Schéma Régional de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante
Intervention de Moïsette Crosnier
Le schéma de l’enseignement supérieur va être élaboré sur la base d’une large concertation de tous les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche même si cette dernière n’apparaît pas dans l’intitulé du rapport. Il va être co construit par la Région, les collectivités territoriales et le PRES en association avec l’Etat.
Une loi d’orientation sur l’ens sup est en préparation et les débats parlementaires débuteront en mai.
Dans l’immédiat cette ouvre des chantiers et se donne 2 ans pour publier des décrets, donc 2 ans de réflexions.
Dans ce contexte, je voudrais rappeler les réflexions et propositions des écologistes.
1 - La dualité de l’ES
Actuellement, dans l’enseignement supérieur, il existe une séparation entre 2 systèmes : la filière d’excellence des GE et le système universitaire, 60% des étudiants et sûrement un peu plus en Région Centre).
Il y a longtemps que les écologistes plaident pour une intégration des Classes Prépa et des écoles grandes et moins grandes au sein du système universitaire. La filière d’excellence des grandes écoles qui sont sélectives à l’entrée, sont aussi les mieux encadrées et celles qui ont les financements les plus importants : le coût d’un étudiant de GE est, environ et en moyenne, 4 fois plus important que le coût d’un étudiant d’université.
Comment rapprocher les 2 systèmes et réduire cette dualité qui contribue à perpétuer les inégalités culturelles et sociales. ? L’heure est peut être venue d’impulser de nouveaux rapports entre écoles et universités. Des écoles et universités ont crée des cursus coordonnés. Quelques diplômes communs entre grandes écoles et universités ont été mis en place. Mais ces évolutions restent très marginales. Le problème se pose de la politique à mener vis à vis de ces 2 filières concurrentes. Sans action radicale et sans volonté politique, la dualité n’a aucune chance de se réduire.
2 – Le Manque d’attrait pour les doctorats
Partout dans le Monde le doctorat est le plus prestigieux des diplômes sauf en France semble-t-il puisque les conventions collectives dans le privé et les grilles de carrière dans la FP ne lui reconnaissent pas d’intérêt particulier par rapport à un diplôme de niveau bac+5. En France on produit 10 000 doctorants par an contre plus de 15000 au RU et 25000 en Allemagne. C’est la conséquence de la spécificité française du développement de la filière extra universitaire que sont les grandes écoles.
Pourtant, la recherche dans une formation universitaire permet de se confronter à des questions non écrites à l’avance parce que les problèmes sont nouveaux et que personne ne les a posés auparavant. Ce manque d’attraction de la recherche est lié à la dévalorisation salariale. Le salaire proposé à un docteur de 30 ans maître de conf à l’université ou chargé de recherche au CNRS n’a rien de comparable aux 40000 euros annuels proposés à un jeune ingénieur de 23 ou 24 ans qui sort d’une GE. Or tout le monde s’accorde à dire que la recherche et l’innovation sont les meilleurs atouts pour affronter la crise.
Alors posons nous la question du Comment attirer dans les filières longues de nos universités ?
3 – L’orientation dans les filières
Les universités se trouvent confronter aujourd’hui a une forte contrainte budgétaire qui risquent de les obliger à réduire l’offre de formation. Les étudiants de leur côté vont être confrontés à un marché du travail très dur. Il y a un risque d’inadéquation entre les secteurs choisis par les étudiants et les secteurs d’excellence, soutenus, souvent parce qu’adossés à des laboratoires et à la recherche. Il est logique d’être attentif aux domaines d’excellence, mais il faut veiller à ne pas créer des niches et assurer une répartition des moyens la plus égalitaire possible.
Le danger est de se concentrer sur les filières qui « marchent » alors qu’il faut aussi soutenir les faiblesses qui pourraient devenir criantes.
Les filières courtes, IUT et BTS attirent les élèves issus de l’enseignement Général qui sont sélectionnés sur dossier, ce qui contribue à écarter ceux des filières techniques et professionnels. Les élèves des filières professionnelles et techniques n’ont pas de place dans les filières courtes alors que celles ci leur étaient destinées à l’origine et se dirigent par défaut vers l’université où ils essuient un échec retentissant. Ce dysfonctionnement est vraisemblablement plus marqué dans notre Région où historiquement, les diplômés de l’enseignement général sont moins nombreux et où les jeunes rechignent plus que dans d’autres régions à s’engager dans des filières longues.
Ce problème va être pris en compte dans la nouvelle loi d’orientation, des quotas devraient être instaurés. Ils seront fonction des régions semble-t-il. A nous d’être vigilants pour qu’ils inversent sérieusement les tendances observées.
Ce dysfonctionnement n’est pas la seule raison des échecs en 1 et 2 année d’université : seule une réelle revalorisation des filières longues universitaires leur donnant les moyens de mieux encadrer et suivre les étudiants en 1° et 2° année serait à même de rééquilibrer les différentes filières.
S’ajoute à ces tendances, une problématique pour les filles à affronter les filières longues. Que faire pour qu’elles cessent de s’autolimiter dans leurs ambitions universitaires? Elles sont plus nombreuses et plus performantes à l’entrée dans l’ES et le rapport s’inverse entre la licence et le doctorat. Le déséquilibre s’accentue encore dans les filières techniques scientifiques et d’ingénieurs.
4 – La Problématique des filières scientifiques : Le nombre d’étudiants dans les filières scientifiques est plutôt à la baisse. Dans notre Région des actions positives sont menées pour créer des ponts entre l’enseignement supérieur, et les lycées : des tutorats, des présentations par de jeunes doctorants de leur recherche dans les lycées. Ces actions doivent encore être développées pour réduire les appréhensions des jeunes en général et des filles en particulier pour les bacs scientifiques et pour les filières longues scientifiques. Il faut susciter l’intérêt pour les sciences et ce dès le collège. Pourquoi ne pas créer des « classes de sciences » pour les jeunes de 10 à 12 sur le modèle des classes vertes ? Multiplier les Centres ou les boutiques de sciences?
Les étudiants doivent devenir de véritables acteurs de leur formation. Les écologistes revendiquent l’implication des étudiants dans l’élaboration des cursus avec leurs enseignants, leur meilleure représentation dans les conseils, comme dans les jurys de fin d’année. Les doctorants pourraient également être associés lors des recrutements d’enseignants-chercheurs.
La réussite éducative ne peut aller sans des étudiants réellement autonomes. Nous proposons la création d’une véritable allocation d’autonomie pour les étudiants avec le principe d’un « crédit temps formation » de 16 semestres à prendre tout au long de sa vie, en formation supérieure, initiale ou continue et pour tous les étudiants. Chaque étudiant doit pouvoir vivre dignement sans avoir à travailler pour financer ses études.
Cette allocation d’autonomie, implique un lissage vers le bas des frais d’inscription, ainsi que la suppression de tous les frais optionnels pour arriver à un service public gratuit de l’enseignement supérieur!
Il est aussi important de renforcer les échanges internationaux pour les étudiants Dans notre Règion des actions ont été mises en place pour accroître cette attractivité, elle rencontrent un large succès : la mobilité des étudiants, mobilité sortante avec le dispositif mobi-centre mais aussi la mobilité entrante. C’est un bon dispositif apprécié des étudiants et des enseignants qu’il faut maintenir et renforcer.
Enfin, la réussite éducative va au-delà des notes et des diplômes, elle doit intégrer les questions de logement, de soins, d’alimentation, de transports etc. C’est pourquoi, les écologistes pensent l’Université dans des éco-campus intégrés à la Cité. Le développement et la rénovation du bâti social universitaire, dans le respect de standards écologiques élevés (consommation d’énergie, proximité des transports urbains…) doit être une priorité. Rappelons que la Région a élaboré un contrat de construction durable dans le cadre de ses politiques territoriales. Il est appliqué avec succès, nous proposons d’en généraliser l’utilisation pour les réalisations immobilières que nous finançons : logements et bâtiments universitaires.
Une véritable stratégie foncière devra être mise en place avec les universités, les agglomérations pour limiter les difficultés des CROUS à engager des constructions. Dans le parc privé, les loyers doivent être encadrés. Les sites universitaires doivent être desservis par les transports en commun et accessibles aux modes de transports doux. La Région Centre s’est déjà engagée dans une tarification SNCF destinée aux étudiants, il faut poursuivre dans ce sens. La question des transports ne doit pas être prise indépendamment des mutations urbanistiques, il faut insérer davantage les établissements d’enseignement supérieur dans les villes. Des centres de santé universitaires doivent être développés, des crèches aménagées, l’alimentation des restaurants universitaires repensée pour devenir autant que possible biologique, locale et de saison à l’image de ce nous avons initié dans les lycées. Les activités sportives, culturelles et associatives devraient être promues.
A propos de la santé, je voudrais attirer l’attention sur les résultats de l’enquête que nous avons financée 2011 2012. Elle montre que 34% des étudiants renoncent aux soins dont 29% pour des raisons financières. Par ailleurs on sait que 35% des étudiants sont boursiers.
Actuellement des centres de prévention sont accessibles aux étudiants. Dans ces centres ils ne peuvent pas obtenir les ordonnances pour avoir des médicaments. En cas de dépistage d’une pathologie ils sont renvoyés sur leur médecin traitant qui est souvent celui de leur lieu de domicile, parfois éloigné de leur lieu d’étude, ce qui les poussent à renoncer ou retarder les soins. Nous proposons que soient créés des centres de santé pour assurer la continuité de soins du dépistage au traitement.
Nous proposons la création de maisons de la vie étudiante, gérées par les étudiants eux-mêmes.Lieux de ressources et d’innovation, lorsqu’ils existent, ils sont un poumon de vie pour les étudiants. Radios associatives, cafétérias, salles de réunions, pépinières d’associations, guichets uniques, crèches, expositions, etc, Ces maisons sont donc à soutenir financièrement, mais également administrativement.
Globalement notre Région a de nombreux atouts, Tours et Orléans sont bien classées dans le palmarès des villes universitaires, Orléans a même gagné des places très récemment dans ce classement. Nous avons un fort potentiel pour offrir une haute qualité de vie pour les étudiants dans des villes à taille humaine. Encore faut il le faire savoir. Il faut développer notre politique de communication. La région doit en particulier développer la visibilité de ses formations sur le web. On peut attirer de nombreux doctorants grâce au financements pour leur thèse. Mais il y a une faiblesse structurelle sur les masters dont l’attractivité hors région est faible. La communication web des universités est insuffisante. Le PRES a un rôle primordiale à jouer dans ce domaine, il faut que le PRES fasse, de la communication web, une priorité.
Enfin l’attractivité globale d’une Région tient à sa capacité à fournir, dans un ensemble de domaines, des étudiants un peu mieux formés qu’ailleurs. La capacité à s’insérer dans un marché du travail dur, repose sur la maîtrise de compétences allant au delà des compétences normalement attendus. Au delà du référentiel national dans le domaine concerné, toutes les formations ne peuvent se différencier de façon significative que par le fait de former à des compétences complémentaires. C’est ce qui les rend intéressantes pour les recruteurs. Pour tous les domaines de savoir, les principales compétences recherchées sont les compétence numériques sur les logiciels spécifiques et pointus du domaine. La mise en réseau des moyens dans toutes les formations valoriserait l’ensemble des formations. Elle apporterait une excellence numérique qui est aujourd’hui indispensable à l’innovation pédagogique. Autrement dit faire de nos universités des « Universités 2.0 »