Pollution aux hydrocarbures sur l’étang de Berre, à la suite de très fortes intempéries. Et les prochaines fois ?…

Le 9 novembre dernier, à la suite de très fortes intempéries, le contenu du bassin de rétention d’hydrocarbures de la raffinerie Total La Mède à Châteauneuf-les-Martigues a débordé dans le canal reliant Martigues au Tunnel de Rove, touchant une partie du canal et de la côte (rive sud de l’étang de Berre). Des résidus noirs, visqueux et malodorants ont envahi le littoral, touchant des zones à la biodiversité exceptionnelle (protégées par Conservatoire du Littoral) et entraînant la mort de plusieurs oiseaux. De telles pollutions sont inacceptables et inquiétantes pour les populations riveraines.

 La réhabilitation de l’étang de Berre, qui progresse depuis plusieurs années et dont les effets sur la qualité de l’environnement et l’attractivité du territoire sont positifs, ne doit pas être réduite à néant par une mauvaise conduite de certains industriels. Des efforts considérables ont en effet été faits depuis plusieurs années pour la réhabilitation écologique de l’étang, notamment dans le cadre du GIPREB (Gestion Intégrée, Prospective et Restauration de l’Etang de Berre), qui rassemble divers acteurs (Région, Département, Communes, Chambre d’agriculture, CCI…).

Des aléas climatiques exceptionnels risquent de se reproduire de façon plus fréquente encore à l’avenir, notamment avec l’effet du réchauffement climatique. Si rien n’est fait, nous risquons d’assister à une multiplication de telles pollutions, qui pourraient être plus graves.

Nous soutenons les associations environnementales qui demandent l’ouverture d’une enquête pour pollution, qui permettra de déterminer les causes et les responsabilités.

Nous demandons à Total de dépolluer entièrement la zone concernée et de mettre tous les moyens pour que cela ne se reproduise plus.

Nous interpellons le Préfet de Région pour qu’il nous informe de toutes les mesures qu’il compte prendre pour que de telles pollutions ne se reproduisent plus.

Contacts :

Pierre SOUVET  – psouvet@regionpaca.fr

Conseiller régional, vice-président du GIPREB, président de l’Association Santé-Environnement France

Annabelle JAEGER  – ajaeger@regionpaca.fr

Conseillère régionale déléguée à la Biodiversité, présidente de l’Agence régionale pour l’environnement

Annick DELHAYE  – adelhaye@regionpaca.fr

Conseillère régionale, vice-présidente Environnement, Energie, Climat

 

Réconcilier aménagement et préservation de la nature

La réalisation du SRCE trouve sa légitimité dans la prise de conscience de la réduction des espaces naturels et agricoles par la fragmentation du territoire. Fragmentation causée par les infrastructures linéaires (routes, autoroutes, voies ferrées, canaux) et au sens large par la dispersion des habitations sur les territoires.

En réponse, le SRCE,  c’est la mise en œuvre à l’échelle régionale des trames vertes et bleues (TVB) : corridors et réservoirs écologiques. Il s’agit de réconcilier aménagement et préservation de la nature ; pour s’assurer que les espèces puissent se déplacer dans l’espace et dans le temps pour vivre : manger et se reproduire, à l’image des hommes. Ces déplacements conditionnent l’évolution des espèces, qui seront d’autant plus nécessaire que le changement climatique modifiera les habitats et leurs conditions d’existence. Concrètement : passages pour les espèces sur les routes, autoroutes, réseau ferrés ; éviter de nouvelles constructions sur les espaces de continuité comme le long des cours d’eau, ou construire différemment sur pilotis, avec des haies ; continuer de développer une agriculture respectueuse de la biodiversité pour que les espaces agricoles soient « bio-compatibles »… De nombreuses pistes d’action sont proposées dans le document.

Pour rendre cela possible, la Région, l’Agence régionale pour l’Environnement –l’ARPE PACA-, l’Etat développeront des outils d’aide à la prise en compte comme un guide PLU et SRCE à venir, des méthodes de déclinaison des objectifs régionaux à l’échelle locale, et la mobilisation de soutien financiers régionaux, nationaux et européens.

Ce Schéma de cohérence écologique est un pas en avant dans les politiques de préservation de la nature : nous passons d’une politique d’ »espaces sanctuarisés » à la prise en compte de la nature partout, sur l’ensemble de territoire.

Il s’agit d’un document cadre et stratégique pour un aménagement durable du territoire. Le SRCE est un outil qui a vocation à servir de cadre de référence pour les documents d’urbanisme et les projets d’aménagement du territoire infrarégionaux.

Il est un des leviers essentiels de la Stratégie globale Biodiversité que nous avons votée en juin dernier et qui vise à intégrer la biodiversité dans nos politiques régionales. Nous posons là notre ambition régionale en matière de biodiversité et nous donnons les moyens de la mettre en œuvre. Nous posons les conditions de notre nouveau rôle de « chef de file », un rôle d’impulsion, de coordination et d’animation.

Oui ce schéma génère de la complexité pour ceux qui devront s’en emparer, mais elle est au bénéfice du vivant.  Sans nature, pas de futur ; c’est aussi simple que cela. Nous ne pouvons en aucun cas nous en exonérer, il s’agit de préserver nos conditions d’existence. Il s’agit également de prévenir plutôt que guérir, et d’éviter le gouffre financier que coûte la réparation à postériori.

Mais cette complexité, elle se gère, elle s’appréhende en amont. Le travail collectif effectué depuis 2 ans avec les parties prenantes pendant l’élaboration du SRCE, pendant les réunions de concertation et au sein du Comité Régional Biodiversité sont de bon augure. Agriculteurs, carriers, aménageurs, collectivités, associations, …ont largement participé, échangé, partagé pour avancer ensemble. Le vote à l’unanimité du CESER il y a quelques jours en atteste.

Aux élu-e-s maintenant de s’en emparer ! je ne vous cacherai pas ma déception d’en avoir vu si peu aux différentes réunions organisés sur les territoires.

Chers collègue, s’il s’agit de « cohérence écologique », il s’agit également de « cohérence » tout court. Le SRCE est né du Grenelle de l’environnement, c’est donc une politique qui devrait faire consensus et être voté pour tout l’hémicycle.

La prise en compte de l’environnement c’est tous les jours ; ce n’est pas un jour, oui, l’autre » ça suffit » ! c’est surtout un grand oui pour demain et les générations futures.

Annabelle Jaeger pour le groupe EELV-POC

« Sans nature, pas de futur* »

Marseille, le 27 juin 2014

Grand jour pour la nature en PACA, notre stratégie globale pour la biodiversité vient d’être adoptée par la majorité régionale. Abstention de l’UMP et du FN!

« Sans nature, pas de vie. Sans nature, pas de futur » ; c’est aussi simple que cela. En PACA, la nature est riche et diversifiée. Elle nous nourrit, nous soigne, est à la base de notre économie régionale : agriculture, forêts, tourisme,… et de notre culture.

Quand on la détruit, on détruit l’économie et l’emploi. En Europe, si on se base sur une définition très limitée des éco-industries (agri bio, écotourisme…) 1 emploi sur 40 dépend de la biodiv. Si on élargit cette définition aux emplois indirectement liés, on atteint 1 emploi sur 6 ! Finalement quel emploi existerait sans la nature ? un pharmacien vend des médicaments, un chef de chantiers utilise des matériaux, un prof d’histoire du papier. Tout est produit de la biodiversité. Sans nature, il n’y a rien, pas de société et encore moins d’économie.

Si le vivant n’a pas de prix, en revanche, sa perte a un coût et coûte cher ! Selon le rapport de l’économiste Sukhdev, la perte annuelle des services (écosystémiques) rendus par la nature (approvisionnement en ressources, dépollution, régulation climatique…) est estimée à 50 milliards d’euros par an, alors qu’1 euro investi dans la biodiversité, c’est 100 euros de retour sur investissement. Estimer en ce sens la valeur économique de la nature est nécessaire pour faire agir. Il ne s’agit pas de se demander combien la nature va me rapporter mais combien elle va me faire économiser ?

Par exemple, la conservation de 20 à 30% des océans par création de zones marines protégées pourrait créer 1 million d’emplois et protéger des stocks de poissons d’une valeur de 70 à 80 millions de USD

Pour toutes ces raisons, il est de notre responsabilité de la préserver et la valoriser, tant dans nos espaces protégées qu’ailleurs sur nos territoires, jusque dans nos villes.

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La biodiversité, c’est l’ensemble des organismes vivants (dont l’homme) et les relations entre eux et leurs milieux de vie.

La Stratégie Globale pour la Biodiversité (SGB), c’est « repenser notre relation homme-nature pour faire émerger un nouveau modèle de développement, dans lequel la biodiversité soit mieux connue, préservée et valorisée » , c’est se donner les moyens de bénéficier de tous les services qu’elle nous rend. Elle pose le cadre d’intervention de notre politique régionale en matière de biodiversité et propose des plans d’actions thématiques.

Une stratégie « globale » au sens de :

  • Mobiliser tous les acteurs : Elle est le fruit d’un long travail de co-construction tant en interne avec les élus et services (concernés par les premiers plans d’action présentés), qu’avec les acteurs du territoire.
  • Elle s’intéresse tant à la biodiversité « remarquable » de nos espaces protégés qu’à une biodiversité plus ordinaire, urbaine et péri-urbaine : avec le SRCE étroitement lié et complémentaire de la Stratégie, outil de prise en compte de la biodiversité dans les documents d’urbanisme ou le plan d’action biodiversité urbaine, on s’intéresse à la nature partout
  • Enfin, globale au sens de s’intéresser à toutes nos politiques publiques afin qu’elles intègrent progressivement l’enjeu biodiversité. Le cadre d’orientation est ainsi complété d’une première série de plans d’actions visant l‘agriculture, la forêt, les milieux aquatiques et marins, la mobilisation des acteurs.

Il s’agit d’un processus continu d’amélioration et de prise en compte de l’impact de nos actions sur la biodiversité. Demain, nous pourrons développer des plans d’action biodiversité et lycées, et transports, et économie…

La mobilisation de tous les acteurs est essentielle ; prenons l’exemple des Trames Vertes et Bleues : leur succès sera le fruit de la concertation, de la mise en mouvement des élus locaux, des aménageurs, des agriculteurs, des propriétaires fonciers, des naturalistes, des écologues, des chasseurs, bref de toute la population locale.

Pour animer une dynamique positive sur notre territoire et valoriser les actions de chacun en faveur de la biodiversité, une Charte d’engagement est proposée « Agir pour la biodiversité en PACA ».

Le Comité régional Biodiversité (CRB), créé en 2012, pour échanger entre les parties sur tout sujet ayant trait à la biodiversité et aux continuités écologiques, aura un rôle à jouer en tant qu’organe de suivi et de reconnaissances des engagements.

Pour les partager et démultiplier, deux outils : l’Observatoire de la biodiversité, animé par l’ARPE, et les Assises de la Biodiversité.

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Certains diront, avec quelles compétences et avec quels moyens répondre à cette ambition ?

Engagée sur la biodiversité avec ses PNR et RNR, la Région a été reconnue depuis le Grenelle de l’Environnement comme la bonne échelle pour appréhender les enjeux biodiversité. Chargée d’élaborer, en co-pilotage avec l’Etat, les SRCE, la plupart des régions ont souhaité se doter de stratégie régionale biodiversité.

Depuis le 27 janvier 2014[1], la Région est chargée « d’organiser, en qualité de chef de file, les modalités de l’action commune des collectivités territoriales et de leurs établissements publics pour l’exercice des compétences relatives à la protection de la biodiversité. »

En ce qui concerne les moyens, je ne cache pas mon souhait qu’en parallèle de cette reconnaissance, il puisse y avoir une recette dédiée.

Sans attendre, je serai d’avis que nous suivions les préconisations du CESER, en écho aux  accords internationaux de Nagoya de 2010, qui consiste de façon plus pragmatique à cesser les subventions dommageables à la biodiv et dans le respect de notre délibération de décembre dernier, d’orienter nos subventions avec des bio conditionnalités, qui puissent favoriser les acteurs qui entreprennent des actions positives pour la nature .———

Merci aux élus impliqués, aux acteurs de la biodiversité très impliqués à nos côtés, et tout particulierement au Service Biodiversité de la Région.

Tous engagés pour la nature, c’est notre Stratégie pour la Biodiversité !

Annabelle Jaeger, Conseillère régionale déléguée à la biodiversité et présidente de l’ARPE.

* nom d’une campagne de la Fondation Nicolas Hulot que je me permets de reprendre ici


[1] Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles

Lancement de la plate-forme européenne sur la coexistence entre l’homme et les grands carnivores

Heureuse d’assister ce matin au Lancement de la plate-forme européenne sur la coexistence entre l’homme et les grands carnivores à Bruxelles.

J’ai l’honneur d’ouvrir cette matinée au nom du Comité des Régions :

« Au nom du Comité des Régions, je suis heureuse de vous accueillir pour le lancement et la première session de travail de la Plate-forme européenne sur la Coexistence entre les humains et les grands carnivores.

Je suis membre du Conseil Regional Provence-Alpes-Côte d’Azur, déléguée à la Biodiversité et Présidente de l’Agence régionale pour l’Environnement qui conseille et accompagne les collectivités locales sur les politiques de biodiversité ; j’ai été aussi rapporteure pour le Comité des Regions d’un récent Avis sur l’infrastructure verte.

Je suis personnellement impliquée dans ma région où le contexte est extrêmement tendu autour de la présence du loup, qui menace et déstabilise un pastoralisme déjà fragile.

Pour ces raisons, j’ai accepté avec plaisir la demande des organisateurs d’ouvrir cette session au nom du Comité des Régions ; je salue vivement cette initiative importante qui vise à promouvoir la Coexistence entre les humains et les grands carnivores à travers l’échange, le dialogue et le partage d’expériences.

Permettez-moi une brève introduction sur le Comité des Régions : il est l’assemblée politique qui porte la voix des autorités locales et régionales au niveau Européen. Ses 344 membres viennent des 27 pays Européens, ils sont maires, conseillers municipaux, présidents de régions, et membres des parlements régionaux.

Le Comité des Régions promeut une coordination entre tous les niveaux de gouvernance et la participation de la société civile comme éléments nécessaires et structurants pour la mise en place de la Stratégie européenne en faveur de la biodiversité. Sur les grands carnivores, ma conviction est la même, cette coordination est tout aussi nécessaire pour apprendre, comprendre et partager.

Concernant le sujet qui nous réunit aujourd’hui, j’aimerais vous dire combien elle me tient à cœur et je remercie sincèrement les organisateurs.

Cette initiative est urgente et nécessaire :

-         les populations de grands carnivores sont pour certaines vivement menacées (ex : la population vosgienne du lynx ou celle de l’ours dans les Pyrénées), leur conservation relève aujourd’hui du challenge : les grands carnivores jouent un rôle important dans l’équilibre des écosystèmes et font partie intégrante de notre héritage culturel et naturel. Mais serons-nous capables de les préserver ?

-         les tensions sont vives entre « pro et anti »-présence de grands carnivores, dans certaines régions comme la mienne, où les attaques du loup font la une de la presse chaque semaine, les éleveurs sont pour certains à bout ! la relève du pastoralisme n’est plus assurée. Et même si le loup joue trop souvent le rôle du bouc émissaire à l’origine de tous les maux des éleveurs, il est indéniable qu’il est vécu comme une terrible contrainte.

Cette initiative est utile car dans ces cas de grandes tensions, nous sommes désemparés et avons besoin de comprendre pourquoi cette coexistence peut marcher dans certains pays et pas dans d’autres. Pourquoi le loup est devenu un atout des Abruzzes en Italie, un atout touristique qui attire plusieurs millions de touristes chaque année, et vécu comme un fléau chez nous dans les Alpes françaises? Pourquoi 250 individus y posent autant de problèmes quand l’Espagne et l’Italie vivent avec des milliers de loups ?? Nous en arrivons chez nous en France, du fait de ces quelques centaines d’individus à une remise en cause forte du statut d’espace protégée.

Il est évident que le contexte n’est pas le même dans les pays où les grands carnivores ont toujours existés et ceux où ils sont revenus après une longue absence. Les solutions sont locales et ne peuvent réussir qu’avec l’ensemble des parties prenantes :

-         pédagogie et éducation à l’environnement,

-         suivi et d’une connaissance des populations,

-         lutte contre braconnage,

-         implication des chasseurs,

-         réintroduction (ex femelles ours, notamment en Pyrénées Centrales),

-         Accompagnement des éleveurs : financiers, administratifs, psychologique

Autant de solutions, autant de résultats locaux qui différent selon l’engagement des parties.

Permettez-moi une conclusion un peu personnelle : Je suis une élue écologiste, tout autant sensible à la présence et la protection des grands carnivores qu’à la présence du pastoralisme sur nos territoires ruraux. Je me sens ainsi « tiraillée » entre les intérêts des uns et des autres, même si je crois profondément que la coexistence est possible.

J’aimerais témoigner ici d’une expérience en faveur de cette coexistence : Grâce à une association, FERUS, j’ai été éco-volontaire auprès d’un berger, je l’ai donc aidé pendant une semaine, la nuit, pour la protection de son troupeau face au loup. Une semaine seulement, pas assez bien sûr pour en tirer des conclusions définitives mais assez pour percevoir plusieurs choses : les contraintes réelles que fait peser la présence du loup en énergie et temps pour le berger afin de protéger son troupeau, mais aussi la contrainte psychologique d’une menace permanente qui rode. J’ai vu aussi les éleveurs qui vivent avec, et qui s’en donnent les moyens, sans pour autant éviter toutes les attaques ; j’ai vu ceux qui ne se protègent pas et refusent de le faire car une première mesure de protection serait déjà en quelque sorte accepter la présence du loup qu’ils refusent…

Il y a des marges de manœuvre pour permettre cette coexistence, mais chacune des parties doit accepter de faire un pas vers l’autre.

Je terminerai sur le rôle des médias, qui joue un rôle tres négatif dans mon pays : jamais le berger qui n’est pas attaqué aura la parole, jamais le rôle du loup dans les écosystèmes sera valorisé… à l’issue d’un débat où j’essayais de créer un lien entre environnementaliste et éleveur, je me suis vue critiquée par le journaliste qui ne « m’avait pas invité pour des positions consensuelles ! »

Fortes de ces expériences, permettez-moi de formuler un vœu quant à l’existence de cette plate-forme, qu’elle permette de montrer et faire connaitre au plus grand nombre les expériences qui marchent !

Merci de votre attention, bon travail et surtout belles réussites en faveur de la coexistence entre l’homme et les grands carnivores. »

Oui à la biomasse, non aux projets démesurés EON et INNOVA

J’ai eu l’occasion de porter la parole du groupe en dernière séance plénière du Conseil régional du 25 avril dernier sur le Rapport 18 – Plan d’actions régional 2014-2018 pour l’avenir de la forêt régionale, son développement économique et sa valorisation.

« En assemblée plénière du 21 février 2014, le Conseil régional a voté une Motion déposée par le groupe EELV-Poc demandant au Gouvernement un « moratoire sur la mise en service des centrales de Gardanne et Brignoles, en attendant l’élaboration et l’approbation de plans d’approvisionnement durables » et  « des engagements précis pour préserver la filière bois-énergie locale ».

Notre amendement aujourd’hui porte une demande simple et claire : celle d’être cohérent avec nos votes précédents et d’en assurer un suivi en ne laissant pas lettre morte nos vœux. Dès lors, pourquoi ne pas faire référence à ce vœu dans la délibération pour l’avenir de la forêt régional ? C’est pour nous incompréhensible.

La pérennisation de la ressource forestière passe inévitablement par la prise en compte des centrales de Gardanne et Brignoles. Rappelons que les plans d’approvisionnement de ces projets prévoient pour 2015, outre l’utilisation de déchets de bois et déchets verts, un besoin de l’ordre de 500 000 tonnes/an de ressource forestière locale. Ces projets risquent donc de déséquilibrer un marché et des filières encore fragiles, voire d’anéantir les efforts consentis par la puissance publique, notamment la Région, au cours des dernières années. Comment l’ignorer dans cette délibération ?

Le plan d’actions régional proposé prévoit une organisation professionnelle de la filière bois, elle est bien sûr urgente et nécessaire. Elle est un préalable pour faire face à de tels projets démesurés. »

Notre amendement a bien été voté apres moults hésitations des autres groupes politiques!

Pour en savoir plus sur ce sujet : http://paca.elus-ecologistes.fr/mobilisations/8297-oui-a-la-biomasse-non-aux-projets-demesures/

 

Appel à bénévoles pour le programme Pastoraloup d’aide aux bergers!

Consciente des difficultés rencontrées par l’élevage en zones de présence des grands prédateurs, l’association FERUS a mis en place, sur la problématique du loup, un programme de soutien appelé pastoraLoup. Ce programme basé sur l’éco-citoyenneté propose une aide complémentaire aux éleveurs et bergers dans la protection de leurs troupeaux.

Afin de réduire les dommages et la vulnérabilité des animaux domestiques, il s’agit pour les personnes bénévoles sélectionnées de renforcer la présence humaine auprès du cheptel et participer aux divers travaux pastoraux nécessités par la présence du loup.
L’association manque de bénévoles pour la saison d’estive à venir.

Pour d’avantage d’information sur pastoraLoup, vous pouvez contacter Julie Bonnet au 07.86.20.18.80, par mail à l’adresse suivante : pastoraloup@ferus.org ou encore consulter les bilans d’activité des saisons précédentes en cliquant dessus :
http://www.ferus.fr/benevolat/pastoraloup

Je l’ai fait, je confirme : c’est une expérience FANTASTIQUE!!!!!

Les ressources génétiques agricoles, enjeu de sécurité alimentaire

Bruxelles, 8 avril 2014

Discussion passionnante aujourd’hui au Comité des Régions à Bruxelles sur la diversité génétique des ressources agricoles et la législation semence qui encadre la production et mise sur le marché de « matériel productif végétal ».

La Commission a pris ce sujet à bras le corps, a fait des ouvertures dans le règlement semence mais l’architecture reste encore fragile comme par exemple sur les restrictions géographiques. Le Parlement lui freine.

A la tribune, des plaidoyers (Arche Noah, INRA) forts pour défendre cette diversité nécessaire pour la sécurité alimentaire (un exemple de l’INRA sur les Associations variétales de blé qui permettent de lutter contre la rouille jaune) et comme « filet de sécurité » face au changement climatique.

La réglementation actuelle limite les possibilités, les semences ne sont autorisées à usage commercial que si inscrites au catalogue. Des exigences d’homogénéité, uniformité et de stabilité freinent les possibilités.

Rappelons que les variétés de pays, anciennes, paysannes peuvent être évolutives, hétérogènes, d’intérêt local. Des variétés préservées ne peuvent donc théoriquement pas être mise en culture ailleurs. Les semences de ferme et paysannes sont interdites ou taxées ou soumises à déclaration. C’est une entrave aux petits producteurs qui jouent un rôle important en la matière ainsi que la conservation in situ de moins en moins répandue aujourd’hui en Europe.

Nécessaire de faire évoluer :

  • Assouplir l’inscription au catalogue avec création de nouvelles variétés et du matériel hétérogène ;
  • Utilisation durable des variétés anciennes par leur mise en marché (assouplir les critères et leur conservation in situ au-delà de la zone d’origine) ;
  • Favoriser la gestion dynamique à la ferme pour les populations et mélanges créés et sélectionnées par des agriculteurs donc autoriser les échanges entre agriculteurs.

Pour finir, rappelons les enjeux de l’uniformisation des variétés :

  • Enjeu de sauvegarde de la biodiversité, à égale importance des enjeux climatiques. Les diversités régionales sont un atout européen.
  • Enjeu de qualité face aux OGMs, alternative face aux produits phytosanitaires
  • Veiller à renforcer la biodiversité dans l’ensemble des éco-systèmes dont les terres agricoles elle-même. La conservation passe aussi par son utilisation dans le monde agricole !
  • Enfin et concernant les collectivités territoriales, l’enjeu de redoubler d’efforts sur leurs programmes de conservation et d’utilisation durable des ressources génétiques agricoles.

Carrières et biodiversité : deux mots incompatibles?

Au-delà des idées reçues, les carrières représentent des opportunités pour la biodiversité…

A l’occasion du « Colloque construction minérale et biodiversité » organisé par l’UNICEM (Union Nationale des Industries de Carrières et Matériaux de Construction) Provence – Alpes – Côte d’Azur et Corse le 13 décembre à Marseille, je suis intervenue pour montrer ces complémentarités.

 « Que de chemin parcouru pour en arriver à un tel colloque qui réunit les carriers, et les défenseurs de la biodiversité !

« Il ne s’agit plus d’opposer conservation de la nature et développement des territoires comme le dit l’invitation. » En effet, cette opposition est loin derrière, nous sommes passés à une étape de mobilisation de l’ensemble des acteurs économiques pour préserver notre patrimoine naturel.

Nos politiques nationales et régionales (SGB et SRCE) se construisent dans cet esprit. Nous avons dépassé le temps de protection de la biodiversité dans les seuls espaces protégés pour nous intéresser également à la biodiversité ordinaire partout sur notre territoire. L’ensemble des secteurs d’activité sont concernés. Le SRCE fait entrer la biodiversité dans l’aménagement du territoire et les aménageurs le sont au premier rang.

Nous sommes passés à une étape de co-construction qui s’illustre au travers de nombreux partenariats entre carriers, scientifiques et ONGs.

2 bémols concernant ces partenariats : ils sont réels mais donnent davantage à ce stade le sentiment de « mariages de raison ». A quand des « mariages d’amour » établis dans la durée et, ce, dès l’amont des projets de carrières ?

Ce chemin, les carriers l’ont néanmoins parcouru, en commençant il y a des années déjà. J’ai conscience des efforts et investissement réalisés. Fortement incités par la loi, sans doute un peu malgré vous dans un premier temps, avec encore certaines réticences pour certains… quoiqu’il en soit, il est aujourd’hui reconnu que les carrières présentent des opportunités pour la biodiversité et que vous en êtes devenus des acteurs !

En tant qu’élue régionale déléguée à la Biodiversité, j’ai accepté avec joie et grand intérêt de participer à cette journée afin

-      de reconnaitre votre engagement en faveur de la biodiversité : recensement des espèces, étude et suivi écologique, plans d’action et gestion écologique, réaménagement et génie écologique… La Biodiversité est prise en compte à chaque étape : des études aux restitutions, et au final ce sont des milieux et habitats favorables à la biodiversité que se développent. J’ai rencontré à l’occasion de déplacements chez certains d’entre vous, des gens extrêmement motivés dont l’engagement m’a touché ;

-      mais aussi démontrer avec vous qu’écologie et développement économique ne sont pas antinomiques, au contraire !

Sur cette convergence, je souligne au passage votre engagement dans l’économie circulaire avec des efforts tout particulier en PACA sur le recyclage des déchets du bâtiment pour des granulats recyclés. J’ai aussi conscience que la commande publique ne suit pas et n’encourage pas cette dynamique.

J’ose espérer que la visite de Ministre Philippe Martin chez Eurovia lundi prochain permettra de mettre ce problème en lumière et qu’il sera pris en compte dans la prochaine loi cadre sur l’économie circulaire.

A ce sujet, dans notre région, nous avons voté ce matin une délibération visant à introduire des éco-conditions dans nos politiques régionales. La Commande régionale sera bien sûr un chantier et j’espère que nous avancerons ensemble.

Pour finir, reconnaître est nécessaire, mais il s’agit aussi de faire connaître votre action en faveur de la biodiversité pour qu’elle encourage d’autres acteurs économiques à emprunter le même chemin.

Pour cela, plusieurs leviers :

  • votre présence au Comité Régional Biodiversité et votre implication dans la mise en œuvre du SRCE. Je salue au passage votre présence continue et constructive et je compte sur vous pour la suite. Qui s’augure bien d’ailleurs avec les projets concrets que portent déjà certains d’entre vous.
  • Avec la Région et l’Agence Régionale Pour l’Environnement, nous travaillons sur le thème économie et biodiversité, afin notamment de valoriser les bonnes pratiques au sein de l’Observatoire de la Biodiversité > merci d’être là aussi à nos côtés
  • Enfin, en termes de valorisation de votre engagement, je crois beaucoup au partenariat que nous sommes en train de construire avec le RREN (Réseau régional des gestionnaires des espaces naturels) et sur le projet des Chemins de la Biodiversité .

Vous avez réussi à faire d’une contrainte imposée sur la Biodiversité un Opportunité. Nous devons ensemble le faire savoir et l’étendre.

Merci de votre attention »

 Annabelle Jaeger, Conseillère régionale déléguée à la biodiversité

Présidente de l’Agence Régionale pour l’Environnement

Mon Avis adopté par le Comité des régions européen ce mardi 8 octobre à Bruxelles

Mon Avis sur l’infrastructure verte a été adopté à l’unanimité –moins une voix- du Comité des Régions* ce mardi à Bruxelles. C’est pour moi l’aboutissement d’un travail passionnant de rencontres et d’échanges avec la Commission, le Parlement européen, les Ongs notamment ; mais aussi de prise de connaissance des nombreuses et riches initiatives en la matière en Europe.

L’infrastructure verte, c’est quoi? : la trame verte et bleue, les réservoirs et espaces de continuités écologiques, mais aussi la biodiversité urbaine : espaces verts, jardins partagés, murs et toitures végétalisés… toutes les solutions naturelles ou basées sur la nature qui permettent de préserver la biodiversité mais qui offrent aussi beaucoup de ressources et services à l’homme (régulation de l’air, de l’eau, climatique, bien-être, santé, etc).

Pour la biodiversité, l’infrastructure verte doit permettre le déplacement, la reproduction, « le gîte et le couvert » des espèces animales et végétales ; grâce à un réseau connectant des espaces naturels entre eux, et une qualité des espaces naturels pas ou peu perturbés par l’activité urbaine. L’un se nourrit de l’autre : des milieux de qualité ont de fait une meilleure fonctionnalité et offrent davantage de services en retour.

La communication de la Commission – sur laquelle se base cet avis – présente une stratégie à venir visant à encourager le recours à l’infrastructure verte et à promouvoir la prise en compte systématique des processus naturels dans le cadre de l’aménagement du territoire.

Elle nous propose non seulement un nouveau regard sur la biodiversité où il ne s’agit plus seulement de biodiversité « remarquable » sanctuarisée dans des parcs et réserves mais aussi de considérer la biodiversité plus « ordinaire » présente partout jusque dans nos villes et zones péri-urbaines ;  elle nous invite à considérer la biodiversité sous l’angle trop souvent oubliė des interactions entre milieux naturels et êtres vivants, interactions qui fondent le tissu vivant de la planète ; et mais plus encore, elle nous invite à inverser le regard sur la biodiversité, ne plus la vivre comme une contrainte à nos projets de développement, mais comme une alliée pour des projets durables et aux multiples bénéfices pour nous, les humains.

Elle insiste à juste titre sur tous les bénéfices que nous pouvons tirer de cette approche durable et raisonnée de l’aménagement du territoire : 

  • L’infrastructure verte est souvent moins onéreuse et plus durable que les solutions de substitution qu’offre le génie civil traditionnel. (moins d’intensité énergétique, de maintien et d’entretien);
  • Des parcs à la biodiversité riche, des espaces verts et des couloirs d’air frais peuvent, par exemple, permettre d’atténuer les effets négatifs des vagues de chaleur estivales ;
  • l’infrastructure verte est un élément clé de l’atténuation et de l’adaptation au changement climatique ;
  • En plus des effets bénéfiques sur la santé et sur l’environnement, l’infrastructure verte procure également de multiples avantages sociaux: elle est un vecteur de développement de filières économiques et d’emploi de proximité non délocalisables
  • et transforme les villes en lieux de vie et de travail plus attrayants. Elle permet aussi à la faune de se développer, même en milieu urbain.

Dès lors, cette stratégie sera essentielle pour atteindre les objectifs européens à l’horizon 2020 non seulement en matière d’utilisation efficaces des ressources et de préservation de la biodiversité mais aussi, de cohésion sociale et régionale, de croissance durable et intelligente, d’attractivité, de maintien et création d’emplois locaux au sein des petites et moyennes entreprises, d’amélioration de la santé publique et de lutte contre les inégalités;

C’est dans cet état d’esprit que j’ai proposé un positionnement positif à l’égard de la communication et des projets qu’elle porte; et que j’ai invité les autorités locales, qui sont en premières lignes dans leur rôle d’aménageur du territoire, à se mobiliser fortement. Nombre d’entre elles n’ont pas attendu pour œuvrer et vous trouverez dans l’annexe de la Communication un premier inventaire que je vous invite à lire avec attention.

La mobilisation de l’UE, des Etats membres est évidemment nécessaire en soutien aux autorités locales. C’est l’objet de la Stratégie présentée et le Comité des Régions sera particlièrement attentif à la bonne mise en œuvre des objectifs suivants : 

  • L’intégration de la biodiversité dans toutes les politiques publiques avec la promotion de l’infrastructure verte dans les principaux domaines d’action tels que l’agriculture, la foresterie, la nature, l’eau, la mer et la pêche, la politique régionale et de cohésion, l’aménagement du territoire et l’urbanisme …. D’ici à la fin de l’année 2013, la Commission définira des orientations sur la manière d’intégrer l’infrastructure verte dans la mise en œuvre de ses politiques de 2014 à 2020,
  • l’amélioration de la recherche et des données, le renforcement du socle de connaissances et la promotion des technologies innovantes qui soutiennent l’infrastructure verte,
  • l’amélioration de l’accès au financement pour les projets d’infrastructure verte – en collaboration avec la Banque européenne d’investissement la Commission mettra en place, d’ici à 2014, un mécanisme de financement de l’UE visant à soutenir les projets d’infrastructure verte,
  • Afin que tout le potentiel de l’infrastructure verte soit exploité dans le cadre de la prochaine enveloppe budgétaire (2014-2020), les modalités de son utilisation doivent être définies dès que possible pour faciliter son intégration dans des projets financés selon des mécanismes de financement appropriés tels que la politique agricole commune, le Fonds de cohésion, le Fonds européen de développement régional, horizon 2020, le mécanisme pour l´interconnexion en Europe, le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche et l’instrument financier pour l’environnement (LIFE).
  • le soutien aux projets d’infrastructure verte à l’échelle de l’UE – d’ici à la fin de 2015, la Commission conduira une étude afin d’évaluer les possibilités de créer un réseau d’infrastructure verte à l’échelle de l’UE.

Parce qu’il est de notre devoir de transmettre aux générations futures l’extraordinaire biodiversité dont nous disposons, parce que la nature fonctionnelle est une source extraordinaire de biens et de services,  pour toutes les raisons évoquées précédemment, saisissons nous de cette opportunité de l’infrastructure verte de concilier développement humain (économique, social, culturel, scientifique) et préservation du tissu vivant de la planète. 

En savoir plus sur le site PSE du Comité des Régions

* Le Comité des Régions porte, à Bruxelles, la voix des collectivités territoriales des pays membres de l’Europe et donne des Avis sur les directives et projets européens qui impacteront ces collectivités.

Ma semaine avec un berger dans les alpages

De retour d’une semaine dans les alpages du Mercantour avec un berger, je souhaitais partager quelques moment forts et réflexions…

Pourquoi ? : Elue régionale depuis 2012, déléguée à la biodiversité, je me suis vite rendue compte que la problématique du loup que je connaissais très peu ne pourrait très longtemps me rester étrangère. Elue des Alpes-Maritimes –département de forte présence du loup-, j’allais être souvent interrogée sur ce sujet. L’animal ne me laisse pas indifférente et sa protection dans le cadre de la Convention de Bern aurait pu me permettre un discours facile : il est protégé, dont acte !

Malheureusement, ce serait trop simple et surtout faire fi d’une autre problématique qui me tient particulièrement à cœur, celle de l’avenir du pastoralisme dans notre Région. Et là, impossible d’ignorer la précarité économique de la filière et à quel point le loup perturbe un tableau déjà noir.

Violences contre des gardes du Parc du Mercantour, bergers en larmes ou menaçants, abandon d’estives…les signes d’un profond malaise devenaient trop flagrants pour être ignorés.

Alors, plutôt que de porter un regard, documenté certes, mais extérieur, j’ai souhaité aller à la rencontre d’un berger…et du loup ?

L’occasion : c’est l’Association FERUS, association de protection des grands prédateurs, qui m’a permis cette aventure extraordinaire, d’être une éco-volontaire auprès d’un berger pour l’accompagner dans la garde de son troupeau. Le programme Pastoraloup qu’elle a développé dans notre région permet en effet à ceux qui le souhaitent de bénéficier d’une formation de 4 jours auprès de professionnels du secteur sur l’enjeu du pastoralisme, les comportements du loup et comment aider un berger grâce à la présence humaine, entre autres mesures de protection.

En juin dernier, je faisais ma formation dans les Monges. De cette expérience j’ai gardé 2 souvenirs très forts : un éleveur qui nous a dit que sa vie avait basculé du paradis vers l’enfer avec le loup ; une dame travaillant avec eux sur les mesures de protection, désespérée de la capacité d’adaptation du loup face aux mesures mises en œuvre. J’ai compris à cette occasion que les mesures de protection, à commencer par le déploiement des parcs de sécurité, était extrêmement chronophages, et donc une véritable contrainte pour les éleveurs ou bergers. Rien est évidemment simple jusqu’au chien patou lui-même qui protège le troupeau certes mais s’attaque par ailleurs aux cyclistes et aux quads (sans parler de ces pauvres marmottes) !

Au sortir de ces quelques jours, j’ai confirmé mon souhait d’être éco-volontaire mais je ne vous cacherai pas mes appréhensions : j’ai demandé à l’association de me proposer une mission dans laquelle je ne me trouverai pas « seule au monde » loin dans l’alpage avec un troupeau ! moi aussi, j’ai besoin de présence humaine !,-)

Peu de temps après, tout est calé, je pars la dernière semaine d’août rejoindre un éleveur dans le Parc du Mercantour.

Un détail : 26 août, j’arrive à 12h au lieu dit de rdv, persuadée d’être là il faut et à l’heure. Pas de berger à l’horizon,- :( Heureusement, ce dernier étant connu de tous dans le hameau, je me renseigne. « Oui, c’est bien le chemin pour se rendre aux alpages, mais il se trouve au bout de ce chemin que vous ne pouvez emprunter qu’à pied et il y en a pour 1h 30 !! » Un détail sans doute pour lui, suffisamment anecdotique pour qu’il ne me l’ait pas précisé… ;-) Me voilà partie avec mes 15 kilos dans le dos à sa rencontre.

Mon berger : je ne vais pas en rajouter car sinon vous allez croire que j’en ai perdu toute objectivité, mais vraiment, il est incroyable ! Le « vrai » berger de nos imaginaires d’enfance… Un éleveur qui est aussi berger, qui accompagne donc son troupeau à l’estive pendant 3 mois depuis toujours, qui ne quitte pas ses bêtes de 8 heures le matin à 20h le soir quand il rentre avec elles, connaît chacune d’entre elles (elles sont 700 !), bichonne chacune… ; et en plus d’une gentillesse, et d’une patience infinie pour tout m’expliquer, me montrer, me raconter…Bien sûr un berger sans ses chiens ne serait pas un berger ; il en a 3 qui l’accompagnent, obéissent à chacun de ses mots et guident le troupeau d’une manière impressionnante. Pas de patou car il n’apprécie pas ce chien.

J’ai donc passé à ses côtés une semaine magique où j’ai beaucoup appris sur son métier, ses craintes, et le loup.

Mon berger et ses chiens

Le loup : je ne l’ai jamais vu, je préfère le dire de suite. Et tant mieux ! car je ne vous cacherai pas que, seule la nuit dans ma tente, placée en amont du troupeau, car le loup arrive par le haut, et même si la cabane du berger n’était pas loin, et bien je préfère être honnête, je n’avais pas du tout envie de le voir ! Il est là, chaque jour, un voisin où une nouvelle nous le confirme. Les nouvelles vont vite, les éleveurs et bergers se passent les infos presque chaque jour, les gardes du Parc également. Où exactement ? Nul ne le sait. D’où une vigilance permanente…et j’ai le sentiment que cette menace qui plane en permanence doit être usante. Impossible de baisser la garde !

De retour de l’alpage, en route vers le parc, en passant devant ma tente…

Les mesures de protection : dans le cas de mon berger, elles étaient simples et cadrées. Répétées chaque jour. Chaque soir, il rentre ses bêtes dans un parc, lui-même entouré d’un plus grand électrifié. Chaque soir, il allume des lumières à chaque coin. Chaque soir enfin, il a un éco-volontaire qui dort en amont de son troupeau. La présence humaine est pour lui primordiale, il a attendu son premier volontaire pour monter à l’estive et depuis, ils se succèdent sans interruption. A préciser que dans le parc, il ne peut être armé ce qu’il ne refuserait pas ailleurs car il considère que les tirs de défense sont une bonne chose.

Le parc et les lumières autour

Anecdote : je croise un berger de brebis laitières, qui n’a donc à priori pas de problèmes avec le loup car il rentre son troupeau chaque soir à la bergerie. Quand il réalise que je suis une éco-volontaire, il dira au berger – pas devant moi-  « comment peux-tu nourrir une pro-loup ? ». No comment.

Enfin si, un, pour ceux qui imagineraient que « mon » berger est un pro-loup. Non, il ne l’est pas ; il serait sans aucun doute plus heureux et serein sans et considère que ses grands-parents ont eu bien raison de l’éradiquer. Il y a d’un côté son troupeau, de l’autre, les adversaires de son troupeau : chiens errants, vipères mortelles, le loup. S’il avait un fusil et l’une de ces espèces sur son chemin, il les éliminerait. Il fait avec, c’est tout.

Résultats : je n’ai passé qu’une semaine dans l’alpage, je n’en tire donc aucune conclusion définitive. Comme me l’a dit un garde du Parc venu déjeuner avec nous, chaque cas est différent : la configuration de l’alpage, la taille du troupeau, les mesures de protection, la proximité des loups, en meute ou isolé… J’insisterai sur le point qui me semble décisif : l’éleveur ou le berger lui-même ! J’écris les choses comme je les ai vécues :

-         au milieu, mon berger et son troupeau qu’il ne quitte pas, des mesures de protection réglées et répétées chaque jour avec la même vigilance, pour le moment et après 2 mois d’estives, il n’a subi aucune d’attaque.

-         à droite, hors parc, un troupeau de 1000 bêtes que nous pouvons observer à la jumelle. L’éleveur a d’autres activités et délègue la surveillance de son troupeau à un berger. Celui-ci semble dépassé par la situation : un soir parmi d’autres, le troupeau est divisé, une grande partie sur une crête, sans lui avec deux patous; l’autre à un autre bout et lui errant au milieu de cela, armé et tirant à tout va ! Pas de contrôle de la situation, des bêtes éparpillées dans des situations dangereuses à la nuit tombée…Pourtant le loup rôde, l’éleveur le sait, il l’a vu.

-         à gauche, sur un autre alpage, à vue de jumelles lui aussi, 2 troupeaux de 2000 bêtes, avec des bergers la journée et des patous la nuit. Les troupeaux sont en « couche libre », ils ne sont donc pas rentrés le soir. Seuls les patous surveillent, 2 pour l’un, 6 pour l’autre. Une journée de rando dans ce coin, je discute avec l’éleveur qui se moque gentiment des éco-volontaires (des urbains dans les alpages pour garder nos bêtes, imaginez… ;-)) ; et quand je lui demande s’il n’est pas risqué de laisser ses bêtes seules le soir, si les patous suffiront, il me répond : « je ne fais confiance à aucun berger pour garder mes bêtes ». Et bien ce même jour, dans la nuit, le loup attaquera et abimera sérieusement 5 de ses chiens. Est-ce bien sérieux ?

Alors oui, mon idée se précise : la présence humaine est un atout incontestable. Au mieux, celle de l’éleveur ou du berger. L’éco-volontaire est un atout dans un dispositif où le troupeau est parqué. D’ailleurs les mesures loup n’obligent-elles pas le parc ?

Les mesures de protection sont certes une lourde contrainte d’organisation au quotidien mais bien menées, elles se révèlent efficaces.

Le pastoralisme : un métier magnifique, garant d’une alimentation de qualité et de circuit court sur notre territoire ; garant aussi de l’ouverture des milieux et au-delà, de la maintenance de certains territoires ruraux où toute activité disparaitrait sans cela. Ouverture des milieux oui, mais en ce qui concerne la préservation de la biodiversité, je suis convaincue qu’elle n’est possible qu’avec une taille de troupeau réduite et bien mené au regard des milieux sensibles comme les captages de sources d’eau par exemple.

Ma petite expérience et mes discussions m’ont fait entrevoir un pastoralisme aux multiples visages : « mon » berger aux pratiques responsables qui fait avec le loup, ceux qui refusent sa présence et dont on a le sentiment qu’adopter des mesures de protection, c’est presque l’accepter. Mais il y a aussi les éleveurs pour que le troupeau représente tant que les bêtes sont bien nourries en estive, bien soignées tout au long de l’année, que nombre d’agneaux naissent, que l’activité économique couplée aux subventions permet alors de bien travailler ; et puis il y ceux vivent beaucoup de subventions, ont des troupeaux de 2000 bêtes mal gardées et gagnent leur vie sur le nombre et pas la qualité. Si les subventions agricoles devaient être conditionnées au rendement, c’est-à-dire aux naissances d’agneau, l’équilibre économique de la filière ne serait-il pas largement menacé, avec l’avantage d’obliger à des pratiques plus responsables ?

Les bergers, une espèce en voie de disparition ? Je commencerai par une anecdote qui m’a serré le cœur. En lisant un prospectus distribué dans l’office de tourisme du village le plus proche et décrivant la balade de l’alpage où nous sommes, je découvre cette phrase « vous aurez peut-être la chance d’y croiser le dernier berger »…

Ce métier est-il menacé ? Très certainement dans le sens où certains abandonnent et peu veulent reprendre. Et oui, je peux comprendre que le loup est un argument -de plus- qui fait reculer les plus jeunes qui voudraient s’engager. Mais face à cette situation, il y a une attitude des éleveurs eux-mêmes qui fait réfléchir : entre l’éleveur qui me dit qu’il ne confierait son troupeau à personne, même pas à un berger ; et « mon » berger qui me dit qu’il comprend cette attitude, je m’interroge sur leur engagement pour transmettre leur métier.

Pour finir : Pro ou anti-loup, cela n’a pas de sens. J’exècre la politique en noir et blanc comme si tout était si simple. Encore moins simple quand on est attachée au pastoralisme et à son devenir d’un côté, et à la protection d’une espèce protégée de l’autre. Ces quelques jours m’ont donné l’espoir qu’en s’en donnant les moyens, les deux pouvaient cohabiter.

Annabelle Jaeger

Conseillère régionale de Provence-Alpes-Côte d’Azur, déléguée à la biodiversité