Intervention d’Antoine Waechter
Monsieur le Président, chers collègues,
Voici un rapport bienvenu, car il est toujours bienvenu qu’il y ait un regard extérieur, objectif, non partisan, sur les politiques qui sont menées. Je ne crois pas que ce qui est intéressant dans ce rapport soit le regard sur la politique régionale que nous menons à l’intérieur du périmètre régional, mais ce qui intéressant c’est le regard qui est porté en fait sur la politique nationale, interrégionale et dans lequel nous devons avoir une influence politique.
Alors, première conclusion : le TVG apparait clairement comme un outil de rationalisation des transports, et en particulier permettant la réduction des impacts énergétiques et climatiques des mobilités, puisque le TGV-est, dans sa première phase, a permis de transférer 800.000 voyageurs de l’avion sur le rail, et a permis de réduire à peu près de 35 % au moins sur un segment, les usagers de la route, élément incontestablement positif, du moins lorsque l’outil est correctement utilisé.
La seconde conclusion que j’en tire également est que le modèle que nous avons négocié avec Adrien Zeller en 1996 a parfaitement fonctionné : ce sont les résultats que je viens d’évoquer. Il a tellement bien fonctionné que cela nous permis finalement d’économiser la somme que nous allons mettre aujourd’hui dans la seconde phase, c’est-à-dire et que l’Etat et que globalement la collectivité va mettre, c’est-à-dire 2,1 milliard d’euros, dont 250 millions d’euros pour notre région.
La troisième conclusion, c’est que la politique du TGV se traduit aussi par une baisse de service, pour ceux qui majoritairement ne vont pas quotidiennement à Paris, j’ai déjà eu l’occasion de l’évoquer à plusieurs reprises, en particulier sur l’autre liaison, le TGV Rhin-Rhône. Et on aboutit aujourd’hui à ce résultat extraordinaire : Strasbourg est mieux reliée à Paris que vis-à-vis de ses voisines Nancy ou Metz, et l’on pourrait donner d’autres exemples identiques au sud avec le TGV Rhin-Rhône. La politique tarifaire, d’ailleurs, confirme le caractère inégalitaire de la logique TGV, où je vous rappelle que l’on est gagnant qu’à la condition d’avoir une rémunération de 3.200 € nets.
J’avais fait le calcul et je vous l’avais indiqué sur le TGV Rhin-Rhône : aujourd’hui lorsque vous faites la comparaison entre le train corail et le train TGV, vous avez sur l’aller retour en moyenne une différence de 74 € pour gagner trois heures. Vous faites le calcul : si vous êtes un smicard, il vous faut travailler 11 heures pour couvrir la différence de prix, alors que vous n’allez gagner que trois heures. Si vous voulez travailler le temps nécessaire, c’est-à-dire les trois heures pour gagner trois heures, il faut 3200 € nets de rémunération, cela vous montre le caractère inégalitaire effectivement de cet investissement.
La vraie question c’est le maintien, et nous l’avons déjà évoqué à plusieurs reprises de ces trains corail, qui permettent certes de se déplacer moins vite, certes avec des conforts peut-être différents, mais qui permettent à ceux qui n’ont pas les mêmes moyens eux aussi de gagner du temps d’une certaine manière.
L’analyse de la cour régionale des comptes, de mon point de vue, est néanmoins insuffisant sur un point, il est vrai que ce n’est pas véritablement son domaine, parce que ce n’est pas deux fois mais quatre fois que les alsaciens contribuent au TGV.
Ils y contribuent d’abord en tant que contribuable français, ils y contribuent ensuite en tant que contribuables alsaciens, ils y contribuent évidemment en termes d’usagers, mais ils y contribuent aussi et c’est cela qui est oublié en tant que riverains ; parce qu’il ne faut pas oublier que lorsqu’on crée une infrastructure linéaire, ce sont des terres qui sont stérilisées, ce sont des paysages qui sont tranchés, c’est un territoire qui est un peu plus fractionné et c’est un environnement paisible qui est bousculé par des trains bleus qui passent à 300 km/ heures. Alors nous allons aujourd’hui, nous Région Alsace, mettre 250 millions d’euros de plus dans la deuxième tranche, et la vraie question qui devra se poser, à terme, quand on fera le bilan, est de savoir si en ayant doublé finalement la mise nous aurons effectivement provoqué deux fois plus de transferts d’usagers de l’avion sur le rail ou deux fois plus d’usagers de la route sur le rail – c’est cela la question – et c’est cela qui mesurera réellement l’efficacité de l’investissement.
Je crois que le TGV doit rester un outil, un outil au service de la diminution de l’impact des mobilités. Il ne doit pas devenir une fin en soi, une valeur d’image pour le territoire, au détriment d’un service ferroviaire au quotidien. Le TGV c’est un objet, il ne se suffit pas à remplir la fonction, et c’est la fonction qui doit être au cœur de notre réflexion stratégique.
Merci de votre attention.