Intervention de Djamila Sonzogni
Monsieur le Président, mes cher-e-s collègues,
Si, comme vous l’écrivez dans votre rapport, les entreprises de l’économie sociale et solidaire
résistent mieux à la crise, ce qui est normal puisqu’il n’y a pas d’actionnaires à nourrir, les
bénéfices étant reversés pour une grande partie dans la structure, elles commencent elles
aussi à être touchées et de plus en plus d’associations sont en difficulté.
Je tiens à rappeler que l’ESS, c’est 10% des salariés en Alsace et que c’est une branche à part
entière de l’économie et pas seulement un bidule pour aider les pauvres ! Nous ne pouvons que reconnaître l’avancée sur cette question depuis la création de la commission et depuis l’adoption de la stratégie régionale en faveur de l’ESS, il y a tout juste un an.
Beaucoup d’outils ont été mis en place, beaucoup de mesures existantes ont été renforcées.
Il faut maintenant franchir un nouveau cap et mettre en oeuvre un vrai programme pour
l’ESS, notamment les nouveaux projets présentés dans ce budget.
Mais il faudrait définir des priorités, être plus ambitieux, plus dynamique et ne pas mettre
tout sur le même plan comme ce rapport le laisse apparaître.
Le volet prioritaire c’est le volet économique de l’ESS.
La reprise des entreprises par les salariés sous forme de coopérative… Même si c’est pris en
compte et que des choses se mettent en place c’est trop long, trop intimiste…
Il y a urgence.
Ces entreprises dont les patrons vont être la retraite et qui vont fermer faute de repreneur, il
faut aller les voir une par une pour étudier cette possibilité… et accompagner les salariés
actuels par une aide financière leur permettant d’apporter une partie du capital initial de la
future SCOP. Les entreprises en difficulté, il faut aussi aller les voir et étudier si une reprise en
coopérative par les salariés est possible… Il faut faire connaître ce dispositif à tous ceux qui
créent leur entreprise.
Il faut aussi être plus offensif pour développer et faire connaître les Coopératives d’Activité
et d’Emploi.
L’Association pour le droit à l’initiative économique permet à un certain public de créer son
propre emploi, sous couvert d’auto-entrepreneuriat. C’est un dispositif nécessaire car ce
public n’a pas d’autre ouverture possible à ce jour. Mais le statut d’auto-entrepreneur a ses
limites et nous en avons chaque jour des témoignages douloureux. Certains dossiers traités
par l’ADIE auraient leur place dans le cadre des CAE… Mais cet outil pertinent n’est pas assez
connu, pas assez développé et chaque créateur d’entreprise doit en être informé.
Vous évoquez le lancement d’un appel à projets concernant l’innovation sociale. Il faudrait
aller plus loin dans le soutien au développement de cette composante de l’innovation, et
l’intégrer à part entière dans la stratégie régionale de l’innovation : association de l’ESS à la
gouvernance de ladite stratégie et de l’Agence régionale de l’innovation, ouverture des outils
de financement de l’innovation à tous les acteurs de l’ESS, y compris les associations,
Conseil régional d’Alsace – Plénière budgétaire
ESS – Djamila Sonzogni
financement de la Chambre régionale de l’économie sociale pour qu’elle poursuive
l’accompagnement au développement structuré de l’innovation sociale sur notre région.
Sur les clauses d’insertion nous ronronnons. Nous devons être plus offensifs. 4 personnes en
ont bénéficié lors d’un premier bilan, combien lors des autres chantiers ? Ce rythme n’est pas
tenable…
La Région doit montrer l’exemple, et ne pas se contenter de mettre quelques clauses sur
quelques lycées. Le dispositif doit être étendu aux différents secteurs des chantiers
régionaux et concerner le plus de personnes possible.
Dans l’esprit du Conseil unique d’Alsace, la Région doit convaincre les collectivités locales
d’utiliser ce dispositif de façon plus systématique.
Aujourd’hui il n’est utilisé pratiquement que quand c’est obligatoire (Agence nationale pour
la rénovation urbaine, tram…).
Quant aux entreprises, c’est bien de faire un travail de pédagogie pour qu’elles se sentent
concernées, mais on pourrait aussi conditionner ou bonifier les aides pour que ça avance
plus vite. Si les entreprises volontaires ne sont pas assez nombreuses, les entreprises
d’insertion sont prêtes pour la plupart et en contact direct avec ce public éloigné de l’emploi
qui ne demande qu’à être remis sur les rails de l’insertion.
Les facilitateurs c’est bien mais pas suffisant. La clause d’insertion existe depuis très
longtemps, le contexte actuel nécessite qu’elle soit mise en place rapidement et quasi
systématiquement.
Oui nous devons inciter aux achats responsables et là encore nous devons montrer
l’exemple.
Nous avons le devoir d’inciter les collectivités à faire de même.
Seules trois collectivités alsaciennes ont le titre de « territoire de commerce équitable »
dont deux dirigées par des écologistes.
Un autre axe me semble prioritaire : le tourisme associatif et l’écotourisme. Développer cet
axe aura des répercussions sociales en permettant aux alsaciens peu fortunés de partir en
vacances parce que le tourisme associatif est un tourisme solidaire à la portée de tous… je
pense plus particulièrement à un public familial urbain qui pourrait découvrir notre belle
campagne alsacienne.
Cela produirait un impact économique en permettant aux centres d’hébergement associatif
– pour beaucoup en difficulté et ayant un taux de remplissage insatisfaisant – de se
reconvertir et un impact écologique car nous ferons de ce tourisme associatif un tourisme
vert et solidaire.
La politique actuelle en direction de ces structures n’est pas satisfaisante. Un schéma du
tourisme vert et solidaire serait nécessaire, ainsi que les moyens nécessaires pour le mettre
en oeuvre, et pas seulement des aides ponctuelles à la rénovation ou à la création.
La politique mise en place va dans le bon sens, les actions proposées, la reconnaissance des
têtes de réseaux notamment la CRES, qu’il faudrait encore plus soutenir dans son
développement au service des acteurs de l’ESS, la création d’outils… tout cela est à saluer.
Il resterait encore un effort à faire en intégrant tous les acteurs soutenus par la Région au
Comité d’orientation régional de l’économie sociale et solidaire, comme l’Institut régional de
coopération-développement, l’ADIE et autres, le CORESS devenant ainsi un véritable lieu de
concertation et de co-élaboration de la politique de la Région en faveur de l’ESS.
Mais surtout, il faut maintenant passer du trot au galop et donner toute sa valeur de branche
économique à part entière à l’ESS.
Je vous remercie.