Loi Asile – Immigration : explications de vote d’Eric Alauzet
Dimanche 22 avril, le projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie a été adopté.
Comme la plupart de mes collègues, j’ai voté ce texte et sa philosophie générale, à la recherche à la fois d’efficacité et d’humanité, je l’ai fait avec une réelle sérénité après que les explications, débats et amendements aient permis d’assurer la garantie des droits des demandeurs d’asile tout en répondant à l’objectif impératif de réduction des situations inextricables et inhumaines de « ni-ni » (ni expulsables, ni régularisables), en même temps que le texte renforçait le droit et les conditions de l’asile.
Ce projet aura fait l’objet, aussi bien en commission qu’en séance, de nombreuses controverses, de faux débats, de raccourcis, d’outrances, d’instrumentalisations, mais aura aussi soulevé de vraies questions et de réelles inquiétudes auxquelles un grand nombre ont pu trouver des réponses au cours du débat parlementaire.
Aussi, il m’est apparu impératif d’expliquer ce texte dans le détail pour répondre aux nombreuses tentatives de désinformation.
- Des bouleversement européens et mondiaux appelant une réponse législative forte
Il convient d’abord de rappeler le contexte dans lequel s’inscrit ce projet de loi. Ce contexte est celui d’un monde en bouleversement (guerres, dictatures, corruption, changement climatique…) qui génère des flux migratoires croissants. Pour illustrer cette évolution il suffit de comparer le nombre de demandeurs d’asile, qui dépasse 100 000 en 2017 (+ 17% par rapport à 2016) contre 60 000 en 2012 et est en augmentation continue depuis 2007 (à l’exception de 2014), sans compter les non-admissions aux frontières qui concernent aujourd’hui 85 000 personnes. On peut noter que toutes les demandes effectuées ne proviennent pas forcément des pays les plus « dangereux ». Ainsi, en 2017, le premier pays en nombre de premiers demandeurs était l’Albanie avec un nombre de demandes plus de deux fois supérieur à celui de la Syrie (7630 albanais ont demandé l’asile pour la première fois en 2017 contre 3249 syriens).
Le contexte est également celui de situations économiques dégradées, notamment dans les pays occidentaux, et de la montée des populismes qui ont progressé dangereusement ces dernières années, comme l’attestent les élections récentes en Allemagne, en Autriche, en Hongrie ou encore en Italie.
- Un objectif clair : réduire le délai d’instruction pour sécuriser les parcours des demandeurs d’asile
Cette loi entend donner une pleine portée au droit d’asile en améliorant le traitement des demandes et les conditions d’accueil de sorte que ces personnes puissent accéder le plus rapidement possible notamment au logement, à l’emploi ou encore à la maîtrise de la langue française pour une meilleure insertion.
Il s’agit précisément de raccourcir les délais d’instruction afin que les ressortissants de l’asile bénéficient le plus rapidement possible des dispositifs prévus et que les demandeurs d’asile sachent dans les meilleurs délais s’ils peuvent ou non construire leur avenir dans notre pays, alors que 70% d’entre eux sont déboutés.
Il s’agit également de lutter contre les trafics organisés autour des migrants sachant qu’Europol a 65 000 organisations dans le viseur. 303 réseaux ont été démantelés en France l’an passé : 139 filières d’aides à l’entrée au séjour ; 79 étaient spécialisées dans la fraude à la documentation ; autant pour le travail illégal ; 22 dans la reconnaissance frauduleuse de paternité ; 2 pour les mariages blancs.
- Des problèmes que ce texte ne règle pas (cliquez ici pour accéder à l’article)
Il y a aussi des situations que ce projet de loi ne traite pas. C’est le cas de :
- La logique « ubuesque » de la procédure Dublin
- Le sort des familles ne bénéficiant pas de l’asile mais en demande de régularisation
- Des avancées majeures pour accompagner les demandeurs d’asile
- En matière d’hébergement, des engagements de construction et d’une meilleure orientation
Le projet de loi aborde la problématique de l’hébergement des personnes, corollaire essentiel de la demande d’asile. Il permet ainsi d’orienter les demandeurs vers les zones géographiques qui disposent des capacités d’hébergement disponibles pour les accueillir. Si le projet ne règle pas la question du nombre de places mises à disposition, un premier engagement fort a été prévu en loi de finances 2018 avec le projet de construction de 7500 places sur 2018 et 2019. Les actions et la réflexion devront se poursuivre sur ce sujet afin que la demande d’asile ne soit pas une impasse pour les familles qui ne possèdent pas les ressources suffisantes pour se loger.
- Des droits étendus pour les demandeurs d’asile
Il faut d’abord noter les progrès apportés par cette loi en matière d’asile.
- Mise en place de la carte subsidiaire de quatre ans au lieu d’un an pour les bénéficiaires de la protection subsidiaire et de l’apatridie ainsi qu’aux membres de leur famille ;
- Assouplissement des conditions de délivrance de la carte de dix ans ;
- Droit à la « réunification » familiale étendue aux frères et sœurs à charge des parents que les LR et le FN ont tenté à tout prix d’assimiler au regroupement familial et à un nouvel appel d’air ;
- Meilleure protection pour les mineurs exposés au risque de mutilation sexuelle, pour les filles et pour les garçons ;
- Exclusion de la liste des pays sûrs des pays qui criminalisent l’homosexualité (par amendement parlementaire) ;
- Création d’une mission d’hébergement préalable à l’enregistrement de la demande d’asile (par amendement parlementaire) ;
- Possibilité d’accéder à l’emploi après 6 mois de présence (Proposition du rapport Taché sur l’intégration) ;
- Sécurisation de la vidéo audience (par amendement parlementaire) ;
- Amélioration des dispositifs en faveur de l’apprentissage du français.
- Un « délit de solidarité » aménagé pour sécuriser juridiquement l’aide humanitaire désintéressée et ne pas transiger avec les réseaux de passeurs : cliquez ici pour lire l’article
- 4 points de vigilance méritent une explication détaillée (cliquez sur l’article pour l’ouvrir) :
- L’allongement de la durée maximale de rétention de 45 à 90 jours
- La présence des mineurs avec leurs parents en centre de rétention
- Le recours accru à la vidéo-audience pour plus d’efficacité et de confort pour les demandeurs
- Le raccourcissement du délai de recours d’un mois à quinze jours
Finalement, un texte alliant humanité et fermeté et dont l’instrumentalisation ne fait que refléter la nécessité
Le débat a malheureusement été l’occasion, d’un côté de l’hémicycle, d’user et d’abuser de l’épouvantail de l’appel d’air et du laxisme, du côté opposé de l’hémicycle, de fermeture, de maltraitance et d’inhumanité.
Pour ma part, j’ai eu à approfondir ces dossiers sur la base des sollicitations diverses en circonscription, notamment lors de rencontres avec les associations, ainsi que pendant les échanges dans l’hémicycle où j’ai été très présent, bien que non membre de la Commission des lois compétente pour traiter ce sujet.