Question au gouvernement sur les paradis fiscaux : « vers une première mondiale »

Mardi 12 février 2013

Éric Alauzet, député du Doubs

Monsieur le ministre de l’économie et des finances, le projet de loi bancaire traduit la volonté de la représentation politique de reprendre la main sur la finance. Protéger l’épargne des déposants, protéger le contribuable face à une éventuelle faillite bancaire, orienter l’épargne vers l’économie durable, vers les entreprises et vers l’emploi, tel est l’enjeu. Pour ce faire, monsieur le ministre, les écologistes sont engagés.

Comme vous l’avez souhaité, nos propositions sont prêtes, déjà intégrées pour partie au projet de loi par la commission des finances. Nous attendons de ce projet qu’il marque notre engagement contre les paradis fiscaux. Dans ce domaine, l’obligation de transparence pour les filiales bancaires constituera à la fois une première et un premier pas. Elle permettra d’évaluer l’activité réelle des banques dans l’ensemble des pays, et d’identifier les paradis fiscaux, où les impôts s’évaporent pour générer ici de l’austérité, où fleurissent les produits financiers risqués qui, tôt ou tard, mettront à bas la finance et l’économie mondiale, et où se perd le contrôle des transactions financières.

L’affaire des lasagnes de Findus a mis en évidence des cheminements tortueux dans trois paradis fiscaux : Chypre, le Luxembourg et les Pays-Bas. Les paradis fiscaux fonctionnent comme des boîtes noires, qui privent de ressources à la fois les États et l’économie. Ce sont de véritables poudrières qui, sous l’effet de la moindre étincelle, pourraient faire sauter toute la finance mondiale.

La France sera la première à faire évoluer les choses. Mais la réussite ne sera réelle que si les projets à l’étude en Europe viennent rapidement conforter et amplifier le nôtre. Alors que l’opposition néglige étrangement ce débat, monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer votre détermination à lutter contre les paradis fiscaux, à accorder une attention particulière à la spéculation sur les matières premières agricoles, à mettre la politique au coeur de la finance, à remettre un visage sur la finance ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

Monsieur le député, tout à l’heure, après le vote du projet de loi sur le mariage pour tous, l’Assemblée nationale commencera l’examen du projet de loi portant séparation et régulation des activités bancaires. C’est un engagement très important du Président de la République qui se trouve ainsi concrétisé, et c’est aussi la preuve de notre volonté de tirer les leçons de la crise de 2008, afin d’éviter que de tels errements ne se reproduisent.

Je m’étais, d’emblée, déclaré ouvert à un travail avec le Parlement et à la prise en compte d’amendements, et je m’y suis tenu, notamment sur la question de la lutte contre les paradis fiscaux, si importante pour vous. Ainsi, la commission des finances a adopté, avec le soutien du groupe socialiste, un amendement déposé par le groupe écologiste, qui va permettre à la France de réaliser une première démocratique et, ce faisant, la placer à l’avant-poste de la lutte mondiale contre les paradis fiscaux.

Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

Il existait une liste de huit territoires non coopératifs. Grâce à l’amendement qui, je l’espère, va être approuvé par l’Assemblée nationale tout entière, toutes les banques seront obligées de faire la pleine transparence sur leurs activités et leurs effectifs dans tous les pays, au-delà même des territoires non coopératifs que j’ai évoqués.

Cette avancée, attendue par les ONG et réclamée depuis longtemps par la gauche, me paraît indispensable. Elle s’inscrit dans le cadre d’une lutte menée au niveau international : je reprendrai ce dossier dans le cadre du G20 et de l’OCDE, en évoquant notamment le problème de l’érosion de nos bases fiscales.

Vous m’interrogez également sur la spéculation sur les matières premières agricoles. Comme vous le savez, le projet de loi anticipe également sur cette question, en proposant d’interdire la spéculation sur les marchés dérivés de matières agricoles.

Je suis prêt à aller plus loin, en poursuivant le travail avec l’Assemblée et le Sénat, ainsi que sur le plan international. Le débat va commencer tout à l’heure, et je suis persuadé que, lorsque le texte sera voté, que nous pourrons tous être fiers de cette avancée qui constitue une première mondiale et une avancée historique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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