Convention sur le transfèrement des personnes.

Rapport de M Jean-Paul Bacquet sur le projet de loi autorisant l’approbation du protocole additionnel à la convention sur le transfèrement des personnes condamnées.

N° 2106 ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
DOUZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 février 2005.

RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI n° 1550 [1] autorisant l’approbation du protocole additionnel à la convention sur le transfèrement des personnes condamnées,PAR M. JEAN-PAUL BACQUET,Député.

INTRODUCTION 5

I – LA CONVENTION SUR LE TRANSFÈREMENT DES PERSONNES CONDAMNÉES S’EST HEURTÉE À DES DIFFICULTÉS D’APPLICATION 7

A – UNE CONVENTION QUI RÉPOND À DES PRÉOCCUPATIONS HUMANITAIRES 7

1) Le transfèrement des détenus dans leur État d’origine : de meilleures chances de réinsertion, une garantie contre la récidive 7

2) La convention du Conseil de l’Europe : un cadre procédural et un fondement normatif au service de l’humanisation des conditions de détention 8

B – L’APPLICATION DE LA CONVENTION POSE DES DIFFICULTÉS PONCTUELLES 9

1) Les difficultés liées à l’interprétation de la convention 9

2) Les difficultés liées aux lacunes de la convention 10

II – LE PRÉSENT PROTOCOLE DEVRAIT PERMETTRE DE RÉSOUDRE CERTAINES DE CES DIFFICULTÉS 11

A – L’APPORT DU PROTOCOLE 11

1) Le cas des personnes condamnées en fuite 12

2) Le cas des personnes condamnées frappées d’une mesure d’expulsion ou de reconduite à la frontière 13

B – LES EFFETS DE L’ADOPTION DU PROTOCOLE 14

1) Les effets sur le fonctionnement de la convention 14

2) Les effets sur le droit interne français 15

CONCLUSION 17

EXAMEN EN COMMISSION 19

Mesdames, Messieurs,

La convention du Conseil de l’Europe sur le transfèrement des personnes condamnées, adoptée en 1983, représente un instrument très précieux de coopération internationale en matière pénale en permettant, facilitant ou accélérant le rapatriement de centaines de détenus dans leur pays d’origine. Cet instrument sert donc tout à la fois l’intérêt propre de ces derniers et celui des États concernés : il est en effet acquis que la prévention de la récidive passe par la prise en compte, très en amont, de la réadaptation et de la réinsertion sociale des détenus, ce que ne permet pas l’accomplissement de la peine dans un pays étranger.

Reste que cette convention très ambitieuse s’est, en pratique, heurtée à un certain nombre de difficultés d’application, relevées tout aussi bien par les organes compétents du Conseil de l’Europe, telle l’assemblée parlementaire, que par certaines organisations non gouvernementales (ONG).

C’est afin de résoudre ces difficultés que le Conseil de l’Europe a, en 1997, complété la convention de 1983 par un protocole, aujourd’hui soumis à l’approbation de notre Assemblée. S’il ne résout pas l’ensemble des difficultés apparues avec l’application de la convention de 1983 – tel n’est d’ailleurs pas son objectif -, ce texte permet néanmoins d’améliorer partiellement le fonctionnement des transfèrements de personnes condamnées au sein des États parties.

I – LA CONVENTION SUR LE TRANSFÈREMENT DES PERSONNES CONDAMNÉES S’EST HEURTÉE À DES DIFFICULTÉS D’APPLICATION

La convention du Conseil de l’Europe du 21 mars 1983 sur le transfèrement des personnes condamnées, entrée en vigueur le 1er juillet 1985, a indéniablement représenté un progrès dans l’humanisation des conditions de détention des détenus incarcérés dans les États parties à la convention. Toutefois, les objectifs humanitaires qui ont présidé à sa conclusion sont quelque peu remis en question par les difficultés d’application apparues depuis son entrée en vigueur.

A – Une convention qui répond à des préoccupations humanitaires

C’est essentiellement dans un esprit humanitaire qu’ont été forgés les accords internationaux sur le transfèrement de personnes en détention, ces mécanismes judiciaires qui permettent aux détenus condamnés d’être transférés dans leur pays d’origine pour y purger le reste de leur peine.

La convention du Conseil de l’Europe du 21 mars 1983 sur le transfèrement des personnes condamnées s’inscrit dans cette logique, en fixant le cadre normatif permettant aux détenus incarcérés dans les États parties à la convention d’être incarcérés plus près de leurs familles, dans leur propre culture et en bénéficiant d’un accès adapté aux moyens de réinsertion.

1) Le transfèrement des détenus dans leur État d’origine : de meilleures chances de réinsertion, une garantie contre la récidive

A ce jour, 57 États, dont 15 non membres du Conseil de l’Europe, ont signé et ratifié la convention sur le transfèrement des personnes condamnées. Cette large adhésion des États au principe du transfèrement reflète l’intérêt que représente cette procédure pour les détenus, certes, mais également pour les États.

Pour les détenus, les avantages d’une telle procédure sont évidents : pour des raisons culturelles et linguistiques, ils peuvent bénéficier de meilleures chances d’accès à l’emploi, à la formation ou à l’instruction et estiment de ce fait que le transfèrement dans leur pays d’origine peut les aider à se préparer à leur libération. De fait, les programmes de réinsertion sociale, tels que les services de soutien, les centres de réinsertion, les dispositifs de surveillance et les services d’emploi sont, le plus souvent, sans intérêt dans le cas des détenus étrangers, car ceux-ci rentrent généralement dans leur pays d’origine après leur remise en liberté, soit de leur plein gré, soit par suite d’une mesure d’expulsion. Le transfèrement peut aussi présenter de nombreux avantages quant à la sécurité et au bien-être de la personne détenue. D’après les enquêtes réalisées par les ONG spécialisées, de nombreuses personnes condamnées estiment en effet que le niveau de violence dans les prisons de leur pays d’origine est bien plus faible que celui qu’ils avaient connu à l’étranger. Enfin, sur le plan personnel, les prisonniers ont à cœur de se rapprocher de leur famille et se sentent libérés du poids financier qu’exigeait leur soutien, notamment au regard des longues distances que leurs familles devaient parcourir pour leur rendre visite.

Du point de vue des États également, le transfèrement de détenus présente d’énormes avantages. D’abord, en termes de surpopulation carcérale, dans la mesure où certains pays européens font état d’une population carcérale composée jusqu’à 44 % de ressortissants étrangers, ratio qui s’établit, en France, à 22 %. Si l’intérêt du transfèrement est patent en termes financiers, il l’est également en termes d’amélioration des conditions d’incarcération, les différences culturelles parmi la population carcérale pouvant être source d’hostilité, voire de violences.

2) La convention du Conseil de l’Europe : un cadre procédural et un fondement normatif au service de l’humanisation des conditions de détention

C’est effectivement dans cet esprit d’humanisation des conditions de détention qu’a été conclue, en 1983, la convention du Conseil de l’Europe sur le transfèrement des personnes condamnées. Le rapport explicatif qui l’accompagne rattache ainsi la conclusion de la convention à l’évolution générale de la politique pénale en Europe, qui prend en compte de manière grandissante les impératifs de réadaptation et de réinsertion sociale des délinquants. Indéniablement, la convention sur le transfèrement des condamnés est devenue une référence en matière de pratiques pénales : elle représente, en quelque sorte, un guide des bonnes pratiques à cet égard. C’est dans cette perspective que le préambule de la Convention fait référence au transfèrement comme servant « les intérêts d’une bonne administration de la justice » et favorisant « la réinsertion sociale des personnes condamnées ».

Sur le plan technique, cette convention définit un cadre procédural pour le rapatriement de détenus de l’État où la peine a été prononcée (« État de condamnation ») vers l’État dont ils sont originaires (« État d’exécution »). De la sorte, lorsqu’un transfèrement a lieu en application de la convention, le détenu purge le reste de sa peine dans une prison de son propre pays.

Ce transfèrement est subordonné à un ensemble de conditions définies par la convention : le détenu doit être ressortissant de l’État d’exécution ; le jugement doit être définitif ; la durée de condamnation que le détenu a encore à subir doit être au moins de six mois ; l’infraction qui a donné lieu à la condamnation doit également constituer une infraction dans l’État d’exécution ; enfin et surtout, le détenu, l’État de condamnation et l’État d’exécution doivent consentir au transfèrement. Pour vérifier que toutes ces conditions sont remplies, les États de condamnation et d’exécution doivent se communiquer mutuellement une quantité importante de documents administratifs. Il s’agit, pour l’essentiel, d’échanger des informations sur la législation applicable à l’infraction dans les deux juridictions et sur la façon dont la peine a été mise à exécution jusqu’à la date de la demande de transfèrement. Des renseignements sur la nationalité du détenu et une attestation de son consentement au transfèrement sont également fournis.

Aux termes de la convention, l’État d’exécution dispose de deux voies d’exécution de la condamnation d’un détenu transféré : il peut choisir de poursuivre la peine telle qu’elle avait été prononcée par l’État de condamnation ou de la convertir en une peine prévue par sa propre législation pour l’infraction considérée. Dans le cadre de l’échange d’informations entre les deux États, il doit indiquer à l’État de condamnation laquelle de ces procédures il entend suivre. Après le transfèrement du détenu, l’État de condamnation se dessaisit de sa compétence concernant l’exécution de la peine en faveur de l’État d’exécution.

Précisons par ailleurs que, si la convention établit un cadre juridique international pour le transfèrement des détenus entre États, elle n’engendre ni d’obligation, pour les États, de transférer les détenus ni le droit, pour ces derniers, d’être transférés. En revanche, les États parties sont tenus de « s’accorder mutuellement, dans les conditions prévues par la présente convention, la coopération la plus large possible en matière de transfèrement des personnes condamnées ». Cette coopération doit en outre être motivée par le but commun plutôt que par les intérêts particuliers des États parties.

B – L’application de la convention pose des difficultés ponctuelles

Si, globalement, l’application de la convention du Conseil de l’Europe sur le transfèrement des personnes condamnées représente un succès et le socle d’une coopération judiciaire croissante, il n’en reste pas moins qu’elle s’est heurtée à des problèmes d’application. Certains sont le fait des États parties, qui ont parfois interprété la convention de manière discutable ; d’autres sont nés des lacunes de la convention.

1) Les difficultés liées à l’interprétation de la convention

L’un des principaux objectifs de la convention sur le transfèrement est d’instituer une procédure à la fois simple et rapide. Le rapport explicatif accompagnant cette convention est, à cet égard, très clair : c’est, notamment, afin de remédier aux carences de la convention européenne sur la valeur internationale des jugements répressifs concernant la mise en œuvre des transferts que la convention sur le transfèrement a été élaborée. Plus particulièrement, l’absence de mécanisme de transfèrement rapide des détenus étrangers posait le problème de l’application effective des transfèrements, les autorisations de transfèrements intervenant bien après l’accomplissement de leur peine par les détenus étrangers. Cette préoccupation figure d’ailleurs explicitement dans les buts assignés à la convention de 1983, destinée « à fournir un mécanisme simple, rapide et souple pour le rapatriement des prisonniers ».

Force est de constater que cet objectif est loin d’avoir été systématiquement atteint. Les organisations statutaires et les ONG compétentes n’ont, à cet égard, pas manqué de souligner le fonctionnement trop souvent bureaucratique, lent et rigide de la convention, au point que les demandes de transfèrement ne peuvent en général être accélérées même lorsqu’elles sont motivées par des raisons humanitaires. Ainsi, une étude réalisée par le groupe européen pour les détenus à l’étranger (European Group for Prisoners Abroad ou EGPA) en 2000, et actualisée en 2001, montrait, dans cinq des six pays examinés (Espagne, Allemagne, Royaume-Uni, Irlande, Pays-Bas et Suède), des délais excessifs de traitement des demandes de transfèrement, soit compris entre un an et deux ans et demi.

2) Les difficultés liées aux lacunes de la convention

Par ailleurs, l’application de la convention sur le transfèrement a fait apparaître des lacunes dans son dispositif même.

Deux problèmes sont apparus à cet égard.

En premier lieu, la convention a omis le cas des personnes en fuite, ce qui est source de situations pour le moins étonnantes. En effet, en l’absence d’instrument conventionnel, les autorités françaises, par exemple, se trouvaient impuissantes pour faire exécuter sur leur territoire, à un ressortissant français, une peine à laquelle il avait été définitivement condamné par les autorités judiciaires d’un autre État partie, d’où il s’était échappé.

En second lieu, le dispositif de la convention ne prend pas en considération le cas des personnes condamnées faisant, en outre, l’objet d’une mesure d’expulsion ou de reconduite à la frontière, c’est-à-dire destinées à revenir dans leur pays d’origine.

II – LE PRÉSENT PROTOCOLE DEVRAIT PERMETTRE
DE RÉSOUDRE CERTAINES DE CES DIFFICULTÉS

L’application de la convention du Conseil de l’Europe sur les transfèrements fait l’objet d’un suivi attentif. Notamment, sous l’autorité du comité européen pour les problèmes criminels, le comité d’experts sur le fonctionnement des conventions européennes dans le domaine pénal s’est penché sur le fonctionnement et la mise en œuvre des conventions et accords du Conseil de l’Europe dans le domaine du droit pénal, afin d’adapter ces textes et d’en améliorer, au besoin, l’application concrète. Et la convention sur les transfèrements, par son rôle fondateur en matière de coopération judiciaire, figure parmi les textes qui font l’objet d’une attention particulière.

Ce sont les travaux de ce comité qui sont à l’origine du protocole aujourd’hui soumis à la ratification de notre assemblée. Dans le cadre de ses fonctions, ce comité a, en effet, identifié un certain nombre de difficultés rencontrées par les États dans le fonctionnement de cette convention et estimé que la réponse la plus appropriée et la plus pragmatique résidait dans l’adoption d’un protocole additionnel à la convention. En septembre 1997, le comité des Ministres a ainsi adopté le texte de ce protocole additionnel, ouvert à la signature depuis le 18 décembre 1997. Le 10 février 1998, la France signait ce protocole, qui entrait en vigueur le 1er juin 2000, après que trois États l’eurent ratifié.

A – L’apport du protocole

Le protocole vise à compléter la convention sur le transfèrement des personnes condamnées sur deux points dont le comité a estimé qu’ils représentaient une lacune dans la convention initiale. Il définit en effet les règles applicables au transfert de deux types de personnes condamnées à une peine privative de liberté :

  • celles qui se sont enfuies de l’État de condamnation afin de se soustraire à l’exécution de leur peine, en se réfugiant dans l’État dont elles sont ressortissantes ;
  • celles qui, outre leur condamnation, font l’objet d’une mesure d’expulsion ou de toute mesure d’interdiction du territoire, emportant leur reconduite à la frontière en raison de leur condamnation.

Au-delà de ces compléments à la convention, le protocole contient un certain nombre de dispositions assurant l’uniformité d’interprétation entre ce texte et celui de la convention. Tel est notamment l’objet de l’article 1er, qui dispose que les termes et expressions employés dans le protocole doivent être interprétés au sens de la convention. De même, cet article précise l’articulation entre les deux dispositifs, en rappelant que les dispositions de la convention sont applicables dans la mesure où elles sont compatibles avec les dispositions du présent protocole. Il s’agit là de la mise en œuvre de la règle selon laquelle « lex specialis derogat generalis ». Pour le reste, il est clair que les conditions de fond et de forme prévues par la convention demeurent applicables. Il en va ainsi, notamment, du nécessaire consentement des deux États concernés (État de condamnation et État d’exécution), des conditions tenant au caractère définitif de la condamnation et au quantum de peine restant à purger, de l’exigence de la double incrimination, des mécanismes de conversions de la peine et, enfin, de la limitation du champ d’application de l’instrument aux seules personnes condamnées ayant la qualité de ressortissant de l’État d’exécution.

L’application la plus flagrante de la règle de supériorité de la loi spéciale sur la loi générale réside dans le traitement du principe de consentement, pivot de la convention de 1983. En effet, contrairement à la convention et compte tenu de la particularité des situations envisagées par ce texte, le protocole ne fait pas du consentement de la personne condamnée une condition de la mise en œuvre du transfèrement. Tel est le principal apport, et la novation la plus importante, du protocole.

1) Le cas des personnes condamnées en fuite

Cette importante dérogation à l’un des principes fondateurs de la convention de 1983 s’applique, en premier lieu, aux personnes condamnées dans un État qu’elles ont volontairement quitté pour rejoindre leur pays d’origine, soit avant l’exécution de leur peine, soit au cours de celle-ci.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, il n’existe pas, aujourd’hui, de possibilité, pour l’État dont ces personnes sont ressortissantes, de leur faire purger la peine à laquelle elles ont été condamnées dans un autre État partie. Dans cette hypothèse, en effet, la convention du 21 mars 1983 ne saurait être appliquée, dans la mesure où la personne condamnée ne se trouve pas sur le territoire de l’État de condamnation ; les conventions d’extradition sont généralement tout aussi inopérantes, de nombreux États refusant d’extrader leurs ressortissants.

Le présent protocole autorise l’État sur le territoire duquel s’est réfugié le condamné à mettre en œuvre ou à poursuivre l’exécution de la peine, c’est-à-dire à considérer la fuite de la personne condamnée vers son pays d’origine comme un transfèrement de facto. Cette disposition fait écho aux articles 67 à 69 de la convention d’application de l’accord de Schengen, complétant la convention sur le transfèrement des personnes condamnées, qui comportent des dispositions analogues permettant la reprise de l’exécution de la peine par l’État dans lequel la personne condamnée s’est enfuie.

Pour garantir l’efficacité de cette disposition, le protocole ouvre à l’État sur le territoire duquel s’est réfugiée la personne condamnée la possibilité de prendre, à la demande de l’État requérant, des mesures conservatoires afin de s’assurer de la personne du condamné et d’éviter qu’il ne tente de se soustraire à l’exécution de la peine.

A l’évidence, l’absence de consentement de l’intéressé tranche avec l’esprit et la lettre de la convention de 1983. Dans l’avis du 25 janvier 2001 qu’elle a rendu sur le fonctionnement de la convention de 1983, la commission des affaires sociales de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe s’est fait l’écho des inquiétudes suscitées par cette novation au sein de certaines ONG. Celles-ci estiment ainsi que le protocole « porte atteinte aux fondements de la Convention de 1983 (et notamment au droit du détenu d’accepter ou de refuser d’être transféré) et qu’il ne règle pas les problèmes administratifs et logistiques à l’origine des dysfonctionnements constatés dans la mise en œuvre des dispositions de la Convention de 1983 ».

Ces inquiétudes paraissent largement injustifiées. Dans la mesure où la personne condamnée s’est volontairement soustraite à l’exécution de la peine, il n’est pas anormal que son consentement ne soit pas exigé. De plus, la personne condamnée a, en prenant la fuite vers son pays d’origine, consenti implicitement à demeurer sur le territoire de cet État, transformant sa fuite en un transfèrement effectué de facto.

2) Le cas des personnes condamnées frappées d’une mesure d’expulsion ou de reconduite à la frontière

Le protocole comble une seconde carence de la convention, en prévoyant la possibilité de transférer, sans leur consentement, dans leur pays d’origine, les personnes condamnées frappées d’une mesure d’expulsion ou de reconduite à la frontière.

Là encore, l’absence de consentement au transfèrement de la part de la personne condamnée semble s’inscrire en faux par rapport à l’esprit humanitaire qui a présidé à la convention de 1983. C’est pourtant au nom de considérations humanitaires que cette nouvelle dérogation au principe de libre consentement a été introduite par les rédacteurs du protocole. Ces derniers ont considéré que le maintien, dans l’État de condamnation, d’une personne appelée à être reconduite à la frontière à l’issue de sa peine ne servait nullement l’objectif de réinsertion sociale, puisque le condamné ne pouvait rester sur le territoire de l’État de condamnation. D’où la possibilité donnée à l’État d’exécution dont le détenu est ressortissant, de se voir transférer, à la demande de l’État de condamnation, mais sans son consentement, la personne condamnée. Dans ce cas de figure, si le consentement de la personne condamnée n’est pas requis, c’est au nom du fait que la personne condamnée ne pourra, en tout état de cause, se maintenir sur le territoire de l’État de condamnation au terme de l’exécution de sa peine. Selon le comité qui est à l’origine du protocole, on ne sert pas l’objectif de la réinsertion de la personne condamnée en maintenant une telle personne dans l’État de condamnation alors que, une fois qu’elle aura purgée sa peine, il ne lui sera plus permis d’y rester.

Cette nouvelle dérogation à la règle du consentement est entourée de garanties :

  • en premier lieu, le transfèrement ne peut être envisagé qu’après épuisement des voies de recours contre la mesure d’expulsion ou de reconduite à la frontière prononcée dans l’État de condamnation.
  • en deuxième lieu, cette procédure est assortie de garanties formelles. Ainsi, l’État de condamnation se doit de produire certaines pièces à l’appui de sa demande de transfèrement, et notamment une déclaration contenant l’avis de la personne condamnée sur son transfèrement. Cet avis doit être communiqué à l’État d’exécution, ce dernier devant le prendre en considération avant de rendre sa décision ; cette disposition vise à prendre en compte le cas d’une personne condamnée qui posséderait plusieurs nationalités et souhaiterait demander à être expulsée vers un pays autre que celui dont elle est ressortissante.
  • en troisième lieu, le protocole consacre un principe de spécialité garantissant que la personne condamnée ne sera ni poursuivie, ni jugée ni détenue, en vue de l’exécution d’une peine pour un fait quelconque antérieur au transfèrement. Toutefois, ce principe est tempéré par certaines exceptions : ainsi, il ne s’applique ni lorsque État de condamnation l’autorise ni lorsque, ayant eu la possibilité de le faire légalement, le condamné n’a pas quitté, dans les quarante-cinq jours qui suivent son élargissement définitif, le territoire de État d’exécution.

B – Les effets de l’adoption du protocole

1) Les effets sur le fonctionnement de la convention

Si l’entrée en vigueur du protocole a permis d’améliorer le fonctionnement de la convention de 1983, celle-ci ne pourra cependant fonctionner de manière optimale que si, au-delà des textes, les comportements des États eux-mêmes évoluent. Tel est le sens de la recommandation de l’Assemblée du Conseil de l’Europe sur la convention, adoptée en 2001, et appelant les États membres à encourager activement les États non membres, en particulier ceux où il est reconnu que les conditions carcérales sont médiocres, à adhérer à la convention. Des efforts doivent également être accomplis en vue de :

  • rationaliser et d’harmoniser les informations demandées par les États membres aux fins de traiter les demandes de transfèrement et de fixer un délai à ne pas dépasser pour la réponse à toute demande d’information ;
  • faire en sorte que la convention n’ait pas pour objet de permettre la remise en liberté immédiate des détenus à leur retour dans leur pays d’origine ;
  • inviter instamment les États contractants à ne pas refuser un transfèrement, au motif que le détenu pourrait éventuellement bénéficier d’une libération anticipée dans l’État d’exécution.

2) Les effets sur le droit interne français

Aux termes de l’étude d’impact fournie par le Gouvernement, le présent protocole ne devrait pas, en tant que tel, appeler de mesures de transposition en droit interne et deviendra applicable du seul fait du dépôt des instruments d’approbation.

Toutefois, certaines dispositions pourraient ultérieurement entraîner l’adoption de modifications du droit interne. Nous avons évoqué précédemment les mesures conservatoires que l’État d’exécution peut prendre en vue d’arrêter, ou d’empêcher la fuite, d’une personne qui s’est enfuie du territoire de l’État de condamnation pour se réfugier dans l’État dont elle est le ressortissant (appelé à devenir l’État d’exécution). Notamment, en son article 2, paragraphe 2, le protocole prévoit qu’à la demande de la partie requérante, la partie requise « peut », avant la réception des pièces à l’appui de la requête ou dans l’attente de la décision relative à cette requête, « procéder à l’arrestation de la personne condamnée ou prendre toute mesure propre à garantir qu’elle demeure sur son territoire dans l’attente d’une décision concernant la requête ». Bien que ces dispositions ne soient pas contraignantes, l’objectif d’assurer la pleine efficacité des dispositions du protocole, pourrait éventuellement conduire à l’adoption de dispositions législatives de transposition permettant de définir, en droit interne, le cadre juridique et les modalités autorisant l’arrestation et l’incarcération de la personne concernée.

Cet aménagement du droit interne n’apparaît néanmoins pas indispensable à une ratification « a minima ». En effet, la France met d’ores et déjà en œuvre depuis 1995, sans support spécifique, les articles 67 à 69 de la convention d’application de l’accord de Schengen relatifs à la transmission de l’exécution des jugements répressifs, qui complètent la convention sur le transfèrement des personnes condamnées et comportent des dispositions analogues à celles du protocole citées ci-dessus.

CONCLUSION

La convention sur le transfèrement des personnes condamnées est un instrument précieux, tant par ses principes que par ses intentions : accroître les chances de réinsertion et de réintégration dans la société et, par conséquent, limiter la récidive, en permettant le transfèrement des détenus étrangers vers leur pays d’origine, sert à la fois les intérêts de la personne condamnée et la sécurité publique.

Toutefois, dans la pratique, cette convention ne fonctionne pas aussi harmonieusement qu’on pourrait le souhaiter. Le présent protocole devrait permettre de remédier à une partie de ces dysfonctionnements en réglant les cas des personnes en fuite et des détenus étrangers soumis à une mesure d’expulsion ou de reconduite à la frontière.

Pour le reste, c’est essentiellement dans les mains des États parties que réside la bonne application de la convention du Conseil de l’Europe sur le transfèrement des personnes condamnées.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 16 février 2005, sur le rapport de Mme Chantal Robin-Rodrigo, suppléant M. Jean-Paul Bacquet, empêché.

Après l’exposé du Rapporteur, M. Bruno Bourg-Broc a souhaité que lui soit précisé le sens de l’article 7 du présent protocole, stipulant que « le protocole est applicable à l’exécution des condamnations prononcées soit avant, soit après son entrée en vigueur » : quel était le texte dont l’entrée en vigueur était visée ?

Mme Chantal Robin-Rodrigo a indiqué qu’était visée l’entrée en vigueur du protocole.

Le Président Edouard Balladur a ajouté que cette disposition répondait à un principe général du droit pénal, selon lequel, en matière pénale, l’édiction de règles plus favorables justifie leur mise en œuvre rétroactive par rapport aux condamnations prononcées.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (no 1550).

La Commission vous demande donc d’adopter, dans les conditions prévues à l’article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

Notes

[1] Le texte du protocole figure en annexe au projet de loi (n° 1550),


P.S. :
Source Assemblée nationale

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