Tribune d’Eric Alauzet : « Maintenir l’action de l’Etat et retrouver une concurrence non faussée entre les entreprises »

Tribune d’Eric Alauzet dans « La Revue du Trombinoscope » de Janvier sur les mesures contre la fraude et l’optimisation fiscale des multinationales.

« Nous devons aujourd’hui tracer une troisième voie : la lutte contre la fraude en adoptant une trajectoire européenne d’extinction de l’évasion fiscale, qui rendra réaliste celle de la réduction des déficits publics »

 

Maintenir l’action de l’Etat et retrouver une concurrence non faussée entre les entreprises :

La nécessité d’une trajectoire de réduction de l’optimisation fiscale agressive

Au mois de novembre 2014, les plus grandes puissances mondiales se sont engagées, lors du G20 de Brisbanne, à mettre en œuvre les mesures contre la fraude et l’optimisation fiscale des multinationales proposées par l’OCDE. Dans une période où les comptes des Etats sont mis à rude épreuve et où l’argent public se fait rare, chacun comprend qu’il n’est plus acceptable qu’au niveau mondial 32 000 milliards de dollars reposent dans des paradis fiscaux. En France, alors que chaque citoyen est appelé à faire des efforts importants et que le gouvernement projette une réduction des dépenses publiques de 50 milliards € entre 2015 et 2017, la fraude et l’optimisation fiscale font perdre chaque année à l’ensemble des français une somme équivalente.

Le 6 décembre 2013, la majorité a adopté une loi relative à la lutte contre la Fraude et la grande délinquance financière. Cette loi a durci les sanctions à l’égard des fraudeurs et renforcer la protection des lanceurs d’alerte contre toute discrimination ou licenciement. Les lanceurs d’alerte jouent un rôle essentiel dans notre lutte contre la Fraude. En effet ce sont eux  qui ont révélé les ententes entre les grandes entreprises et le Luxembourg ou les pratiques de la banque HSBC. Cette loi a porté ses fruits puisque ce sont plus de 30 000 dossiers de repentis fiscaux que le ministère des Finances a traité en 2014. Les sommes en jeux sont colossales. En 2013 l’Etat français a ainsi récupéré 10,8 milliards € grâce aux redressements fiscaux.

Néanmoins, après avoir durci notre législation face à la fraude des particuliers, il reste beaucoup à faire en ce qui concerne la fraude des multinationales. Les efforts importants consentis par l’Etat pour soutenir l’activité des entreprises (crédit d’impôt recherche, baisse de cotisations sociales, crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, réalisation d’infrastructures…) les « obligent » à payer leurs impôts.

Des solutions pour réduire l’optimisation fiscale des grandes entreprises existent. En priorité, renforcer la transparence. Ainsi, après les banques, les entreprises multinationales ayant des activités en France devront communiquer les informations suivantes : chiffre d’affaire réalisé dans chaque Etat où siège au moins une filiale, niveau d’impôt et nombre de salariés employés afin de mettre en évidence et à dissuader les activités « fictives ». Il est aussi nécessaire de renforcer les sanctions en cas d’incitation à la Fraude, ainsi que la transparence sur le calcul des prix de transfert. Enfin, on doit suivre l’exemple du Royaume-Uni qui a annoncé la mise en place d’une taxe de 25 % sur les « bénéfices détournés » par les grands groupes.

L’enjeu est clair : ne pas effondrer la dépense nécessaire à l’action et à l’investissement public et assurer une concurrence non faussée entre les entreprises. Entre les réductions drastiques des dépenses publiques ou les augmentations d’impôt, nous devons aujourd’hui tracer une troisième voie : la  lutte contre la Fraude en adoptant une trajectoire européenne d’extinction de l’évasion fiscale qui rendra réaliste celle de la réduction des déficits publics. Ce n’est rien de moins pour le G20 qu’une question de sauvegarde de nos grandes démocraties.

Eric Alauzet

 

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