Intervention de Jacques Fernique
Madame la Vice-Présidente, Monsieur le Président, Chers collègues,
L’Alsace conjugue paraît-il les oxymores, les contradictions, les contrastes. Pas besoin de lourdes études d’élaboration de la Marque Alsace pour l’établir, il suffit d’observer l’évolution de votre politique pour la formation continue.
Depuis le début de votre mandat en effet, la formation continue est l’objet d’un traitement totalement paradoxal : de bonnes idées mais de moins en moins de moyens. La stratégie construite et proclamée vise à une meilleure efficacité, à une mise en cohérence des dispositifs mais en même temps on tranche chaque année dans le budget : on croyait être arrivé au plancher l’an dernier et bien non, une petite baisse était encore possible. « Nous ne sommes pas obligés de faire du budget pour faire du budget » nous rétorquait l’an dernier Madame la Vice-présidente. Sans doute, mais ne sommes-nous pas obligés face au chômage et à la désindustrialisation de mobiliser toutes les énergies et tous les moyens nécessaires pour renforcer les compétences de tous et d’abord des demandeurs d’emplois ?
Bien sûr on nous rétorque, je l’ai dit hier, que l’augmentation avait été telle sous le mandat précédent d’Adrien Zeller – les crédits de la formation continue avait été multipliés par 2 – que l’on peut se permettre à présent d’alléger les crédits : ce doublement, nous l’avions dit à l’époque, avait été somme toute un rattrapage puisque qu’il avait permis à l’Alsace de parvenir juste en dessous de la moyenne des régions pour les dépenses par habitant pour la formation professionnelle et l’apprentissage.
Nos services en charge de la formation professionnelle sont motivés et performants, à la fois au siège et dans les territoires. Avec le Contrat de Plan Régional de Développement des Formations Professionnelles nous avons depuis bientôt deux ans posé les éléments solides et partagés pour l’action.
L’approfondissement imminent de la décentralisation s’apprête à renforcer les régions comme animatrices principales sur le front de la Formation Professionnelle.
Pourtant, cette année encore, votre budget recule sur ce chantier majeur.
Certes, nous ne sommes pas les seuls en Alsace à pied d’œuvre sur la formation professionnelle : les partenaires sociaux, les entreprises et les organismes collecteurs de fonds de la formation professionnelle ont en charge l’essentiel en matière de formation des salariés, l’État demeure incontournable et le Conseil régional n’intervient qu’en troisième position n’ayant le véritable leadership financier que pour les demandeurs d’emploi, et notamment ceux qui ne sont pas indemnisés. C’est sur cette compétence précise pour l’essentiel que vous avez fait le choix de recentrer les moyens régionaux, rompant ainsi avec la politique régionale précédente qui avait fortement développé – bien plus même que beaucoup d’autres régions – l’effort financier pour la formation des actifs occupés (qui représentait en Alsace à la fin du mandat précédent plus de 15% des sommes mandatées pour la Formation Professionnelle Continue).
L’intergroupe Verts-PS avait à l’époque insisté pour sécuriser, par le renforcement des compétences, les emplois des salariés fragilisés par les difficultés particulières de notre économie régionale, principalement l’industrie. Depuis 2010, votre ligne est celle du recentrage et de la complémentarité avec les autres financeurs.
Mais cette complémentarité aujourd’hui n’est pas aboutie, pas évidente : si elle s’articule bien avec Pôle Emploi, elle est encore bien imparfaite avec les OPCA. Aujourd’hui les élus régionaux qui seraient dit-on les ensembliers chargés de la cohérence du patchwork compliqué de la formation continue n’ont pas vraiment la possibilité de mesurer et d’apprécier l’effort global de formation professionnelle en Alsace et sa répartition précise entre les différents acteurs et son évolution face aux besoins criants.
Ces besoins et les actions pour y répondre, le Contrat de Plan Régional de Développement des Formations Professionnelles les a clairement établis. C’est un document pour l’action, il est aujourd’hui à mi-mandat puisqu’il arrivera à échéance en 2014. Sa mise en œuvre opérationnelle aurait dû être assurée par la négociation entre partenaires des conventions annuelles d’application précisant la programmation et les financements respectifs des actions. Le rapport récent de l’Inspection Générale des Affaires Sociales pointe la difficulté à mener ces démarches, leur caractère trop peu élaboré se résumant parfois à de vagues programmes de travail annuel. Je suis, nous sommes, également en attente de progrès là-dessus : la clarté des objectifs, des actions, des financements et des résultats doit être l’exigence permanente de ceux qui sont élus.
Nous avons convenu d’être court, d’aller à l’essentiel, je ne vais donc pas balayer les dispositifs et déployer un inventaire de remarques : je le fais je crois suffisamment en commission. Je voudrais juste relever trois points.
Vous avez érigé en principe pour les formations des demandeurs d’emploi un taux d’insertion à l’issue de la qualification autour de 65%. C’est un bel objectif, mais le travail récent de l’OREF sur le devenir 2011-2012 de nos stagiaires de la formation continue nous montre qu’on ne mène pas des politiques avec juste des slogans. Pour les actions visant l’accès à l’emploi, l’objectif est atteint pour 53% des stagiaires, 31% pour les chômeurs de longue durée : 45% des insérés occupent un emploi précaire. Et pour les actions visant la poursuite d’études, l’objectif n’est atteint que par 18% des stagiaires. La conjoncture est particulièrement dure, les difficultés des chômeurs et des entreprises sont très lourdes ; alors est-ce vraiment réaliste et opérationnel de proclamer que nous ne privilégierons dorénavant que les formations qualifiantes dont le taux d’insertion avoisine les 2/3, voire même d’annoncer que nous y arrivons déjà pour toutes nos formations comme l’écrivait en gras votre document de conférence de presse de rentrée, je cite « grâce à l’action volontariste de la Région, 7 stagiaires sur 10 accèdent à un emploi à l’issue de leur formation » : j’ai beau scruter tous les tableaux et graphiques de l’OREF, je n’en vois aucune avec un tel taux d’insertion.
Mon autre remarque concerne le défraiement de 10 € par jour de formation (pour les repas et les trajets) que nous versons à ceux de nos stagiaires des stages d’approche de la vie professionnelle qui ne perçoivent aucune rémunération ni indemnité par ailleurs. Ce montant a été fixé lors de la création de ce défraiement il y a plus de 6 ans par Adrien Zeller. Depuis il n’a pas bougé d’un centime. Il y a des années que nous demandons l’indexation de ce défraiement sur le coût de la vie : on nous a toujours répondu qu’une revalorisation allait être envisagée. Ce n’était que des mots puisque ce ne sera manifestement pas pour cette année.
Enfin, concernant le développement de l’économie verte, secteur créateur de nouveaux métiers et surtout générateur de nouveaux emplois, les perspectives que trace l’OREF soulignent le déficit des compétences scientifiques et pédagogiques dans ce domaine : encore une fois nous insistons sur le besoin en formateurs sensibilisés et qualifiés, capables d’enseigner les nouvelles techniques dans ce secteur.
Merci de votre attention.