Ambitions 2020 pour le Très Haut Débit en région Centre
Intervention de Gilles Deguet. Monsieur le Président , Monsieur le Vice-président, mes chers collègues.L’informatique bouleverse et bouleversera en profondeur nos modes de vie et de production. En automatisant un nombre de plus en plus important de tâches programmables, elle détruit des emplois tout en libérant de l’espace pour des activités créatrices. Il y a donc nécessité, comme vous le soulignez d’une réflexion sur les usages du numérique.La croissance des capacités de traitement et des flux transportés est exponentielle. Et cette croissance se fait avec des infrastructures relativement légères, des consommations d’énergie et des productions de gaz à effet de serre relativement limitées. Ce qui fait du développement des techniques d’information et de communication un outil potentiel d’action contre les dérèglements climatiques d’ailleurs retenu dans notre Plan Climat Energie.Mais vous avez eu raison de tempérer l’optimisme. En effet les usages domestiques de l’informatique prennent une part de plus en plus importante dans les consommations du secteur résidentiel tertiaire, cependant que le développement des très gros serveurs fait apparaître des besoins d’énergie considérables. La recherche de sobriété et d’efficacité énergétique s’impose donc aussi à ce secteur. Dans le même ordre d’idées, je souhaiterais qu’on n’abuse pas de termes tels que « immatériels », « dématérialiser », qui laissent penser qu’il n’y a pas de matière, d’investissements, de propriété, de consommation de ressources dans ces activités. Le présent rapport prouve tout le contraire. Il y a donc nécessité d’une réflexion sur les infrastructures.InfrastructuresJe vais commencer par cet aspect. De nombreux intervenants de la conférence des territoires l’ont souligné, et ce rapport y revient longuement, le jeu de la concurrence pour des activités de réseau conduit globalement à privatiser les profits et socialiser les dépenses, mais il y a plus: elle conduit à des incohérences, et à une certaine insécurité. Plus au fond, elle conditionne l’équipement à la possibilité de rentabiliser les flux. En d’autres termes, dans les zones confiées aux opérateurs, le risque est grand que les équipements collectifs doivent attendre pour être raccordés que l’opticalisation soit rentable, cette rentabilisation s’appuyant globalement sur les usages privés. Il y a risque également de faire se développer des besoins factices dont l’objectif sera de faire monter les besoins de flux.L’intervention financière de la région devrait avoir au moins deux contre parties :- la première que les infrastructures créées soient utilisés pour des flux symétriques, l’asymétrie correspondant à une utilisation consumériste des réseaux;- la deuxième est que l’opticalisation se traduise rapidement par l’accès de tous au haut débit par voie filaire. Si, comme plusieurs départements l’ont prévu, on dispose d’un point optique par commune, il doit être possible de créer de nouveaux Noeuds de Raccordement d’Abonnés, pour raccourcir les boucles ADSL et en conséquence rendre la plupart des lignes éligibles au haut débit.UsagesJe voudrais aborder l’aspect des usages à partir de votre encadré sur les données ouvertes. J’attire l’attention sur les risques de divulgation de données personnelles, permettant l’interconnexion des fichiers, et sur l’utilisation à des fins de profit, de données dont le coût de collecte reviendra aux collectivités. Mais c’est surtout votre paragraphe sur la possibilité de mieux répondre, à partir de ces données, aux besoins particuliers d’un quartier, d’une catégorie de la population … qui m’inquiète.Cette approche me paraît significative d’une approche consumériste de l’utilisation des techniques d’information et de communication. Il confie à des opérateurs le soin de proposer des offres ciblées à des masses de clients, et nous savons que les fichiers qu’il faut utiliser pour cela se vendent déjà à prix d’or. A l’opposé se trouve une vision émancipatrice dans laquelle chacun définit ses besoins et doit pouvoir trouver dans le système les informations dont il a besoin.Consommation ou responsabilité, j’aimerais passer à ce crible un certain nombre d’usages.Je m’étonne de ne pas voir un encadré sur les logiciels libres, et sur les sources ouvertes; bien plus qu’aux données, c’est aux outils de l’informatique que l’accès doit être garanti. La région doit avoir un rôle dans la diffusion des logiciels libres.Il faut avoir également une réflexion sur l’irruption des intérêts économiques sur la toile, avec les projets Hadopi et ACTA.Enfin j’aimerais approfondir les remarques du rapport sur l’utilisation de l’électronique et l’informatique dans l’éducation (je répugne un peu quant à moi à parler d’e-éducation). Il y a un malentendu sur la connaissance. La société de l’information n’est pas de facto une société de la connaissance. La connaissance n’est pas l’accumulation de fiches ou de liens. Il fallait toute l’étroitesse d’esprit d’un Claude Allègre pour avancer que les mathématiques devenaient inutiles dès lors qu’on avait des calculatrices performantes. C’est tout le contraire …. l’automatisation des taches répétitives ramène la connaissance à ce qu’elle est au fond, une capacité d’assimilation, de création, d’invention. Encore faut-il aborder l’informatique avec cette vision émancipatrice. Elle est un formidable auxiliaire de la pensée, mais elle n’est pas la pensée. ...