Intervention de Jacques Fernique
pour le groupe Europe Ecologie Alsace
L’examen des dépenses et des recettes effectives de l’année précédente, n’a jamais été
véritablement vécu comme un temps fort du travail de notre assemblée : c’est derrière nous,
c’est fait, c’est passé, n’y revenons plus. Encore plus cette année, où nous entamons un
nouveau mandat.
Ce compte administratif vaut pourtant la peine qu’on s’y arrête et qu’on en débatte un peu :
il met en effet concrètement en évidence l’efficacité accrue de l’administration régionale qui
a permis d’améliorer très fortement nos taux d’exécutions, il met aussi en évidence les
difficultés, les contraintes et les enjeux qui ont marqué et marqueront de plus en plus nos
politiques régionales.
Notre Région est d’abord largement impactée par l’ampleur de la dette de l’Etat : celui-ci a
unilatéralement décidé de nous associer à l’effort de maîtrise de la dépense publique en y
incluant nos dotations.
Avec une dette publique qui dépasse maintenant les 80% du PIB,
avec un déficit public qui en % du PIB a brutalement doublé en 2009, il est clair que la
pratique gouvernementale depuis 1980 des budgets en déficit et bien pire ces dernières
années, la pratique de la cavalerie empruntant pour rembourser l’emprunt, ces pratiques ne
peuvent plus continuer pour l’Etat comme si de rien n’était. Les collectivités locales n’ont
pour leur part pas ces pratiques : elles en subissent à présent de plein fouet les
conséquences.
Nos dotations n’évoluent pas à la hauteur de nos nouvelles compétences: les deux tiers de
nos dépenses sont consacrées à des responsabilités essentielles sur les fronts des transports,
des conditions de l’enseignement dans les lycées et de la formation professionnelle.
Ces responsabilités majeures ne relèvent pas d’une simple gestion tranquille : le transfert
modal de la route vers le rail, la réduction forte de l’abus de poids lourds, le recul important
nécessaire de la voiture dans les déplacements pendulaires ne se feront pas si la Région n’y
est pas complètement résolue et n’y concentre pas ces moyens. Les 18,3 millions que nous
avons hélas mis dans les routes en 2009 pèsent bien sûr bien moins que les 223 que nous
consacrons au ferroviaire. 18 millions pour les routes c’est l’équivalent globalement de tout
ce que nous avons consacré à l’environnement politique énergie comprises, ce n’est pas un
petit résidu, c’est autant qu’il nous manque pour financer la réouverture du ferroviaire dans
la vallée de Guebwiller par exemple.
Sur le front de la formation professionnelle, nous savons que la destruction d’emplois
particulièrement des emplois industriels en Alsace (30 000 perdus depuis 2001), que
l’aggravation du chômage des jeunes (le chômage de jeunes recule un peu dans les chiffres
de ce matin, il a augmenté de 65% en 2 ans contre 33% pour le chômage global,). Ces
dégradations terribles se traduisent et se traduiront par un fort besoin de formation
professionnelle qui nous incitent à sortir de notre stricte compétence obligatoire (les
chômeurs non-indemnisés). Ce renforcement et cet élargissement de nos efforts de
formation ne sont pas évidents à mettre en oeuvre. Même si globalement la formation
continue a de bons taux d’exécution, ceux ci se dégradent quand on s’écarte de notre strict
champ de compétences : les actions de qualification concertée avec les entreprises peinent à
60%, les expérimentations pédagogiques à 39%. Nous savons que la formation dans le
cadre du chômage partiel n’a pas atteint l’ampleur que laissaient entendre les annonces
médiatiques : ce dispositif monté d’abord pour Lohr dans un contexte règlementaire
compliqué n’a atteint au taux de réalisation que d’un tiers.
Pour les lycées, l’apprentissage et les formations sanitaires et sociales : les besoins et les
enjeux nous sollicitent de façon forte. Nous saluons bien sûr l’effort conséquent du Plan de
relance concernant les lycées : l’accélération des investissements programmés s’opère, il faut
le dire, dans des conditions particulièrement remarquables.
Pour les dépenses de fonctionnement l’expédient temporaire que nous avions trouvé pour
payer la facture de chauffage en progression intenable a fait son temps. Le dispositif imaginé
(prélever sur les fonds de réserve des établissements) est devenu contre-productif : cette
année notre contribution pour renflouer ces fonds a dépassé la compensation entre
établissements. Nous attendons beaucoup des efforts pour la réhabilitation thermique des
bâtiments mais il nous faudra aussi trouver sans trop perdre de temps un moyen pérenne,
efficace et juste de pourvoir à la viabilisation de nos lycées.
Il y a 2 ans nous avons mis en place à la fois pour contenir et mieux organiser notre
contribution à l’animation, aux projets, à la culture, à la citoyenneté dans les lycées un
dispositif contractuel sur 3 ans avec chaque établissement : je ne comprends pas qu’au total
cette politique n’a été exécutée qu’à 55% : manifestement soit il y a un problème de
présentation du compte soit le dispositif est vraiment à revoir.
Ce qu’il nous faut revoir, c’est assurément la prime régionale de scolarité. Depuis
2002, ce dispositif n’a jamais pris son essor : trop sélectif, compliqué à gérer et à porter à la
connaissance des parents, il ne concerne qu’un petit tiers des lycéens (avec 18 170
bénéficiaires cette année, c’est le chiffre le plus faible depuis sa création pour un effort
régional globalement inchangé). Or le renouvellement des programmes des classes de
secondes générales, technologiques et des bacs pros 3 ans alourdit très fortement la charge
des familles, le surcoût estimé par lycéen du fait des nouveaux programmes est estimé entre
190 et 250 €. Ailleurs, ce sont les Régions qui sont mises en difficulté par des nouveaux
achats massifs et parce que le maintien dans le circuit des anciens manuels ne sera plus
possible : elles dénoncent toutes l’inconséquence et l’imprévoyance du gouvernement et
craignent que cela ne se répercute en charges supplémentaires pour les familles.
Ici, en Alsace, ce sera bien pire, les familles paieront plein pot et garderont sur les bras les
manuels obsolètes puisque les bourses aux livres des fédérations de parents ne peuvent plus
les leur racheter. Celles-ci demandent d’ailleurs à la Région de réagir.
Il faudra trouver une solution, certes je sais que le contexte ne nous permet pas des marges
de manoeuvres importantes. Ce compte administratif est explicite : nous perdons une grande
partie de notre marge de manoeuvre fiscale, déjà en 2009 le plafonnement de la taxe
professionnelle s’est traduit par 9 millions d’euros de manque à gagner contre 5 en 2008.
Vous savez notre désaccord profond avec le tour que prend la réforme territoriale : la
cantonalisation de la Région, son effacement politique, la fin du pluralisme et de la parité est
programmée. La commission des lois du Sénat a rejeté votre tentative d’un régime
expérimental plus favorable pour l’Alsace : nous espérons que les parlementaires ne seront
pas uniquement animés par des ressorts politiciens dans les semaines à venir et qu’une issue
meilleure sera possible. Quoi qu’il en soit, nous savons que notre autonomie fiscale se
réduira à l’avenir à bien peu.
Vous avez fait le choix de ne pas utiliser ce levier quand c’était encore possible et
socialement acceptable (pour ce qui est socialement acceptable, c’est clair que le CG du Bas
Rhin vient d’en avoir une conception particulièrement inadmissible : j’espère que tous ceux
d’entre vous qui dénonçaient ici les hausses d’impôts bien moindre en valeur absolue des
autres régions auront la même vigueur qu’Yves Bur à l’égard du CG.). Notre région a
privilégié le recours à l’emprunt, au revolving et au crédit bail et ce compte administratif est
l’occasion de rappeler que les indicateurs deviennent préoccupants.
Sur cette question des emprunts et de nos relations avec les banques, nous suggérons qu’à
l’instar de nos homologues d’Ile de France et de Bourgogne, la Région Alsace s’inscrive dans
une démarche pour privilégier et conforter les partenaires bancaires et financiers
véritablement soucieux de transparence et d’éthique pour lutter avec notre gouvernement
contre les paradis fiscaux et les blanchiments toxiques. Nous avons des propositions à faire
en la matière, nous vous les ferons.