Intervention de Jean Delavergne « Manger sain, manger proche ». Nous nous réjouissons de voir cette thématique portée aujourd’hui devant le Conseil régional du Centre. « Manger sain, manger proche ». C’est une thématique qui permet de croiser de nombreuses préoccupations portées jusqu’ici par les écologistes : agriculture de qualité, circuits courts, respect de l’environnement, lien entre santé et alimentation, qualité de vie et enfin convivialité puisque à travers les repas, c’est un peu le vivre ensemble qui se joue… Les écologistes ne sont pas bien entendu les seuls à avoir été sensibilisés mais chacun reconnaîtra sans doute aussi volontiers que les écologistes se sont déjà beaucoup engagés sur ces questions.Faut-il ré-évoquer un certain José Bové et les combats contre la malbouffe ? Faut-il rappeler le rôle de ceux qui portent les AMAP ou encore l’association Terre de Liens ?... La Région Centre a commencé à s’engager ces dernières années sur ce terrain avec Self O’Centre, puis avec la création de la SCIC Self Bio Centre. Ce fut aussi le soutien apporté, à travers CAP Asso à l’Union régionale des ressources génétiques du Berry (URGB), pour le maintien et la valorisation des races et espèces menacées de disparition. C’est aujourd’hui le soutien apporté à la réalisation d’un guide régional des produits non-OGM par la Confédération Paysanne ou encore l’engagement vers une intervention sur le foncier agricole périurbain… Mais avec cette communication, il est proposé d’aller plus loin et de développer un programme d’actions autour de 3 axes : la restauration scolaire, la restauration en particulier touristique, et l’information du grand public. Nous y sommes très favorables si un certains nombre de conditions sont réunies. Il nous semble d’abord impossible que le conseil régional engage sa crédibilité et celle de ses élus dans un slogan tel que « manger sain » sans que nous nous soyons assurés auparavant que les produits concernés sont effectivement « sains », c'est-à-dire qu’ils ne présentent pas de risque pour la santé… La Région Centre s’est engagée depuis plus de 6 ans dans le refus des OGM. Elle a d’ailleurs renouvelé en début de mois cet engagement en intervenant, aux côté de plus d’une dizaine d’autres régions, dans la procédure engagée par le Conseil général du Gers contre l’autorisation de 5 nouveaux OGM par la commission de Bruxelles et nous nous en réjouissons. Comment pourrait-on comprendre, alors, que les produits certifiés « sains » par la région Centre puissent alors avoir été contaminés par des OGM ? Quelle serait la cohérence ? A l’image des poulets de Loué par exemple, ou des broutards du sud de la région, vendus en Italie, pour nous, seuls des produits d’origine animale qui pourront bénéficier d’une certification « sans OGM » pourraient être caractérisés de « sains ». De même, comment la région pourrait-elle garantir que les produits qu’elle mettrait en avant soient « sains », sans qu’ait été fait un réel travail dans chacune des micro-filières concernées sur la question des pesticides. Hier soir encore dans une émission de France 3 nous pouvions voir combien l’usage massif des pesticides menace la santé. Ce sont d’ailleurs les agriculteurs qui sont les premiers concernés et les premières victimes. J’en profite au passage pour dire que nous avons été profondément choqués par les déclarations du président du CESER sur RTL, le 21 janvier dernier, interrogé à propos du décès quelques jours plus tôt, de Yannick Chenet, agriculteur décédé à la suite d’une leucémie reconnue en maladie professionnelle, le président de notre CESER disait que c’était le seul cas qu’il connaissait. Sans doute ne connait-il pas les études de la MSA ! Sans doute n’a-t-il pas vu dans les films « nos enfants nous accuseront » ou « Severn » où des agriculteurs témoignent des graves problèmes de santé qu’ils subissent du fait de l’utilisation des pesticides. Ceux qui veulent s’informer pourront encore voir dans le film de C Robin qui passera le 15 mars sur ARTE des images de la réunion de Ruffec (16) qui a eu lieu en janvier dernier et où étaient présents une trentaine d’agriculteurs gravement malades et soucieux d’alerter leurs collègues et l’opinion publique. Par aileurs, avec l’affaire Mediator-Servier, l’on prend enfin conscience des graves dégâts qu’entrainement les conflits d’intérêt dans le domaine des autorisations de médicaments et il serait temps de voir que des problèmes de nature identique sont posés pour les autorisations sur le marché des pesticides : confusion trop fréquente entre ceux qui siègent comme experts dans les organismes officiels et les entreprises ou les lobbies agro-chimiques. Nous sommes nombreux à craindre que le jour où le scandale éclatera on se rendra compte que c’est bien plus grave pour la santé publique que l’affaire de l’amiante. Dans ces conditions, étant informés, on ne comprendrait pas que la région Centre puisse étiqueter des produits comme « sains », sans qu’une démarche soit engagée pour s’assurer qu’au minimum des démarches du type de celles mises en œuvre, par exemple en Suisse sous le nom d’agriculture intégrée, soient engagées pour les produits déclarés « sains » par la région. Je pense par exemple à une huile de Colza faite à la ferme et commercialisée par un céréalier proche de Châteauroux, exemple qui relève tout à fait de cet engagement : il ne s’agit pas de bio mais cet agriculteur est engagée avec passion dans la protection de la biodiversité et il peut garantir une réduction de 50% des pesticides par rapport aux pratiques dominantes . Nous ne sommes pas des intégristes, et nous ne demandons pas que tous les produits retenus par la région soient des produits bio, même si la bio est tout de même, devons-nous le rappeler, la seule véritable garantie dans ce domaine, … nous ne sommes donc pas des ayatollahs, mais à l’inverse, distribuer comme « sains », dans la restauration scolaire des produits qui seraient bourrés de pesticides relèverait de l’abus de confiance. Sur le versant proximité maintenant, nous nous interrogeons aussi sur les manifestations mises en avant comme Eurogusto et FermExpo à Tours. Slow-Food est un mouvement intéressant, qui affiche des positions très proches des nôtres : contre les OGM, pour des réductions fortes des pesticides. Mais la première expérience d’Eurogusto qui a eu lieu à Tours il y a deux ans, a suscité quelques interrogations. Nous nous sommes d’abord interrogés sur l’absence de producteurs locaux, relevant particulièrement des démarches d’agriculture durable, en particulier de producteurs bio de la région. Mais plus généralement nous nous interrogeons sur la cohérence de ce type de grandes manifestations avec la cause des circuits courts et de la proximité. Plutôt que d’utiliser près de 700 000 € de financement public pour une de ces manifestation ne vaudrait-il pas mieux que, au niveau régional au moins on apporte un soutien aux nombreuses petites et moyennes manifestations, salons qui existent dans la région et qui permettent réellement de tisser des liens directs de proximité entre les producteurs et les consommateurs : je pense par exemple à un salon comme celui de Fougère dans l’Indre et Loire, mais il y en un peu partout qui se déroulent tous les ans aux quatre coins de notre région. En finançant prioritairement ce genre de manifestation ne serions nous pas en meilleure adéquation avec la demande sociale de proximité, d’authenticité, de typicité, de qualité et de relations humaines directes entre producteurs et consommateurs. Mesdames et messieurs, chers collègues, l’écologie donne aujourd’hui un sens à la politique : le sens de l’intérêt général, celui des générations présentes et celui des générations futures, le sens du primat du long terme sur le court terme, le sens de la complexité et de l’unité des problèmes à résoudre… Un dossier comme celui-ci, peut faire la preuve que nous prenons pleinement en compte les enjeux de notre époque : ne décevons pas nos concitoyens , montrons leur que la gauche et les écologistes sont bien en capacité d’affronter les défis du XXIème siècle. ...