Heureuse d’assister ce matin au Lancement de la plate-forme européenne sur la coexistence entre l’homme et les grands carnivores à Bruxelles.
J’ai l’honneur d’ouvrir cette matinée au nom du Comité des Régions :
« Au nom du Comité des Régions, je suis heureuse de vous accueillir pour le lancement et la première session de travail de la Plate-forme européenne sur la Coexistence entre les humains et les grands carnivores.
Je suis membre du Conseil Regional Provence-Alpes-Côte d’Azur, déléguée à la Biodiversité et Présidente de l’Agence régionale pour l’Environnement qui conseille et accompagne les collectivités locales sur les politiques de biodiversité ; j’ai été aussi rapporteure pour le Comité des Regions d’un récent Avis sur l’infrastructure verte.
Je suis personnellement impliquée dans ma région où le contexte est extrêmement tendu autour de la présence du loup, qui menace et déstabilise un pastoralisme déjà fragile.
Pour ces raisons, j’ai accepté avec plaisir la demande des organisateurs d’ouvrir cette session au nom du Comité des Régions ; je salue vivement cette initiative importante qui vise à promouvoir la Coexistence entre les humains et les grands carnivores à travers l’échange, le dialogue et le partage d’expériences.
Permettez-moi une brève introduction sur le Comité des Régions : il est l’assemblée politique qui porte la voix des autorités locales et régionales au niveau Européen. Ses 344 membres viennent des 27 pays Européens, ils sont maires, conseillers municipaux, présidents de régions, et membres des parlements régionaux.
Le Comité des Régions promeut une coordination entre tous les niveaux de gouvernance et la participation de la société civile comme éléments nécessaires et structurants pour la mise en place de la Stratégie européenne en faveur de la biodiversité. Sur les grands carnivores, ma conviction est la même, cette coordination est tout aussi nécessaire pour apprendre, comprendre et partager.
Concernant le sujet qui nous réunit aujourd’hui, j’aimerais vous dire combien elle me tient à cœur et je remercie sincèrement les organisateurs.
Cette initiative est urgente et nécessaire :
- les populations de grands carnivores sont pour certaines vivement menacées (ex : la population vosgienne du lynx ou celle de l’ours dans les Pyrénées), leur conservation relève aujourd’hui du challenge : les grands carnivores jouent un rôle important dans l’équilibre des écosystèmes et font partie intégrante de notre héritage culturel et naturel. Mais serons-nous capables de les préserver ?
- les tensions sont vives entre « pro et anti »-présence de grands carnivores, dans certaines régions comme la mienne, où les attaques du loup font la une de la presse chaque semaine, les éleveurs sont pour certains à bout ! la relève du pastoralisme n’est plus assurée. Et même si le loup joue trop souvent le rôle du bouc émissaire à l’origine de tous les maux des éleveurs, il est indéniable qu’il est vécu comme une terrible contrainte.
Cette initiative est utile car dans ces cas de grandes tensions, nous sommes désemparés et avons besoin de comprendre pourquoi cette coexistence peut marcher dans certains pays et pas dans d’autres. Pourquoi le loup est devenu un atout des Abruzzes en Italie, un atout touristique qui attire plusieurs millions de touristes chaque année, et vécu comme un fléau chez nous dans les Alpes françaises? Pourquoi 250 individus y posent autant de problèmes quand l’Espagne et l’Italie vivent avec des milliers de loups ?? Nous en arrivons chez nous en France, du fait de ces quelques centaines d’individus à une remise en cause forte du statut d’espace protégée.
Il est évident que le contexte n’est pas le même dans les pays où les grands carnivores ont toujours existés et ceux où ils sont revenus après une longue absence. Les solutions sont locales et ne peuvent réussir qu’avec l’ensemble des parties prenantes :
- pédagogie et éducation à l’environnement,
- suivi et d’une connaissance des populations,
- lutte contre braconnage,
- implication des chasseurs,
- réintroduction (ex femelles ours, notamment en Pyrénées Centrales),
- Accompagnement des éleveurs : financiers, administratifs, psychologique
Autant de solutions, autant de résultats locaux qui différent selon l’engagement des parties.
Permettez-moi une conclusion un peu personnelle : Je suis une élue écologiste, tout autant sensible à la présence et la protection des grands carnivores qu’à la présence du pastoralisme sur nos territoires ruraux. Je me sens ainsi « tiraillée » entre les intérêts des uns et des autres, même si je crois profondément que la coexistence est possible.
J’aimerais témoigner ici d’une expérience en faveur de cette coexistence : Grâce à une association, FERUS, j’ai été éco-volontaire auprès d’un berger, je l’ai donc aidé pendant une semaine, la nuit, pour la protection de son troupeau face au loup. Une semaine seulement, pas assez bien sûr pour en tirer des conclusions définitives mais assez pour percevoir plusieurs choses : les contraintes réelles que fait peser la présence du loup en énergie et temps pour le berger afin de protéger son troupeau, mais aussi la contrainte psychologique d’une menace permanente qui rode. J’ai vu aussi les éleveurs qui vivent avec, et qui s’en donnent les moyens, sans pour autant éviter toutes les attaques ; j’ai vu ceux qui ne se protègent pas et refusent de le faire car une première mesure de protection serait déjà en quelque sorte accepter la présence du loup qu’ils refusent…
Il y a des marges de manœuvre pour permettre cette coexistence, mais chacune des parties doit accepter de faire un pas vers l’autre.
Je terminerai sur le rôle des médias, qui joue un rôle tres négatif dans mon pays : jamais le berger qui n’est pas attaqué aura la parole, jamais le rôle du loup dans les écosystèmes sera valorisé… à l’issue d’un débat où j’essayais de créer un lien entre environnementaliste et éleveur, je me suis vue critiquée par le journaliste qui ne « m’avait pas invité pour des positions consensuelles ! »
Fortes de ces expériences, permettez-moi de formuler un vœu quant à l’existence de cette plate-forme, qu’elle permette de montrer et faire connaitre au plus grand nombre les expériences qui marchent !
Merci de votre attention, bon travail et surtout belles réussites en faveur de la coexistence entre l’homme et les grands carnivores. »