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Réforme territoriale : pour des Régions fortes plutôt que pour des grandes Régions

Portrait Jean Delavergne

Intervention de Jean Delavergne

 

Messieurs les Présidents, mesdames et messieurs les conseillers du CESER, chers collègues, rappelons d’abord ce qu’ont dit les élus écologistes avant moi :

1) Nous sommes partisans depuis longtemps d’une réforme permettant de clarifier l’architecture des collectivités locales et de les adapter à la réalité de la vie contemporaine.

2) Pour nous, la priorité est de redonner confiance aux citoyens en leur permettant de se prononcer au suffrage direct sur un projet pour leur  bassin de vie de proximité.

3) Dans la mesure où cet échelon de proximité serait solidement établi, nous sommes partisans alors de la disparition de l’échelon départemental. Faut-il préciser que la justification de leur taille par le temps qu’il fallait parcourir  pour aller au chef-lieu à cheval est peut-être un peu anachronique aujourd’hui !

4) Les écologistes sont par contre profondément régionalistes parce que c’est le niveau adéquat  pour mener à bien un aménagement équilibré du territoire. Ce doit être le seul niveau intermédiaire entre d’une part l’Etat, ou encore l’Europe et d’autre part les communautés de bassin de vie.

 

Mais pour y parvenir le Régions doivent se trouver à la bonne distance des uns et des autres : elles ne doivent ni être une sorte de syndicat d’intérêts locaux (ce à quoi aurait abouti les assemblées de conseillers territoriaux voulus par Nicolas Sarkozy), ni être trop éloignées des territoires (ce à quoi risque d’aboutir la présente réforme).

 

  • Les écologistes sont pour des Régions fortes capables de mener de grandes politiques publiques, que ce soit en matière économique, d’environnement, d’enseignement, de transports, de formation professionnelle, … Mais, il faut le répéter une nouvelle fois, « Régions fortes » ne signifie absolument pas « très grandes Régions » !

On nous dit que le but de la réforme serait d’atteindre pour nos régions la taille européenne. Mais la moyenne des régions dans l’Union européenne est d’environ 1,5 millions d’habitants. On nous dit alors que ce serait plutôt des Länder allemands dont il faudrait se rapprocher, mais nous savons tous maintenant qu’il y a des Länder puissants comme la Sarre qui sont de taille plus modeste que les actuelles régions de France. La Saxe-Anhalt, avec qui nous avons des relations de partenariat, est un tout petit peu moins peuplée que la région Centre. Sans compter que pour ce qui est de la gestion des fonds européens au moins, ce ne sont pas les Länder qui les gèrent car ils sont justement considérés trop éloignés des réalités de terrain, mais des subdivisions de ceux-ci (plus d'une trentaine à l’échelle du pays).

 

Mais alors, qu’est ce qui rend les Länder puissants ? A l’évidence, ce n’est pas leur taille, mais les larges compétences qu’ils exercent et les moyens financiers dont ils disposent : environ 10 fois plus de ressources financières par habitant que les régions françaises !

 

En fait, derrière cette idée de faire de grandes régions qui seraient ainsi plus fortes, il y a une vision de l’aménagement du territoire que nous contestons : une conception qui conduirait à tout subordonner à la compétitivité des territoires, confondue avec celle des grandes entreprises qui y sont implantées. Cette vision donnant la priorité absolue à la compétition internationale  aboutira si l’on n’y prend garde à favoriser l’explosion des inégalités et de la cohésion sociale et la dévastation de notre environnement.

 

Si les écologistes veulent des régions plus fortes, c’est au contraire pour qu’elles puissent mener des politiques plus équilibrées qu’on a maintenant l’habitude de rassembler autour de la notion de développement durable ou soutenable.

 

Engager les Régions dans la voire du développement soutenable, avancer vers des éco-Régions comme nous avons cherché à le faire ces dernières années, cela suppose que les Régions soient à la fois en capacité de jouer un rôle stratège mais en ayant encore les deux pieds bien ancrés dans les territoires. Nous savons combien cet équilibre est déjà difficile à réaliser dans une région de plus de 2,5 millions d’habitants,  plus étendue que la Belgique. Alors, disons-le clairement, nous ne croyons pas que le doublement de la surface et des distances renforcera la capacité à construire du développement  durable. Nous croyons au contraire que cela risque d’être un sérieux frein, la Région perdant sa capacité à être au contact des réalités de terrain.

 

Gilles Deguet a déjà expliqué que ce qui est difficile à mener avec l’animation de 23 bassins de vie ne pourra plus exister avec 50 bassins de vie répartis sur un territoire étendu comme l’Autriche… Mais je souhaite moi insister sur une dimension consubstantielle du développement durable : celle de la démocratie participative. A l’échelle régionale, un point particulièrement important est la capacité à entretenir un dialogue entre d’une part les élus et les services du Conseil régional et d’autre part la « société civile » organisée à en fédérations, chambres, syndicats, associations, réseaux... Or nous savons tous, ou nous devrions savoir, combien il est déjà difficile du fait de la grande taille de notre région de faire vivre ces organisations régionales surtout si nous voulons qu’elles soient encore composées pour une bonne part de bénévoles. Nous, écologistes, craignons fort que cette capacité de co-construction des politiques publiques qui caractérisait jusqu’ici notre Région ne soit gravement remise en question si on nous contraint à fusionner 3 régions.

 

Je souhaite d’ailleurs dire pour finir que je supporte assez mal l’image de notre région qui ressort de ce processus chaotique de la réforme menée à la hussarde. Je n’apprécie pas du tout  les mouvements de rejet que nous semblons susciter chez ceux avec qui on veut de force nous marier. J’ai un peu le même sentiment en tant qu’élu de la Région Centre que celui que j’ai depuis plus longtemps en tant que Berrichon : moi qui ne suis qu’un immigré sur cette terre du Berry et du Centre j’ai envie d’entendre ici que nous avons des atouts, des ressources, en particulier une qualité de vie que bien des métropoles peuvent nous envier. Pourquoi faudrait-il à tout prix vouloir imiter d’autres territoires ? Pourquoi vouloir uniformiser, standardiser ? Je ne préconise pas je ne sais quel patriotisme de région ou de terroir. Je reconnais volontiers que d’autres régions ont-elles aussi des atouts et des points forts, je trouve d’ailleurs des points forts pour ma part aussi bien en Loire-Atlantique que dans le Limousin, mais, élu de la région Centre et partisan d’un développement avant tout endogène, je n’adhère pas du tout à une présentation  qui ferait passer le maintien de la région Centre dans ses frontières actuelles pour la catastrophe annoncée.

 

Soyons ouverts à toutes les coopérations, à toutes les constructions de solidarités interrégionales comme nous sommes  en train de le faire sur le bassin de la Loire, mais ne cédons pas au mirage de méga-régions dans lesquelles il sera bien difficile de faire vivre les deux principes qui nous habitent face à cette réforme : démocratie et proximité.

 

L’ancien directeur d’Alternatives Economiques disait dans un article récent que la bonne taille pour les régions est celle qui fait sens pour ses habitants. J’ajouterai : celle qui fait sens aussi pour les associations, syndicats et réseaux divers, représentés en particulier (mais pas seulement) au CESER.