 mois »,
Ce critère d’âge est tiré d’une circulaire interne de l’Assistance Publique –Hôpitaux de Paris- elle n’a pas valeur de loi. Elle formalise uniquement la limite d’âge entre la pédiatrie et les services médicaux pour adulte.
La séparation du mineur avec les majeurs n’est pas toujours réelle.
Les directives européennes recommandent de créer des unités de soins spécifiques pour les mineurs de moins de dix-huit ans.

« Nul ne peut faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraire », cette définition édictée par les Nations Unies est applicable aux mineurs dans leur ensemble, ainsi que le principe de base qui rappelle que la privation de liberté d’un mineur doit être une mesure de dernier recours et être limité à des cas exceptionnels. Quelque soit l’enfermement dont l’enfant ou l’adolescent est l’objet la préservation de ses droits, doit rester au coeur de tous les dispositifs mis en place pour sa prise en charge.

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