L’agriculture régionale aujourd’hui, éléments pour un débat et pour une contribution de la Région Centre à la réforme de la PAC
Intervention Gilles Deguet.
Monsieur le Président , Madame la vice présidente, mes chers collègues.
Le débat qui s’est engagé depuis les dernières élections européennes, et même un peu avant, sur l’avenir de la politique agricole commune est d’une importance primordiale pour l’avenir de l’Europe. La PAC actuelle, il faut bien le dire, est à l’origine de plusieurs catastrophes écologiques majeures. Les mécanismes qui ont systématiquement favorisé la course au rendement sont à l’origine de la sur exploitation des eaux de surface et des eaux souterraines, de l’utilisation effrénée des intrants azotés et des pesticides, de la pollution des sols, des nappes et des rivières, de la destruction des habitats et d’une perte considérable de biodiversité des sols et de tous les milieux, d’une part non négligeable des gaz à effet de serre. Comme le rappelle à juste titre votre communication, Monsieur le Président, la pollution par les nitrates, qui atteignait déjà la proportion effarante de 46% de la surface régionale en 2002, est passée à 55% en 2007. Nous n’en sommes toujours pas à mettre en œuvre des solutions, mais seulement à constater l’aggravation des problèmes, comme le montre la carte de la page 14 de ce document de réflexion : chaque année, on ferme de nouveaux captages d’eau potable à cause des teneurs en nitrates ou pesticides, et même on en ferme de plus en plus. Je vous rappelle également que depuis 2001, le niveau moyen de la nappe de Beauce a baissé de 5 mètres.
Le paradoxe, c’est que deux politiques fortes de l’Union Européenne s’avèrent avoir des effets contradictoires. Pendant que nous multiplions les efforts pour atteindre les objectifs de la directive cadre européenne sur l’eau, les effets de la PAC réduisent méthodiquement nos efforts à néant. Et que dire des moyens en présence ! 725 M€ par an pour la PAC rien que dans la région Centre, cependant que l’agence de l’eau Loire Bretagne dispose d’à peine 40M€ par an pour réduire les pollutions agricoles sur l’ensemble du bassin Loire Bretagne.
Le temps n’est donc plus aux mesures environnementales d’accompagnement. C’est bien toute la politique agricole commune qui doit avoir pour objectif la restauration des écosystèmes, y compris dans sa composante principale, le premier pilier. Il est fondamental que les aides ne soient plus indexées sur les rendements. Il est vital que la part éco-conditionnée dépasse les 30% actuels, que les conditions s’étendent à une utilisation sobre de l’eau, et surtout qu’elles restent des vraies conditions et qu’elles ne soient pas édulcorées :
qu’on revienne à un nombre significatif de rotations dans l’assolement, que ces rotations concernent tous les terrains, que des prairies permanentes soient non seulement maintenues mais restaurées, et que le minimum de surfaces écologiques soit augmenté et sûrement pas inférieur à 7%, en particulier dans certaines parties de notre région dans lesquelles les seul corridors écologiques qui subsistent sont les routes.
Il nous faut une politique agricole commune qui donne un coup de fouet au développement de l’agriculture biologique et qui prévoie des mesures agro environnementales efficaces avec une obligation de résultat.
Depuis 2 ans, les propositions du commissaire Dacian Ciolos sont l’objet d’un lent grignotage. Les auteurs de ce grignotage devraient se méfier : si elle ne change pas profondément, la PAC n’aura aucune légitimité et ne sera pas défendable.
Monsieur le Président, j’étais il y a peu à Bruxelles avec la commission Développement Durable de l’ARF et nous avons rencontré divers acteurs de la commission et du parlement. La bataille est feutrée mais rude autour de la PAC, entre le Commissaire à l’agriculture Ciolos et la direction de l’environnement d’un côté, et les nombreux lobbies de l’autre qui cherchent à dénaturer le projet ; la controverse porte sur tout, sur le pourcentage de verdissement, sur l’effectivité des conditions, sur la conformité avec la directive cadre sur l’eau.
Monsieur le Président, madame la vice-présidente, ce sera l’honneur de la Région Centre de peser de tout son poids du côté d’une agriculture soutenable, qui préserve les sols, l’eau, l’air, la santé humaine, et non du côté de ceux qui depuis 20 ans soutiennent un système destructeur, en prolongeant des modes de production dépassés et en entretenant des aides inégalitaires. L’agriculture de la région n’a rien à gagner à la prolongation du statu quo. La vraie responsabilité c’est de soutenir tous les mécanismes qui permettront à l’agriculture, et en particulier à l’agriculture de la région d’affronter la transition inéluctable.