Séance Plénière du 28 juin 2013 – Plan Régional pour l’activité et l’emploi

8 octobre 2013

Intervention de Jacques Fernique

Monsieur le Président, chers collègues,

 Le 29 avril, vous nous faisiez part, après l’échec du référendum, de votre projet d’un plan régional pour l’emploi. Cette intention bien sûr positive, nous vous avons proposé de la soumettre de façon ouverte à tous les élus régionaux en commissions réunies : cela s’est fait et les écologistes ont dit à cette occasion leurs suggestions, leurs propositions, leurs réserves également. Il était convenu d’un calendrier qui permette également la concertation des partenaires sociaux et des forces vives par le biais du CESER : cela n’a pas été fait, nous le regrettons et nous ne le comprenons pas. Depuis des mois, les écologistes proposent qu’une conférence sociale permettent de mobiliser nos forces économiques et sociales autour d’objectifs partagés : manifestement le temps du dialogue ouvert et constructif n’est pas encore abouti. Aujourd’hui ce sont donc des propositions d’actions issues du seul exécutif régional qui sont sur la table : il est certain qu’il n’est pas évident de rebâtir une volonté commune partagée avec les autres acteurs après l’échec de la fusion régionale. Ceci dit les urgences économiques, environnementales, sociales, énergétiques sont là et notre responsabilité d’élus c’est d’agir même si les conditions sont compliquées.

Je l’ai dit en commissions réunies, il ne faudrait pas que notre démarche soit comprise comme une simple opération cosmétique visant à sauver la face après ce douloureux 7 avril. Il s’agit de montrer une vraie volonté d’actionner des leviers utiles et efficaces. Nous avons donc déjà insisté sur notre refus d’un simple ré-habillage de dépenses et de crédits déjà prévus : pour fournir un net effort supplémentaire de relance, il faudrait donc soit actionner l’emprunt -or la dette est certes stabilisée mais à son sommet – soit réaffecter des sommes prévus pour des projets somme toute non prioritaires, voire contre-productifs : les écologistes en ont relevé un bon nombre (contribution au dumping fiscal pour l’aéroport d’Entzheim, crédits routiers, rallye, golf de la Sommerau, aides de complaisance et j’en passe). Bien sûr cela ferait des mécontents, on les entend fortement par exemple dans le débat national d’aujourd’hui sur les remises en question de projets d’infrastructures dont la somme est hors de portée de l’argent public qui doit dorénavant aller à l’essentiel : il s’agit de choisir et non pas de distribuer à tout va.

 

Ce n’est pas vraiment cette logique là qui structure votre « Plan pour l’activité et l’emploi » : il penche plus vers une liste de mesures disséminant nos moyens limités dans un « saupoudrage extensif » que vers une véritable feuille de route pour l’Alsace. Bien sûr, la nécessité de faire vite ne facilite pas la cohérence, c’est d’ailleurs ce qu’indique votre proposition complémentaire d’engager une démarche de réflexion stratégique sur les grands enjeux régionaux : assurément cela nécessite un rythme d’élaboration et de concertation plus adaptée pour des actions vraiment déterminantes.

 

Nous savons que, pour reprendre pied, l’Alsace a besoin de lignes directrices fortes qui d’une part exerceront un véritable effet levier sur son économie et sur la création d’emplois, et qui d’autre part sauront répondre aux grands défis de la prochaine décennie comme la transition énergétique, les transports durables et l’économie verte. De notre point de vue, votre proposition ne répond pas à ces objectifs même si nous y trouvons certaines actions pleinement positives. C’est d’ailleurs pourquoi je demande un vote séparé des différents volets.

 

 

Le 1er volet qui vise à relancer rapidement des projets d’investissements communaux avec 9 M€ est celui qui nous paraît le moins adapté dans ses modalités.

Certes il s’agit de faire tourner les bétonneuses alsaciennes du BTP. Mais les écologistes vous disent et l’ont dit en commissions réunies, qu’il serait mieux aussi qu’elles tournent au profit des axes prioritaires de l’intervention régionale. Car c’est par là aussi que sont les solutions à la crise.

 

Non seulement il n’est fait aucune mention dans votre proposition des politiques sectorielles essentielles soutenues par la Région (rénovation thermique, intermodalité…), mais il est même précisé, de façon complètement incompréhensible, que l’aide attribuée aux communes ne sera pas cumulable avec une aide régionale sectorielle. Dans ces conditions, comment obtenir un effet levier significatif allant dans le sens de nos priorités régionales, priorités qui justement entendent sortir notre région de la crise.

 

Je vous demande donc de soumettre au vote de notre assemblée un amendement de suppression de cette clause de non-cumul qui, si elle était maintenue, forcerait les communes à faire avancer des projets moins intéressants du point de vue de l’intérêt régional.

 

Par ailleurs, il faudrait réduire l’effet « dissémination » car du fait du plafond fixé à 50 000 € maximum, l’effet levier paraît peu évident. Il ne nous semble pas efficace de chercher à « parsemer » ces 9 millions d’euros sur un maximum de communes même si bien sûr des arrière-pensées électorales peuvent y inciter. Au contraire, nous pensons que l’attribution de l’aide à l’investissement doit être ciblée de manière à appuyer les grandes orientations régionales : nous proposons donc, nous l’avons dit en commissions réunies d’y mettre des critères structurants.

 

Les projets communaux et intercommunaux soutenus par la Région devront prendre en compte des objectifs de développement durable et permettre de réelles avancées dans les domaines de la transition énergétique (rénovation thermique, économies d’énergie, énergies renouvelables…), des transports durables (intermodalité, parkings relais…) ou encore de l’aménagement durable (économie de foncier, préservation de la biodiversité et des ressources naturelles, trames verte et bleue…).

 

Il serait bon également que l’aide attribuée soit adaptée en fonction des spécificités des communes et EPCI en prenant en compte les inégalités territoriales, le potentiel financier etc.

 

Nous demandons ensuite l’ajout d’un second volet qui reprenne l’effort engagé par le plan de relance régional de mars 2009 et par le plan Agir pour l’Emploi qui a suivi fin 2009. Je parle des grands projets régionaux pour lesquels la Région a la maîtrise d’ouvrage : lycées, CFA, infrastructures ferroviaires etc. Il s’agirait, comme à l’époque, de procéder à l’accroissement et à l’accélération de l’investissement public direct concernant les travaux d’investissement et de maintenance sous maîtrise d’ouvrage régionale. Pour nos lycées, nous avons suffisamment de tranches conditionnelles qui ne demandent qu’à être concrétisées et dans lesquels il reste beaucoup à faire notamment en matière de réhabilitation énergétique. Mais aussi pour nos programmes d’aménagement ferroviaire, particulièrement sur les gares, les nœuds de Mulhouse et Strasbourg pour lesquels il faut foncer puisque l’État s’y dit disposé,  et bien sûr la réouverture toujours reportée de la ligne Bollwiller-Guebwiller.

 

Pour le deuxième volet, nous sommes bien entendu favorables à des aides renforcées en matière de bilinguisme et d’apprentissage transfrontalier. Les dispositifs qui existent aujourd’hui ont du mal à se développer et à mieux permettre l’accès de nos jeunes aux emplois à pourvoir de l’autre côté du Rhin, comme à renforcer les compétences linguistiques utiles aussi dans l’emploi alsacien.

 

Concernant les stages en langue allemande, l’expérience a montré que les personnes ayant suivi ce type de formation n’iront pas mécaniquement travailler en Allemagne ou en Suisse mais que le renforcement de leur qualification et de leurs compétences bilingues a permis à bon nombre d’entre eux de trouver un emploi en France (ainsi pour les actions menées par l’AFPA depuis 2010 : suite aux actions de qualification en franco-allemand, 68% se sont insérés en France , 18% en Allemagne).

 

 

 

Sur l’apprentissage transfrontalier

La volonté de développer l’apprentissage transfrontalier – qui aujourd’hui n’a pas véritablement décollé– est très positive. Pour lever les difficultés actuelles (immersion dans un autre milieu culturel, sentiment d’isolement…), il est essentiel d’améliorer la préparation et l’accompagnement des apprentis.

Par ailleurs, ne nous contentons pas d’échanges unilatéraux : il s’agit de trouver des solutions qui rayonnent à 360°, dans tout l’espace du Rhin Supérieur. Pour ce faire, il convient bien sûr de poursuivre le repérage des entreprises allemandes ou suisses implantées à proximité de la frontière qui recherchent de la main d’œuvre et qui sont atteignables en 30 minutes. Mais la réciproque est également importante : à nous de veiller à améliorer les conditions de formation en alternance dans nos entreprises alsaciennes afin d’attirer les apprentis allemands ou français dans notre région. Car le déficit de jeunes motivés à être formés dans l’industriel reste notable pour nos formations. Ce sera une façon aussi de ne pas prêter le flanc à ceux qui pourraient penser que nous négligeons les demandes de nos industriels pour privilégier celles de nos voisins allemands.

 

Sur le volet « emplois aidés (1 M€) »

Nous saluons la volonté d’aider les jeunes les plus en difficulté, les plus éloignés de l’emploi même si nous savons bien que cette mesure à elle seule ne changera pas la donne dans une Alsace qui compte aujourd’hui 23 000 jeunes de moins de 25 ans au chômage.

 

Les emplois aidés, en particulier les emplois d’avenir, s’adressent en effet aux jeunes peu ou pas qualifiés issus de zones sensibles. Nous savons les uns et les autres les limites et les travers des dispositifs analogues précédents d’emplois aidés. Ce dispositif ci est conçu pour en tirer les leçons en veillant à des conditions de travail sécurisantes, à la mise en place sérieuse d’un volet formation pour permettre à ces jeunes de construire un projet professionnel sur le long terme. Il conviendra donc de suivre avec vigilance et exigence la mise en œuvre de ces impératifs.

 

Sur le volet « soutien à l’export (1,2 M€) »

Nous nous étonnons de l’hétérogénéité des mesures proposées dans cette rubrique, et du fait qu’aucune précision ne soit donnée quant à la manière dont vous comptez répartir ces 1,2 M€, ni sur les critères d’attribution de ces aides.

 

Les écologistes n’ont jamais caché leurs réserves concernant les dispositifs régionaux actuels d’aide à l’export. N’ayant à ce jour jamais eu de véritable bilan sur les retombées économiques réelles pour notre région des opérations collectives telles que la participation à des salons à l’étranger (salons et prospection internationale), nous désapprouvons l’engagement d’un montant supplémentaire sur ce volet.

 

Ceci dit, l’aide aux VIE (volontariats internationaux en entreprise pour des jeunes de 18 à 28 ans) est la mesure la plus proche de l’emploi, elle nous paraît par contre positive.

 

Par contre, le soutien aux galeries d’art est sans conteste la proposition la plus en décalage avec les défis en jeu. On a de la peine à comprendre la pertinence de cette mesure dans le cadre d’un plan de relance. Sans doute c’est une initiative qui peut avoir un intérêt mais qui relève des rapports ordinaires de notre assemblée.

 

Sur l’Aide aux actions collectives dans l’artisanat (0,5 M€ dont 0,2 M€ étude stratégique)

La déstabilisation importante qu’a subie le monde de l’artisanat en Alsace suite à la décision du conseil constitutionnel nous paraît justifier la réalisation d’une étude qui permettra de mieux cibler les attentes des artisans et la véritable valeur ajoutée que peuvent apporter les corporations en complémentarité avec la Chambre des Métiers. Néanmoins, l’engagement de 300 000 € supplémentaires nous paraît pour l’instant prématuré. En tout cas, l’absence de précisions nous fait craindre un simple abondement à leur fonctionnement ordinaire.

 

Sur l’établissement foncier régional (4 M€)

Là, vous avez pleinement l’accord des écologistes. Quel est l’enjeu ? C’est celui du renforcement des capacités de nos collectivités à mener leurs projets d’aménagement durable et solidaire du territoire. Projets urbains fondés sur l’économie d’espace, protection des espaces agricoles et naturels, reconversion de friches (travaux de démolition et de dépollution), aménagement raisonné de zones d’activité… autant d’actions qui nécessitent un accompagnement, une anticipation, des démarches de longue haleine pour lesquelles l’établissement public foncier est le bon outil.

L’outil foncier régional, le groupe écologiste (Philippe Carbiener, Andrée Buchmann) n’a cessé de le demander pendant le mandat 2004-2010. Nous y voilà enfin. Très bien. Il y a faudra une volonté partagée avec le département du Haut-Rhin notamment, et cela ne va pas être évident, il faudra faire preuve de conviction, il faudra aussi de la pédagogie car nous avons appris récemment combien en ces temps de crise et d’incertitude, nos concitoyens appréhendent la nouveauté.

 

En nous appuyant sur l’acquis du Bas-Rhin, mais aussi sur les expériences intéressantes de Bretagne, de PACA ou d’Ile-de-France, nous pouvons changer la donne pour contribuer au renouvellement urbain et à une maîtrise foncière si nécessaire dans notre Alsace étroite et vulnérable.

 

Il s’agit donc à présent d’en convaincre nos collectivités alsaciennes.

 

 

 

En définitive, votre « plan pour l’activité et l’emploi » nous paraît encore inabouti même si certains de ces volets sont pleinement positifs.

 

Oui aux formations franco-allemandes. Oui aux emplois aidés. Oui à l’étude stratégique sur l’artisanat et trois fois oui à l’établissement foncier régional.

 

Par contre, le premier volet sur les investissements communaux doit être retravaillé pour faire levier et contribuer aux grandes priorités régionales. En l’état, nous le désapprouvons.

 

Votre volet de soutien à l’export n’est pas véritablement convaincant. Nous ne le voterons pas.

 

Il manque un volet d’investissements directs sous maîtrise d’ouvrage régionale. Il faudra le financer par le renoncement à des dépenses contre-productives. 

 

Nous attendons donc une deuxième phase de votre plan en ce sens.

 

Enfin, pour la démarche proposée de réflexion stratégique par des groupes de travail aboutissant à quelques mois de l’ouverture des régionales de 2015, il sera difficile dans ce calendrier d’éviter les effets d’annonce et les affichages électoralistes. Mais en tout état de cause, les écologistes souhaitent que la volonté de co-construire un schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire ne soit pas brisée avant même d’être engagée. Il faudra donc qu’un groupe de travail transversal s’y consacre. Mettre en cohérence et en ordre de marche les SCOT, le SRCE, les SAGE, le SRCAE, le SRDE, le Schéma des mobilités, celui de l’innovation : voilà l’enjeu si l’on ne veut pas que ces documents remplissent seulement des tiroirs. Il s’agit de briser les cloisonnements, de ne pas renoncer à l’esprit de cohérence, à la dynamique de fusion et d’efficacité.

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