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  • Les femmes l’ouvrent à la fête de l’huma

    21 septembre 2011

    Intervention de Sarah Trichet-Allaire à l’agora d’ouverture de la fête de l’humanité, jeudi 15 septembre

    Féminisme et politique, une affaire de loi ?

    La politique devrait intégrer le féminisme dans toutes ses composantes, dans toutes ses réflexions. Le féminisme est un prisme par lequel on regarde la société, nous permettant de voir les inégalités entre les femmes et les hommes, les injustices. Et la politique devrait y remédier.

    Bon, on est encore loin du compte… Déjà, on peut commencer par faire en sorte que la loi n’oppresse pas les femmes ! De manière directe, en France, nous avons acquis ce droit.

    J’espère que dans quelques années, cette époque où les femmes étaient considérées comme des mineures dans la loi – avec l’interdiction de travailler, de maîtriser sa contraception, de posséder un compte bancaire propre sans autorisation, paraîtra archaïque. Enfin, pour ma part, cela me paraît déjà archaïque, mais, ayant grandi dans une famille de féministe, je ne pense malheureusement pas être représentative de la population française !

    Oui, nous vivons une époque formidable, où tout nous est permis. Ou du moins, rien ne nous est interdit… Dans la loi.

    Par contre, si on se regarde les unes les autres, des interdits, on en traine encore un paquet : interdit de ne pas vouloir d’enfant, interdit d’aimer les autres femmes, interdit de faire du judo (spéciale dédicace à David Douillet), interdit, au boulot, d’être responsable, et surtout pas responsable d’autres hommes, interdit de faire de la politique…

    Oh, bien sûr, certaines femmes y arrivent, et, à cette tribune, vous en voyez un petit échantillon. Mais ne croyez pas que, toute féministe que je suis, je ne me suis pas dit un jour ou l’autre : suis-je capable d’y arriver ? Est-ce que je ne devrais pas plutôt être avec mes enfants, ma famille ? Machin n’est-il pas plus compétent, plus capable, plus, plus, plus ?

    Alors oui, avant d’arriver à l’égalité femmes-hommes, il y a du boulot. Dans les têtes des hommes, dans les têtes des femmes. Et dans la loi aussi.

    Car, si rien ne nous est interdit dans la loi, elle nous incite quand même plus à prendre des temps partiels qu’aux hommes. Parce qu’un temps partiel, pour une femme, c’est normal : après tout, ce n’est qu’un salaire d’appoint. Et de toute façon, quand y’aura moins de boulot, elle pourra partir, puisqu’elle peut compter sur son mari. Enfin, à condition qu’elle ait un mari. De qui elle ne veut pas se séparer. Et qui en plus a du boulot. Ce qui se trouve de moins en moins, quand même… Alors une loi qui interdirait les temps partiels imposés, ce serait pas mal, quand même.

    La loi, elle nous incite à nous arrêter de travailler pour s’occuper des gosses, puisque ça revient aussi cher de les faire garder (je ne parle pas des chanceuses qui ont des places à la crèche) et que les pères n’ont que 14 jours pour « aider » la jeune accouchée. Ben oui, aider et non prendre toute sa place, à égalité. Parce qu’en 2 semaines, c’est pas comme ça que les hommes vont pouvoir réellement prendre en main la maison. Alors une loi qui donnerait autant de congé parental aux hommes qu’aux femmes, ce serait pas mal, quand même.

    La loi oblige la parité en politique. Un titulaire, une suppléante. Ou des listes alternées. Et quand il faut élire le conseil d’agglomération et qu’il y a d’office toutes les têtes de liste, tiens, c’est marrant, mais y’a beaucoup moins de femmes. Et quand il faut répartir les vices-présidences, pareil. À quand une loi pour la parité réelle en politique, y compris sur les postes à responsabilité ?

    La loi, quand on est lesbienne, ne nous interdit pas d’avoir des enfants. Mais bon, elle ne fait rien pour non plus. À quand une loi pour autoriser la fécondation in vitro pour toutes ? En couple ou célibataires ? Hétéros ou lesbiennes ?

    Et quand on en veut pas d’enfants ? La contraception reste encore inégalement accessible à toutes : les pilules mieux dosées sont moins remboursées, un bon nombre de gynécos ignorent qu’on peut mettre un stérilet même si on n’a pas eu d’enfants. Et l’avortement. Ah oui, on a le droit. À condition de trouver un hôpital et un médecin qui puisse le faire.

    La loi nous autorise, quand nous sommes battues, à porter plainte. Bon, tous les gendarmes et policiers ne sont pas forcément au courant. On a aussi le droit de retourner chez nous après, auprès de l’auteur des coups. Avec un peu de chance, on peut s’en sortir, quitter ça et commencer une nouvelle vie. Lui, il peut aussi continuer à frapper une autre femme pour prouver sa virilité. Oui, il faut des lois pour obliger à avoir des logements d’urgence, des formations pour les fonctionnaires de police et les gendarmes pour accueillir les personnes victimes de violence, mais aussi une prise en charge des personnes violentes, car la violence n’est pas une fatalité.

    Et quand nous sommes violées, bien sûr que la loi nous protège. Paraît même que nous avons parmi les peines les plus lourdes qui existent. Encore faut-il y aller, porter plainte. 10%. une victime sur dix y vont. Pour raconter encore et encore leur histoire. Pour se faire poser des questions débiles du genre « comment êtiez-vous habillées », « que faisiez-vous là », « avez-vous dit non » et « combien de fois »… (Merde alors) quelle loi peut protéger contre cette connerie qui fait croire que les hommes sont des bêtes en rut et que les femmes n’ont qu’à rester chez elle pour être protégées ? Alors que c’est bien souvent chez elles, que le viol se passe…

    Alors oui, les lois, c’est nécessaire, plus que nécessaire. On en a encore besoin. Mais on a aussi besoin de changer les mentalités ! Et ça, c’est pas qu’à coup de loi que ça se change, c’est sur le terrain. C’est avec des associations comme la barbe ! qui montrent le ridicule d’assemblées exclusivement masculines. Avec des associations comme Mix-Cité qui montrent le sexisme des jouets de Noël, roses pour les filles, bleus pour les garçons. Avec le planning familial, les chiennes de garde, les Panthères Roses, la Marche Mondiale des Femmes, Osez le Féminisme, bien sûr, le CNDF, le CADAC, enfin… je ne vais pas toutes les citer, ces assos formidables, qui sont toujours là pour titiller, énerver, mais aussi montrer l’évidence, les injustices… Les maternités qu’on veut fermer, comme celle des lilas, les aberrations comme l’interdiction d’enseigner le genre dans les manuels scolaires, comme si c’était une lubie féministe (oh le gros mot) et non une réalité sociologique. Parler des évidences mais que certains ignorent, comme l’existence du clitoris chez les femmes (sisi, on dirait que certains ne s’en rendent pas compte).

    Toutes ces associations, ces personnes qui les font vivre, et je sais combien cela peut être difficile parfois, mais aussi tellement enrichissant, ce sont elles qui poussent à faire voter les lois. Voilà aussi comment faire changer les mœurs. Et comment faire comprendre à toute la classe politique que la loi c’est nécessaire, mais que tant qu’il n’y a pas de réelle volonté politique, il n’y a pas d’avancées pour les femmes, pas d’avancées pour les hommes, pas d’avancées pour le féminisme.

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