A l’occasion de l’enquête publique qui s’est déroulée du 2 octobre au 4 novembre dernier, Mari-Luz Hernandez-Nicaise, Conseillère métropolitaine de Nice-Côte d’Azur, et Annabelle Jaeger, conseillère régionale PACA, ont déposé un dire pour exprimer leurs inquiétudes sur :
- le développement commercial azuréen et son impact sur le commerce traditionnel ;
- l’incidence du projet sur la qualité de vie des Laurentin-es et des clients du centre commercial,
- Les solutions apportées aux exigences du PPRI,
- les incidences environnementales sur l’avifaune.
I – L’extension du centre commercial : pour quels bénéfices réels et pour qui ?
La transformation du site existant, vétuste, sans grâce, envahi par des parkings peu fonctionnels, dépourvu d’espaces verts est une nécessité. Cependant nous ne sommes pas devant un exercice de réhabilitation, mais devant une opération d’extension massive : la surface de vente sera en effet portée de 37 946 à 63 946m2, et corrélativement la surface plancher, passera de 76 763 à 136 963 m2.
L’extension serait susceptible de permettre la création de 1300 emplois, mais aucune projection argumentée de cette affirmation n’est fournie dans le dossier, ni n’a d’ailleurs été présentée en Conseil métropolitain. Par contre il est avéré que pour un emploi créé en grande surface, 3 à 4 emplois disparaissent dans le commerce « traditionnel »…
Nous nous posons donc la question de la pertinence d‘un projet d’extension d’une telle ampleur compte tenu de l’abondance de centres commerciaux dans le secteur (Polygone à Cagnes, et bientôt les moyennes et grandes surfaces (Ikea entre autres) annexées à « l’Allianz Stadium » de St Isidore (à 15 min de trajet). Le futur de cette nouvelle grande surface commerciale ne nous semble pas forcément assuré.
Vers une congestion routière permanente ? Malgré les aménagements de voiries sur les nœuds des accès automobiles (giratoires, largeur des voies etc..), on peut s’interroger sur les incidences à la limite Est de Saint Laurent, cité déjà très dynamique en termes de déplacement (3900 sorties et 4700 entrées par jour, plus un fort trafic de marchandises). Dans le projet soumis à l’enquête, le trafic routier augmenterait de 34 à 45%. Il est actuellement de 25 000 véhicules/jour, ce qui le porterait à environ 35 000 ! Il est à noter qu’aucune ligne d’autobus ne relie directement le centre commercial à Nice et évoquer une ligne 4 de tramway relève aujourd’hui de la fiction. Quant aux modes dits doux –piste cyclable ou piétonne- : les réserves d’emprises dédiées n’apparaissent pas sur les cartes.
>> Nous demandons qu’une nouvelle présentation soit faite mettant en évidence des réservations d’emprises pour une liaison cyclable sécurisée avec le centre de St Laurent, et pour des cheminements piétons : de la gare au centre et dans le centre lui-même.
Pour finir, si l’on additionne l’augmentation de la clientèle, du personnel, du transport de marchandises, déchets etc… on peut s’attendre non pas à une fluidification du trafic, mais à une congestion permanente.
Cette congestion ne peut qu’avoir un impact défavorable sur la qualité de l’air, déjà déplorable puisqu’il est fait état de mesures de NO2 sur le site, chroniquement au delà des valeurs limites pour la santé des personnes.
II – Traitement du risque inondation PPRI : zone entièrement en zone rouge
Le centre commercial a été construit sur une ancienne zone lacunaire et la zone est classée zone rouge sur une marge de « recul » le long du Var et zone bleu foncé pour le reste. La réalité est donc que toute la zone est soumise à un risque fort d’inondation en cas de forte crue : l’eau pourrait en cas de crue dite « centennale » submerger la digue existante. La solution proposée est la réalisation d’un chenal de récupération et d’évacuation des eaux de surverse.
Aucune étude hydraulique n’est exposée, le lecteur ne dispose d’aucun élément de calcul pour évaluer le débit de surverse, ni pour évaluer la capacité d’évacuation du chenal. En cas de crue, le parking sera fermé par des portes étanches … mais encore faudra-t-il que le personnel de surveillance puisse avoir le temps et les moyens de le faire à temps.
En définitive le risque d’inondation reste important particulièrement au delà de la période de référence choisie ou en cas de disfonctionnement des ouvrages. Le taux de fréquentation prévisible et les problèmes d’engorgement des accès rend ce risque particulièrement préoccupant.
>> Nous demandons au commissaire de surseoir à décision et de fournir un supplément d’information sur les performances attendues du chenal d’évacuation des eaux de surverse, et une étude présentant une alternative plausible
III – LES INCIDENCES ENVIRONNEMENTALES
Le fleuve Var est le seul habitat favorable, dans les Alpes Maritimes, à l’accueil d’oiseaux migratoires, comme les sternes, des échassiers comme le blongios ; à cette fonction d’accueil (halte ou nidification) s’ajoute la fonction d’aire de pour des rapaces en particulier. Sur les 46 espèces inventoriées, 36 sont classées « d’intérêt communautaire ». L’estimation du « niveau global d’atteinte à la conservation » sur plusieurs espèces protégées (pp 42 à 46) conclut à des risques modérés à forts.
Aux nuisances du chantier, s’ajouteront ensuite les nuisances inhérentes au bâti. Tout particulièrement les immenses façades vitrées – même traitées – augmentent le risque de collision et sont un facteur de surmortalité de l’avifaune.
En outre l’effet réel des incidences cumulées de TOUTES les opérations réalisées (Stade, Voie des 40 m, route M202bis), en cours de réalisation (Nice Meridia, piscine olympique, Nice Arena, transfert du MIN) additionnent les conclusions de chaque étude d’impact.
Or chacune de ces opérations signifie la suppression d’au moins 20 hectares de terres agricoles ou d’espaces naturels, donc réduit pour les oiseaux de la ZPS, les aires de nourrissage. Et à ce rétrécissement de l’espace s’ajoutent certainement les dégâts causés par l’utilisation souvent intensive de phytosanitaires et insecticides. Cette réduction inexorable de leur approvisionnement est certainement une des causes de la réduction constante des populations de l’avifaune de la basse vallée du Var.
>>Nous estimons que ce projet sous-estime gravement les risques encourus par la zone de nidification et de nourrissage la plus importante de l’estuaire du Var et que les mesures de protection proposées ne sont ni à la hauteur des risques encourus, ni à la hauteur de l’enjeu de préservation d’un site unique de biodiversité, protégé au titre de la directive Habitat Oiseaux de l’Europe.
Ce projet ne prend pas en compte les effets cumulés de toutes les opérations mises en œuvre dans le cadre de l’OIN. Ce problème a déjà fait l’objet d’une saisine de la commission des pétitions du Conseil de l’Europe. Ce dossier viendra s’ajouter à ceux déposés.
C’est pourquoi, nous donnons un avis défavorable à ce projet.
Mari-Luz HERNANDEZ–NICAISE, Conseillère municipale de Nice, Conseillère de la Métropole Nice Côte d’Azur
Annabelle JAEGER, Conseillère régionale PACA, déléguée à la biodiversité, Représentant la Région au sein du Conseil d’administration de l’EPA OIN Plaine du Var