Tribune d’Eric Alauzet : La Flat tax du « Président des riches » ?

Tribune

Paris, le 15 novembre 2017.

 

La Flat tax du « Président des riches » ?

Le Prélèvement forfaitaire unique (PFU), appelé également « flat tax », a été montré (avec l’ISF – Impôt sur les grandes fortunes) comme un des stigmates d’une politique en faveur des riches. Qu’en est-il en réalité ?

Après le succès de François Hollande à l’élections présidentielle de 2012, la nouvelle majorité rose-verte – à laquelle j’ai participé en tant que parlementaire – s’était flattée d’avoir mis en œuvre cette très ancienne revendication de la gauche, à savoir l’alignement de la fiscalité des revenus du capital sur celle des revenus du travail.

Autrement dit, la taxation des revenus immobiliers et autres actions ou obligations étaient depuis 2012 imposés au barème progressif de l’impôt sur le revenu et contribuent plus fortement à la collecte fiscale. Il y avait là comme une sorte d’évidence.

Ironie du sort, tant de fois répétées au cours de l’histoire politique de la gauche au pouvoir, le peuple de gauche ne lui en a pas été particulièrement reconnaissant. Un certain nombre de militants de gauche, y compris des partis politiques sensés soutenir la majorité, préféraient traquer ici ou là des contradictions ou des insuffisances pour mieux entretenir la critique du Président de la République et de la majorité au pouvoir avec cette idée obsessionnelle si répandue qui dit que la gauche au pouvoir « trahit toujours »

 

Mais revenons au sujet. Quelle a été l’efficacité de cette mesure ? Comment estimer le montant des recettes générées pour l’Etat et qui seront perdues avec le PFU ? Difficile à estimer. Le chiffre le plus souvent cité le plus souvent cité se situe autour de 1,5 milliards d’euros. C’est une somme importante au regard de la suppression de centaines de millions d’euros sur telle ou telle politique de l’Etat. Mais au regard des dizaines de milliards de l’évasion fiscale ou des dix milliards de suppression de la taxe d’habitation, ou encore des 330 milliards de collecte fiscale de l’Etat, c’est peu.

 

Avant de se faire une opinion ou un avis, il faut peut-être prendre quelques repères et un certain recul. Tout d’abord au plan européen, pour constater que la France est le pays qui taxe le plus les revenus du capital. Ce n’est peut-être pas un hasard si la France n’a fait aucun émule depuis 2012 ?

 

Il faut également observer l’évolution en France de la taxation des capitaux durant les quarante dernières années. En réalité, le prélèvement forfaitaire n’est pas une totale nouveauté, il a même été la règle jusqu’en 2012.  En effet, jusqu’à cette date, existait le prélèvement libératoire, un dispositif qui permettait à l’assujetti à l’impôt sur les revenus du capital de faire le choix de l’impôt forfaitaire, « libératoire », plutôt que du barème progressif de l’impôt sur le revenu. Le taux de ce prélèvement « libératoire », équivalent d’une « flat tax » – a beaucoup varié pendant les quarante dernières années. François Mitterrand l’avait abaissé à 17% en 1990 avant de le remonter à 19,4% en 1995 et, à l’époque de Lionel Jospin , ce prélèvement « libératoire » a tourné autour de 25%, cotisation sociales comprises.

 

Voilà de quoi regarder l’évolution en cours d’une autre manière. En fait, la situation en 2018 sera assez proche de celle qui préexistait avant 2012. Le taux de prélèvement libératoire se situait alors à 19% pour les revenus de 2011 payés sur les impôts de 2012 auxquels il fallait ajouter les cotisations sociales pour un montant de 13,5%, soit un total de 32,5% contre les 30% de la « flat tax » de 2018. Toutefois, une nuance de taille doit être observée, à savoir, en 2018,  le maintien d’une fiscalité élevée sur les revenus de l’immobilier qui resteront imposés à hauteur de 60,5% pour la dernière tranche de l’IR et même de 62,2% avec l’augmentation de la CSG de 1,7%. Donc, en réalité, la taxation restera relativement plus lourde en 2018 que partout en Europe et que de tout temps en France, hormis pendant la période de 2012 à 2017.

Bref, la soi-disant « flat tax » du Président des riches » l’est sensiblement moins que celle des années Jospin et Mitterrand.

 

Éric Alauzet

5 commentaires pour “Tribune d’Eric Alauzet : La Flat tax du « Président des riches » ?”

  1. Ami député,

    Nous tenir au courant c’est fort bien, mais il serait bon d’avoir une conclusion pour l’immense majorité citoyenne, nulle en Economie,(à qui la faute ?).
    Comparons notre imposition citoyenne, imposition des sociétés PME PMI, et imposition des cartels, monopoles. Un résumé nous permettrait de comparer? Nous nous ferions une idée sur les fort possibles injustices de l’impôt. Suivant que tu seras puissant ou misérable, l’imposition de chacun sera faite en fonction des privilèges accordés aux puissants. J. Daudon membre du Comité National de Transition. Voir la dernière vidéo : https://youtu.be/xiYl5zpxPzU Merci cher député.

  2. Bravo Eric pour cette démonstration qui est plus longue à lire et à comprendre que les slogans et autres raccourcis qui entretiennent le conformisme et la bien-pensance de nombreux de nos amis et au final une certaine paresse intellectuelle qui me désespère !

  3. Eric, je suis toujours très étonné de l’énergie que tu es capable de déployer pour justifier la politique économique de Macron… Comme tu le faisais il n’y a pas si longtemps pour celle de Hollande.
    La flat- tax c’est quoi ?
    – une façon de diminuer les impôts sur le capital des plus riches en les plafonnant à 30 % alors que s’ils étaient intégrés à l’impôt sur le revenu, ils pourraient être taxés dans la tranche marginale, c’est-à-dire à 45 %.
    – cela introduit une différence de traitement de 15 %, entre revenus salariaux et revenus du capital. C’est donc très injuste et c’est bien un cadeau fait aux plus riches.
    Tu dis que cela représente 1,5 milliard d’euros, mais d’autres économistes parlent de 1,9 milliard. Dans tous les cas c’est autant d’argent qui va manquer pour mener des politiques publiques et en particulier la transition énergétique. Les effets sont déjà très sensibles sur la Communauté de Communes Loue-Lison dont je suis délégué.
    Mais il y a plus grave. Une étude d’un économiste anglais, Gabriel Zucman, explique que le manque à gagner pourrait être bien supérieur à terme, parce que ce différentiel de 15 % va inciter les dirigeants des entreprises à faire basculer une partie de leur rémunération salariale en revenus du capital. Ce qui, à terme, pourrait représenter un manque à gagner de 5 à 20 milliards d’euros. (évaluation moyenne autour de 10 milliards d’euros). Il parle de bombe à retardement pour les finances publiques.

    Voici les éléments du débat :

    article du Monde : http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/10/25/la-flat-tax-est-une-bombe-a-retardement-pour-les-finances-publiques_5205612_3232.html

    article original en anglais : http://gabriel-zucman.eu/files/AJZ2017b.pdf

    Il est exact que ce n’est pas la première fois qu’un gouvernement mène une politique fiscale favorable aux plus riches, mais ce n’est pas une raison… Suppression de l’ISF, flat-tax, ça fait beaucoup non ? D’autant plus que plusieurs articles du numéro d’Alternatives Economiques de novembre 2017 démontrent qu’il est illusoire de penser que cette politique en faveur des plus riches va favoriser l’emploi.

    Alors, Macron, président des riches ? Chacun a les éléments pour se faire son opinion.

  4. Gérard,
    Qlqs éléments de réponses…
    Eric

    – Nous avons très bien compris, toi et moi, que la flat tax réduisait l’impôt de 45 à 30% tout au moins pour celles et ceux qui sont soumis à cette tranche ; mais pour être précis, il ne n’agit pas d’un impôt sur le capital mais d’un impôt sur le revenu du capital
    – Oui, comme cela était le cas et de manière plus fragrante encore à l’époque de Mitterrand et de Jospin, époques à laquelle l’impôt sur les revenus immobiliers étaient plus de deux fois supérieur à celui qui courra à partir de 2018 soit 62,2% au lieu de 18/25%
    « Tu dis que cela représente 1,5 milliard d’euros, mais d’autres économistes parlent de 1,9 milliard » : Comme toujours, il y a une marge d’appréciation
    Là on peut tout dire et établir tous les liens qu’on a envie d’établir ; parmi les mille et une réponses, je pourrais par exemple t’indiquer que l’augmentation de la CSG de 1,7% va faire contribuer les revenus du capital à hauteur de 2,1 Md€ , donc autant voire plus que l’instauration de flat tax n’en fait perdre ; ce qui n’aurait pas été le cas avec l’option LR qui prévoyait une augmentation de la TVA
    – Comment cela se passait-il au moment où le prélèvement libératoire se situait entre19 et 25% alors que la tranche marginale d’IR était largement supérieure à l’actuelle avec un delta plutôt autour de 30% à l’époque de Mitterrand et Jospin ?

    Si tu as des exemples en Europe ou historiquement en France qui qui ne seraient pas « une politique fiscale favorable aux riches » et qui ferait référence pour toi, je suis preneur.

  5. En somme comme on perd des rentrées fiscales avec l’évasion fiscale on peut encore en perdre un peu plus.
    Au terme de quelques années il faudra faire la démonstration que ces 1,5 millards, très minorés, ont bien été réinjectés dans l’investissement productif.

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