Logement : la réquisition est-elle la solution ?

En matière de logement, de mal-logement ou d’hébergement d’urgence, la réquisition fait office de vieux serpent de mer. « 2 millions de mal-logés. 2 millions de logements vacants », lançait le DAL (Association pour le Droit au Logement) il y a quelques années. Ainsi posée, l’équation paraît simple à résoudre.

Et la tentation est grande en effet, de réquisitionner les logements vides que leur propriétaires préfèrent ne pas louer pour mieux spéculer sur leur valeur foncière.

Sur la seule agglomération clermontoise, on estime la vacance à près de 10% du parc privé. Un phénomène en hausse de 35% depuis le début des années 2000, et plus particulièrement concentré sur le coeur de l’agglomération. L’Observatoire local de l’Habitat estime que près de 6 000 logements pourraient être remis sur le marché.

Pourtant si la réquisition peut apparaître comme la solution miracle, c’est une procédure rarement employée, longue et coûteuse.

Vacance et vacance

Au niveau national, la vacance est souvent plus marquée dans les zones où les besoins sont moindres : province, monde rural…

Elle peut aussi concerner des logements trop dégradés pour être habitables.

Ou bien n’être qu’une vacance conjoncturelle, l’intervalle de temps entre l’occupation de deux locataires successifs.

 

Quels logements peuvent être réquisitionnés ?

Un propriétaire particulier ne peut pas être soumis à la procédure de réquisition. Une bonne partie du parc de logements vacants n’est déjà pas concerné.

Aujourd’hui, seuls peuvent être réquisitionnés des immeubles de logements vides appartenant à des personnes morales (banques, entreprises, assurances, institutions, etc.), qui sont vacants depuis plus de dix-huit mois et situés dans les communes où existent d’importants déséquilibres entre l’offre et la demande de logements.

Qui peut réquisitionner ?

Le maire ou le préfet (soit directement, soit via un attributaire)

Le « rendement » de la procédure – Un exemple

Lorsque la vieille ordonnance de 1945 est revenue sur la table au début de l’hiver dernier, l’administration fiscale a commencé de dresser une liste des logements inoccupés depuis plus de 18 mois dans les zones où le marché de l’immobilier est le plus tendu (Ile-de-France, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Rhône-Alpes et Midi-Pyrénées).

Dans la seule région parisienne, 90 000 logements sont sortis des fichiers ; 70 000 correspondaient aux critères de la réquisition. L’administration a ensuite fait le tri des logements isolés : il n’est en effet pas rentable, étant donnée la lourdeur des procédures, de faire la démarche pour un seul appartement dans un immeuble ; il en faut au moins quatre ou cinq. De 70 000, on est arrivé à 7500. Ces 7500 doivent ensuite faire l’objet d’une visite des services de l’État afin d’établir la vacance.

La durée de la procédure

Selon les cas, il faut donc compter trois à quatre mois entre la notification de l’intention de réquisitionner par le préfet et l’arrêté de réquisition, qui permet qu’un logement soit mis à disposition des autorités publiques. Au-delà, selon l’état général du logement, des travaux plus ou moins longs peuvent s’avérer nécessaires.

Nous sommes donc loin d’une procédure d’urgence.

Le coût de la procédure

Il ne s’agit ni de saisie ni de spoliation : les propriétaires sont dûment indemnisés à hauteur d’un loyer légèrement inférieur aux tarifs sociaux. La durée d’une réquisition est comprise entre un an et six ans (douze ans en cas d’investissements lourds au moment de la réquisition)

***

La réquisition souvent brandie comme l’arme définitive contre la crise du logement ou de l’hébergement d’urgence n’est donc pas une solution d’urgence. Elle ne concerne en outre qu’un nombre restreint de logements, ceux des personnes morales, pour un coût, si ce n’est prohibitif, du moins conséquent. Si l’heure est à la recherche d’une efficacité plus grande de la politique d’hébergement, la réquisition n’est sans doute pas une solution pérenne.

Effet dissuasif

L’intérêt qu’elle présente, symbolique, est lié à son existence même : le simple fait d’en brandir la menace pousse certains propriétaires des logements visés à remettre leurs biens sur le marché. En Ile-de-France, cinq mois après le lancement d’une campagne de réquisition par Cécile Duflot, 75 % des appartements ciblés ont été remis en location ou sont sur le point de l’être, avant que l’administration n’ait eu besoin d’aller au bout de la procédure.

 

Remonter