Point de vigilance et de controverse : Durée maximale de rétention
Adopté en séance publique le dimanche 22 avril dernier, le projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie augmente la durée maximale de rétention. Eric Alauzet souhaitait revenir sur cette modification et expliciter sa position.
- Dans quel contexte s’inscrit la thématique ?
La durée de rétention a été progressivement allongée depuis le début des années 80. Elle est passée de 7 jours à 45 jours entre 1981 et 2008.
La directive « retour » prévoit une durée de cent quatre-vingts jours, qui peut être prolongée jusqu’à dix-huit mois. Dix pays européens ont transposé strictement cette directive, parmi lesquels des pays qui ne sont pas hostiles à l’accueil des migrants : l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suisse, le Danemark. La France avait, elle, conservée une durée de rétention bien inférieure.
- Quelles modifications la présente loi apporte-t-elle ?
La proposition retenue porte sur une durée de soixante jours, assortie de la possibilité de deux rebonds de quinze jours, si bien qu’au total la durée maximale de rétention va passer de quarante-cinq à quatre-vingt-dix jours, soit deux fois moins que dans la plupart des pays voisins.
- Pourquoi de telles modifications ?
L’administration peut être confrontée à l’impossibilité de reconduite en raison du dépassement du délai qui est en France un des plus courts de l’Union européenne. Qui dit dépassement dit remise en liberté avec l’hypothèque sur la reconduite. L’empêchement à la reconduite à la frontière peut résulter soit de manœuvres dilatoires à l’initiative des personnes frappées par une Obligation de quitter le territoire français (OQTF) soit de l’inertie des Etats d’origine s’ils tardent à fournir le laisser-passer consulaire, parfois pour déroger à leurs obligations.
Le fait que la plupart des reconduites se réalisent en moyenne dans un délai beaucoup plus court (douze jours) est de nature à relativiser les conséquences de l’allongement de la durée de détention qui ne concernera en réalité qu’une minorité de personnes – évidemment cet allongement ne concerne pas les enfants avec leurs famille qui sont toujours expulsées dasn un délai court – pour lesquelles il est constaté une obstruction.
Il y a comme une contradiction à expliquer à la fois que la grande majorité des personnes en centre de rétention n’y séjournent en moyenne que douze jours et à considérer qu’un allongement de la durée maximale à 90 jours constituerait une atteinte aux droits alors même que très peu de personnes sont concernées et qu’il y a de leur part ou des Etats d’accueil précisément un non-respect du droit ou des conventions internationales. C’est la raison pour laquelle il est important de traiter ces cas particuliers.
- Quelle est ma position sur ce sujet ?
Je reste convaincu qu’une mesure privative de liberté doit être proportionnée et encadrée comme le prévoit le projet de loi. Par ailleurs, je considère comme la majorité de mes collègues que les conditions en centre de rétention ne sont pas dignes, d’où la nécessité de mobiliser des moyens budgétaires supplémentaires.
En résumé, l’article 16, tel qu’amendé en commission des lois par la majorité, permet une efficacité accrue en matière de lutte contre l’immigration irrégulière, un juste encadrement de la privation de liberté que constitue la rétention administrative – afin de l’utiliser principalement dans la lutte contre les manœuvres dilatoires – et une prise en compte des réalités opérationnelles des centres de rétention administrative.
Il s’agit donc d’une réponse équilibrée face à ceux qui défendent soit le « tout laisser faire », soit le « tout répressif ».