Intervention de Djamila Sonzogni
Monsieur le Président, mes Cher-e-s Collègues,
La majorité des mesures sont des actions déjà existantes : chantiers formation école, école de la deuxième chance, bilan jeunes, immersion en entreprise, ateliers collectifs d’orientation… pour ne citer que celles-ci. Ces actions sont le cœur de compétence des missions locales. Quelle est leur valeur ajoutée depuis la prise en main par la commission Jeunesse ?
Prenons un exemple, le dispositif préparatoire à l’apprentissage : 485 jeunes dont 218 ont effectué un stage en entreprise. Que sont devenus les 267 autres ? De quel stage s’agit-il (durée, rémunération, aboutissement) ? Combien deviennent apprentis à la fin ? Quels types de jeunes sont concernés par ces stages ? Est-ce que ce dispositif s’adresse justement à ceux qui n’ont pas accès à l’apprentissage ?
Nous savons que 1500 places sont disponibles et non pourvues en CFA, nous savons qu’un certain nombre d’entreprises en recherche d’apprentis n’ont pas pu recruter faute de candidats. Nous savons aussi que beaucoup de jeunes recherchent un apprentissage mais n’y ont pas accès à cause de leur origine supposée ou réelle ou du quartier où ils habitent : que fait-on à ce sujet ?
Quoi de plus sur les bilans jeunes, sur les immersions courtes en entreprises, sur les ateliers collectifs d’orientation ?
Plus de 70 % du budget sur lequel nous allons nous prononcer correspond à des actions qui existent depuis longtemps, qui n’ont pas toutes montré leur efficacité. Ma question est de savoir en quoi la commission Jeunesse a apporté un plus à ces dispositifs ?
Le seul changement notable, c’est l’obligation de résultat des missions locales sous peine de perdre 20% de leur subvention. Est-ce que les résultats peuvent être plus performants si les dispositifs restent les mêmes ? Est-ce que cela ne va pas pousser les missions locales à mettre de côté les cas les plus difficiles comme cela se fait déjà au sein de Pôle Emploi ?
Venons-en à présent aux actions innovantes ou renforcées au titre du projet régional.
En ce qui concerne le décrochage : nous ne pouvons que nous féliciter du fait que la Région s’intéresse aux décrocheurs. Les assises auront eu le mérite de confirmer que les dispositifs existants fonctionnent mal. Pourquoi la MGI, censée suivre durant un an les élèves ayant quitté le système scolaire, ne le fait-elle pas ? Pourquoi les décrocheurs échappent-ils aux dispositifs des missions locales ? Pourquoi n’ont-ils pas accès aux formations, et encore plus aux formations en alternance, ou à l’apprentissage ?
Je note la volonté de la Région de trouver des solutions à cette question cruciale, mais des assises et des réunions de coordination ne suffiront pas, ce sont les dispositifs qu’il faut modifier ou inventer, pour que chaque décrocheur soit identifié et suivi jusqu’à ce qu’il raccroche les wagons. Même si le budget a augmenté, je ne note rien d’innovant. Nous soutenons là encore des actions déjà existantes qui n’ont rien de révolutionnaire et méritent d’être évaluées. Sur trois mesures, deux concernent des étudiants décrocheurs et une la MGI.
Nous sommes plus dans la bonne intention que dans la mise en œuvre efficace.
Il en est de même en ce qui concerne l’encouragement des entreprises à s’engager pour les jeunes. L’idée de conditionner les aides à un engagement est excellente, mais les obligations faites aux entreprises sont trop générales et pas assez contraignantes. Il aurait fallu des engagements plus précis, plus ciblés, voire plus contraignants ! Accueil de stagiaires, d’apprentis, de jeunes en alternance, venant des territoires ou des établissements où les jeunes sont le plus en difficulté.
L’Oriente Express a sans doute le mérite de montrer que les multiples dispositifs qui existent déjà pour accueillir, orienter, accompagner les jeunes ont des manques. Mais il est perçu comme un outil de plus dans la panoplie déjà vaste de l’orientation… et c’est ce qui explique le fait que de nombreux établissements scolaires n’ont pas relayé l’information, notamment les lycées. Plutôt que de dépenser 300 000 euros pour rajouter une couche au millefeuille, ne serait-il pas plus pertinent de voir pourquoi certains jeunes passent au travers des mailles des multiples dispositifs existants (Orientoscope, ML/PAIO, Espace D, salons des métiers, COP dans les établissements) ? J’attends avec impatience le bilan qui sera tiré de la vague 2011 de l’Oriente Express et des centaines d’entretiens que vous évoquez dans le rapport (j’étais présente à Mulhouse, j’ai pu constater qu’il y avait du monde). Mais pourquoi subventionner un dispositif qui finalement remplit le même objectif que ceux que nous subventionnons déjà, pourquoi payer 300 000 euros pour mettre les jeunes en relation avec les missions locales et les autres acteurs de l’orientation ?
La première action de mobilisation en alternance et pédagogie adaptée concerne 30 jeunes !!! Au-delà du chiffre étonnant et dérisoire, les jeunes ont-ils besoin d’une action spécifique pour être sûrs qu’ils veulent se former ? Vous évoquez à juste titre le niveau insuffisant pour accéder aux formations proposées. Il suffit de mettre en œuvre avec la commission formation continue des formations adaptées au niveau de ces publics et pas seulement aux besoins des entreprises.
Vous faites allusion à la nécessité d’autonomie financière : il faudrait alors revoir le dispositif RSA jeune (un échec de votre gouvernement), qui devra être géré par le Conseil unique d’Alsace, anticipons !
Vous mettez en œuvre une action pour convaincre les jeunes que l’alternance c’est l’avenir, et vous avez raison, mais combien de jeunes cherchant une formation en alternance ne la trouvent pas parce que les entreprises ne sont pas au rendez-vous ?
Je tiens à souligner l’amélioration de l’AREJ Plus : encourager des entreprises à embaucher un jeune à l’issue d’un stage en leur octroyant une prime conséquente me semble a priori pertinent mais je m’étonne, malgré l’aide généreuse (5 000 euros), du peu de résultats, 44 emplois seulement en presque une année.
Nous attendons le bilan qui permettra de savoir si cette mesure est un effet d’aubaine ou si c’est un plus pour l’emploi des jeunes, et si cette aide favorise l’emploi des jeunes les plus en difficulté.
A propos des nouvelles mesures prévues.
L’accompagnement préparatoire à l’entrée et au maintien dans l’entreprise. Qu’est-ce qu’il y aura de plus que tout ce qui existe déjà (encouragement à l’alternance, immersion en entreprise, préparation à l’apprentissage…) ?
Ce nouveau dispositif part du constat de l’écart des représentations entre les uns et les autres. De quoi et de qui parle-t-on ? Veut-on parler sans le dire des discriminations ? Si c’est le cas parlons-en clairement et mettons en place des outils pour lutter contre la discrimination mais là, à mon avis, c’est aux entreprises qu’il faut s’adresser.
Je ne vais pas m’étendre sur les autres actions que je juge sympathiques et symboliques, Sacs à dos, Service civique, Parlement Alsacien des Jeunes, Talents et potentiels… Elles sont sympathiques mais elles ne changeront pas la face du monde et surtout elles ne répondront pas à la problématique des jeunes en Alsace.
Pour conclure, nous renouvelons des actions déjà existantes sans les améliorer de façon visible. Beaucoup d’actions se chevauchent sous des titres différents. Quant aux nouvelles actions, elles manquent d’ambition. Pour donner sens à cette commission Jeunesse aux moyens limités, plutôt que de multiplier les initiatives, il aurait fallu choisir une priorité et la mettre en avant.
Dans la conjoncture actuelle, la priorité, ce sont les jeunes les plus en difficulté (ceux qui quittent l’école sans diplôme, les décrocheurs, les diplômés sans emploi, les étudiants pauvres…). Il aurait fallu voir comment adapter ou compléter les offres de formation pour qu’elles partent de leur niveau, voir les manques des dispositifs actuels que nous finançons pour que ça soit UN PLUS en lien avec les politiques des autres collectivités territoriales.
La Région aurait pu (mais peut encore), avec l’outil que représente la commission Jeunesse, prendre l’initiative d’une gouvernance de la politique jeunesse en remettant à plat tout ce qui se fait, en effaçant les doublons, les mesures onéreuses mais inefficaces, en travaillant avec nos partenaires à une politique efficace avec des priorités. La Région aurait pu (mais peut encore) évaluer combien coûtent toutes ces politiques et pour quel résultat. Aujourd’hui la Région ne se donne ni les moyens ni les pouvoirs d’une vraie politique jeunesse, si bien que le plan Priorité Jeunesse relève plus d’une politique de patronage que d’un véritable schéma régional pour la jeunesse.
Dommage, les jeunes méritent mieux et attendent beaucoup mieux de nous.
Je vous remercie.