Parcours d’Europe : favoriser la mobilité européenne des jeunes
Intervention de Chantal Rebout
Monsieur le Président, Madame la vice présidente, cher(e)s collègues,
il est indéniable qu’offrir la possibilité matérielle à des milliers de jeunes de notre région de se rendre pendant quelques jours dans un pays d’Europe incarne une volonté politique éducative. Qu’il s’agisse des élu(e)s qui siègent ici ou des représentants du CESER, nous ne pouvons que nous réjouir de la mise en place et du maintien de ces dispositifs, qui sont autant de premières pierres dans la construction d’une intelligence collective basée sur la connaissance des autres, de nos différences en tant que richesses, dans une Europe souvent mal perçue.
Parcours d’Europe intervient maintenant dans un souci de mise en cohérence et de visibilité des dispositifs et rappelle des objectifs tels que la promotion de la compréhension et de la solidarité entre les peuples.
Sur la base de ce consensus, je voudrais apporter quelques remarques dans l’intention de faire avancer nos réflexions sur cette politique phare de la Région Centre ; on peut considérer, en effet, que cette politique d’encouragement à la mobilité est dans sa phase de maturité. C’est peut-être le moment, ainsi que le recommande le CESER, de mettre à plat son contenu, ses objectifs, et de lui dessiner des perspectives qui nous paraissent intéressantes.
Toute politique doit s’accompagner d’un effort d’ingénierie, d’autant plus que nos interlocuteurs - équipes de direction, enseignants – nous font part de leur préoccupation à l’égard du temps et de l’énergie qu’il faut consentir à l’organisation de toute action pédagogique. L’idée de mise à disposition des ressources pour soutenir les acteurs et monter les projets est une bonne démarche, mais il nous faut aussi recenser et mettre en réseau les maisons de l’Europe existantes dans les départements, et pourquoi pas soutenir la création d’un lieu dédié à l’Europe et à l’international, afin de faire de ce lieu, un pôle ressource et une réalité permanente dans les territoires.
L’un des premiers rôles de ce réseau, en relation avec les directions de l’Europe et des relations internationales régionales, serait d’aider à l’élaboration des échanges entre établissements, afin d’aller au-delà du voyage, et de tisser des relations entre individus (relations facilitées désormais par les technologies de la communication qui sont les nôtres).
Car je me permets d’insister sur la nécessité de réaliser des projets générant de réels contacts entre les jeunes des pays visités, seul moyen sur la longue durée d’éviter les stéréotypes et les représentations, qu’un simple voyage n’évite pas toujours, voire parfois renforce. Nous pensons que la citoyenneté et la dimension multi culturelle des échanges se construisent dans la rencontre et sur la durée. La valorisation de ces expériences individuelles n’est pas antinomique avec celle de l’expérience collective. Elle permettrait de faire progresser encore plus vite dans l’apprentissage des compétences inter culturelles.
Un autre point d’évolution positive de ces politiques de mobilité devrait porter sur la mobilité entrante peu présente dans le rapport, mais qui est aussi un levier pour contribuer à ces échanges autour de la citoyenneté européenne et même mondiale. Comment la soutenir, particulièrement pour des pays plus éloignés ou la question des visas, et plus généralement des moyens consacrés à la mobilité sont limités. Une construction équilibrée de la citoyenneté repose aussi sur la garantie d’un pied d’égalité dans la relation.
Nous avons avec nos concitoyens européens plusieurs préoccupations communes, c’est certain. Deux d’entre elles me semblent résonner avec la problématique de mobilité qui nous occupe et pourraient faire l’objet d’une plus grande attention de notre part, car, là aussi, les échanges ne peuvent que contribuer à l’enrichissement de chaque société, à la mise en valeur des pratiques de chacun, tout en les interrogeant.
Ces deux axes sont la promotion des filières professionnelles et des métiers auxquels elles conduisent ET la protection de notre environnement qui passe par l’éducation des peuples dans le sens d’un respect compris et conscient des territoires de la part de chaque citoyen.
Afin d’illustrer le premier, je vous engage, cher(e)s collègues à visiter le site du journal Le Mur, expression des élèves du lycée Jean Guéhenno à Saint-Amand-Montrond. Vous y verrez comment à partir des TEC, les élèves en joaillerie bijouterie et leurs enseignants tissent des relations avec d’autres écoles européennes de bijouterie (Belgique, Italie, Grèce...) en visitant les lieux d’enseignement, les sites d’exploitation des matières premières, mais aussi en croisant les pratiques professionnelles. Ainsi, dans le cadre de l’échange européen Comenius, des élèves et enseignants de toutes les écoles correspondantes du lycée, ont participé à un concours intitulé « Ceci n’est pas un bijou » qui a fait l’objet d’une exposition des réalisations à Saint-Amand. Au-delà du voyage, de la primo découverte, c’est un état d’esprit qui se travaille chaque année dans cet établissement, un état d’esprit qui reste connecté avec les réalités professionnelles et qui permet, par exemple, aux jeunes de ce lycée de faire des stages dans différents centres européens.
Pour le second, nous pourrions reprendre l’idée de collaborations à mener, par exemple, avec nos zones de coopération décentralisée, et, parmi les thématiques envisagées, proposer un véritable volontariat écologique, sur la base d’échanges d’équipes sur plusieurs semaines, qui mènent des chantiers de mise en valeur ou de réhabilitation de sites. Nous répondrions autant à notre préoccupation de donner accès au plus grand nombre de jeunes au voyage et à la découverte, qu’à celle de sensibiliser les publics aux questions environnementales. Nous pourrions, pour cela, nous appuyer sur l’expérience d’autres collectivités, mais aussi sur celle des associations de chantiers internationaux.
Au sujet des expériences des autres (territoires, structures), il nous semble pertinent de faire le lien entre les dispositifs de la région et ce qui est fait par d’autres collectivités, acteurs associatifs, je pense notamment au service volontaire européen et même au service civique qui permet aussi la mobilité.
Il est d’ailleurs question dans la communication des jumelages, et des liens à soutenir ou construire avec nos politiques de mobilité. Nous pensons qu’il nous faut soutenir encore plus fortement les collectivités qui font l’effort de faire évoluer leurs jumelages a la fois en terme de contenus, de sens, et de renouvellement des acteurs. Nous devrions, en particulier, accorder une attention certaine à la place des jeunes dans ces dispositifs, non seulement dans les actions mais aussi à la conception du contenu de ces jumelages.
Enfin, notre parcours d’Europe doit permettre aux jeunes de la région Centre, de voyager certes, mais surtout d’aller plus loin dans la valorisation des acquis de l’éducation non formelle et informelle et l’identification des compétences acquises notamment en terme de savoir être. Avec cette exigence, la notion de parcours prendra tout son sens.