Intervention de Jacques Fernique
Monsieur le Président, chers collègues,
Les écologistes n’approuveront pas votre budget. Pour trois raisons.
Ils ne l’approuveront pas parce qu’ils n’y trouvent pas les réponses adaptées à la crise qui frappe si durement notre Alsace : c’est la première raison. Oui, il faut soutenir et susciter les efforts des acteurs économiques, mais notre tâche, si nous voulons être efficaces, c’est de le faire en privilégiant les emplois durables, l’économie solidaire, en réduisant les précarités, les inégalités territoriales, en engageant et ce n‘est pas une mince affaire la transition énergétique pour desserrer le handicap des fossiles et du nucléaire, en assurant le ménagement des territoires et des ressources naturelles de notre Alsace si vulnérable, si précieuse.
Bien sûr, ces enjeux ne sont pas totalement absents de vos dispositifs, mais nous ne trouvons pas dans vos politiques liées à l’économie et au développement (15% des dépenses d’intervention) cette détermination majeure qui serait nécessaire pour engager la transition écologique de l’économie régionale. Celle-ci ne se fera pas à coup de slogans et de mesurettes, elle ne pourra pas non plus s’opérer par la seule dynamique encore incertaine de la Marque partagée. Alors que l’hémorragie des destructions d’emplois et de la progression des précarités se poursuit de façon accentuée pour notre région, ce ne sont pas les recettes classiques qui inversent la tendance. Notre Schéma de Développement Économique date de 2006 : il s’agit de le refonder. Bientôt, je l’espère, il le faut et on le voit ce n’est pas encore gagné, le gouvernement donnera aux régions et donc au Conseil unique voulu par les alsaciens le pilotage du développement économique. J’espère que l’intervention forte d’hier de Jean-Jack Queyranne, la pression de l’ARF, celle des écologistes, celle d’une part des socialistes seront déterminantes pour faire bouger le curseur dans ce sens, pour que nous ayons effectivement le pilotage du développement économique. Il s’agit pour nous d’être fins prêts pour ce rendez-vous…
Votre budget 2013 n’en prend pas clairement le chemin : c’est d’ailleurs une des déceptions majeures que le CESER formule dans son avis, qui –je crois que c’est la première fois que cela arrive depuis qu’il fait des avis sur nos budgets primitifs- est unanime.
Les écologistes n’approuveront pas votre budget pour une deuxième raison : parce qu’il réduit année après année les efforts en matière d’éducation-formation (41% des dépenses d’intervention pour 2013 contre 46 % en 2010) et particulièrement de formation professionnelle. Voilà une des compétences principales de la Région, voilà un levier majeur pour l’insertion des jeunes, pour la sécurisation de l’emploi des actifs, pour la performance économique : et bien c’est justement ce domaine qui pâtit le plus des efforts de rigueur budgétaire.
Bien sûr on nous rétorque que l’augmentation avait été telle lors du mandat précédent – un doublement des crédits de la formation continue à l’époque – que l’on peut se permettre à présent de vigoureux coups de rabot : c’est oublier que ce doublement n’avait été qu’un rattrapage puisque qu’il avait permis à l’Alsace de se hisser parmi les régions juste en dessous de la moyenne pour les dépenses par habitant (fonctionnement et investissement) pour la formation professionnelle et l’apprentissage.
Alors que nos méthodes et nos services sont performants sur le sujet, alors que l’élaboration concertée du CPRDFP a posé les éléments solides et partagés pour l’action, alors que le Parlement s’apprête à renforcer les régions comme animatrices principales sur le front de la Formation professionnelle, alors qu’avec le Conseil Unique, l’Alsace aura l’opportunité de se hisser à la bonne échelle pour cette responsabilité majeure, et bien votre budget cette année lève encore davantage le pied.
Enfin, et c’est la troisième raison, les écologistes n’approuveront pas votre budget parce qu’ils n’y trouvent pas la détermination nécessaire pour faire progresser fortement l’écologie, pour, selon votre formule, construire l’Alsace durable. Bien sûr, notre région a des acquis, une expérience indéniable : la progression des TER, sa politique énergie, l’éducation à l’environnement, ses réserves naturelles et j’en passe… Bien sûr, nous avons ces quelques atouts mais ils ne suffiront pas pour enrayer la consommation d’espace qui saccage la qualité de vie et restreint l’agriculture, pour rétablir la biodiversité, la qualité des eaux et des paysages, pour coordonner des politiques de transports qui puissent réduire voiture individuelle, camion et aérien, au profit du rail, des déplacements doux et collectifs (les transports c’est 40% de nos dépenses d’intervention). Alors que la réforme territoriale va faire des régions, si elles sont entendues, de la Région l’instance pilote de l’aménagement régional, alors que d’aucuns persistent ici même en Alsace à considérer l’environnement, la biodiversité comme l’ennemi du progrès, alors que certains en sont encore à vouloir réactiver le GCO, que d’autres ou les mêmes remettent en cause les avancées partagées du Grenelle et les objectifs de la conférence environnementale, nous avons besoin pour notre région d’une politique écologiste résolue : elle n’est pas manifeste dans votre budget.
Monsieur le Président, chers collègues, les écologistes savent faire la part des choses, ils ont le sens des nuances et ne voient pas la politique en noir et blanc. Parmi les différents budgets thématiques que nous examinerons, nous approuverons ceux qui articulent de bons objectifs et une distribution adaptée des moyens, nous nous abstiendrons sur les politiques positives dans leurs intentions mais dotés de moyens et de détermination insuffisants, enfin, nous voterons contre les politiques contraires à l’élan de transformation écologique et sociale.
Et en définitive, si nous voterons « contre » votre budget, c’est parce qu’il est insuffisant voire contre-productif au regard des trois enjeux majeurs qui sont au cœur des compétences régionales et du futur Conseil d’Alsace – l’économie, la formation et l’aménagement écologique du territoire.
Je vous remercie de votre attention.